INFOGRAPHIE. Gucci, Audi, Quechua... Quelles sont les marques les plus citées par les rappeurs français?

Elles sont sur les pochettes d'album, dans les clips et même dans les morceaux: les marques sont aujourd'hui omniprésentes dans le rap français. Associées à un certain statut social et synonymes de réussite, les enseignes font partie intégrante de culture hip-hop, qui prête une attention toute particulière à l'esthétique, la mode et le style et permettent aux artistes d'exprimer leur identité.

Ces marques ont d'ailleurs compris le potentiel commercial du marché rap - musique la plus écoutée en France - et certaines n'hésitent plus à se rapprocher des artistes, jusqu'alors assez éloignés de leur image, pour réaliser des collaborations.

Dernier exemple en date, la marque de luxe Dior qui a fait d'Orelsan l'égérie de sa nouvelle campagne pour le parfum Gris Dior, au côté de six autres stars internationales telles que les actrices Jenna Ortega ou Maya Hawke.

Pour explorer davantage la relation entre les marques et le rap français, BFMTV.com a compilé les enseignes les plus citées - au moins une fois - par les rappeurs français sur les 200 meilleures ventes d'albums sortis entre 2019 et 2023.

"On peut autant subir que l'honorer"

C'est Audi qui se hisse en tête de ce classement des marques les plus citées dans le rap français. Mentionée au moins une fois dans 212 morceaux, elle devance d'autres grandes marques automobile telles que Mercedes (66 morceaux), Porsche (55 morceaux ou Ferrari (53 morceaux).

Jul est l'artiste qui évoque le plus le constructeur allemand. Dans l'ensemble de sa discographie sortie entre 2019 et 2023 - soit 11 projets - le rappeur marseillais mentionne Audi dans 31 chansons.

"J’pose l’Audi, il fait beau, j’prends la moto. D’mande à Tchyko sous métaux dans l’auto. Cache la beuh, y a les bleus dans l’rétro", rappe Jul dans son titre Italia.

Contactée, l'enseigne affirme toutefois n'être en aucun cas responsable de cette première place. "Aujourd’hui les artistes, qu'ils soient musicaux ou autres, font référence à des Audi dans leurs clips ou dans leurs paroles, mentions pour lesquelles la marque n’a aucun lien et ne vient pas pousser cette présence", affirme Sabrina Nicolas, chargée des relations presse d'Audi.

Et d'ajouter: "Par moment on peut se dire que d’une manière ou d’une autre ça nous fait une bonne image, mais à d’autres moments, l’image est un peu entachée. On peut autant le subir que l’honorer."

Omniprésence des marques de luxe

Parmi le top 10 s'en suivent de nombreuses marques de prêt-à-porter et d'accessoires de luxe: Gucci, Rolex, Louis Vuitton, Fendi, Versace... citées respectivement dans 206, 137, 128, 79 et 72 morceaux depuis 2019.

Ce constat n'est pas anodin et fait sens avec l'image véhiculée par la culture hip-hop selon la styliste Anne-Sophie Da Fonseca, qui a notamment habillé des rappeurs tels que Ninho, Maes ou Captain Roshi.

"En général, les rappeurs viennent de quartiers difficiles et n'ont pas forcément connu la richesse. Donc quand ils y accèdent, ils réalisent un peu leur rêve et peuvent se payer des marques auxquelles ils n'avaient pas forcément accès", explique la styliste.

"Et comme leurs textes parlent généralement de l'évolution de leur quotidien, ce n'est pas étonnant d'y retrouver des noms de marques de luxe", poursuit Anne-Sophie Da Fonseca.

Outsiders

Très éloigné de l'univers des marques de luxe, un outsider se glisse dans notre classement. Ainsi Quechua, marque de produits pour la pratique de la randonnée nature et en montagne, est la 22e enseigne la plus citée par les rappeurs français depuis 2019.

Mentionée dans 34 morceaux, Quechua, marque française commercialisée chez Decathlon, se hisse entre le constucteur Honda et l'enseigne de casques de moto japonais, Araï.

"Mettre le Quechua en hiver (Quechua en hiver) Tu connais déjà mon univers (Déjà mon univers) Ranger le bolide au garage (Le bolide au garage) Sortir le 9 et le Scénic (Et le Scénic)", rappe Stavo dans le morceau Quechua.

Citée notamment par Hamza, 13 Block ou Jul qui lui dédie une chanson, la popularité de Quechua n'est pas sans rappeler le succès des survêtements de Kalenji (autre marque vendue chez Decathlon), qui avaient connu un regain de vente en 2019 à Marseille grâce à celui que l'on surnomme l'Ovni.

Stratégie marketing

Malgré la publicité offerte par les rappeurs aux marques de luxe, à l'instar de Gazo qui a notamment consacré un morceau entier à son amour pour l'enseigne Céline, selon Anne-Sophie Da Fonseca, certaines maisons de mode restent encore "frileuses" à l'idée de collaborer avec des rappeurs.

"Il y a des enseignes ont un peu une image dégradante du rap et ont peur de peut-être perdre leur clientèle de base. Je peux comprendre qu’une marque n'ait pas forcément envie de se retrouver dans une cité alors qu’ils essayent de prôner le luxe", précise-t-elle.

La styliste note toutefois une amélioration: "J'ai l’impression que certaines marques s’intéressent de plus en plus au rap parce qu’ils savent que c’est l’un des marchés qui rapporte le plus en France et qui est très influent."

Outre Dior avec Orelsan qui a également habillé le rappeur sur sa tournée Civilisation d'autres enseignes telles que Puma, avec Alonzo en 2018, Cartier et Kenzo avec S-Pri Noir en 2019 ou Reebok avec Jul en 2022 ont commencé à miser sur le rap pour promouvoir leurs produits.

Et ces collaborations ne sont pas sans résultat selon Anne-Sophie Da Fonseca. "Quand Gazo cite Céline, il apporte une nouvelle clientèle et pas mal de ventes à la marque", note-t-elle.

"Même chose pour Ninho dans son clip 'Tout en Gucci'. Il est habillé par la marque de la tête aux pieds et la vidéo a fait 112 millions de vues. C'est une belle pub pour Gucci et ça a eu un impact sur les auditeurs de Ninho qui ont voulu reproduire son look", ajoute la styliste.

Désormais certains artistes passent même à la vitesse supérieure et lancent leurs propres marques à l'instar de Booba avec Unküt, Jul avec D'Or et de Platine ou Orelsan avec Avnier. Un moyen pour ces rappeurs faire un pied de nez au monde de la mode qui a longtemps craint d’être associé à leur univers.

"Il y a quelques années, vous vous moquiez de nous, vous nous preniez pour des clowns et maintenant tout le monde s’habille comme nous", conclut Alonzo dans une interview chez Booska-P.

Article original publié sur BFMTV.com