Influences pop, ancrage à Marseille, proximité... Les ingrédients de la recette Jul

Le rappeur marseillais Jul dévoile son nouvel album
Le rappeur marseillais Jul dévoile son nouvel album

"Ils n'ont pas cru en moi, ça leur est passé sous le nez." Dans le morceau Cremosso, extrait de son album C’est pas des LOL, Jul résume en une phrase les premières années de sa carrière dans le rap: vivement critiqué et moqué pour son style, à contre-courant des tendances lors de ses débuts en 2014, le rappeur a fini par s'imposer comme l'un des artistes incontournables du paysage musical français.

Le Marseillais qui dévoile ce vendredi son 25e album studio, Extraterrestre, est même devenu en 2020 le plus gros vendeur de disques dans le rap français avec plus de 4 millions d’albums écoulés. Il s’offre également le titre du rappeur français le plus écouté sur Spotify, avec 2,5 milliards de streams sur la plateforme. Décryptage des raisons de ce succès.

• De la musique "à la Jul"

Au fil des albums, Jul est parvenu à créer sa propre formule musicale hyper efficace basée sur un mélange simple: des paroles rap souvent mélancoliques, des rythmiques électro dansantes et des mélodies entêtantes.

Comme l’illustre Konbini dans une vidéo intitulée "Les influences de Jul ne sont pas forcément celles que vous croyez", le Marseillais s'aventure même à piocher dans la variété française et internationale pour composer ses morceaux. Par exemple sur son titre My World, reprenant la mélodie de Barbie Girl d’Aqua, le hit Normal qui détourne Les Démons de Minuit ou encore le morceau Mon son vient d’ailleurs, inspiré de Freed from Desire de Gala.

Grâce à ce pas de côté, Jul s'est affranchi des codes préétablis du rap français pour aller chercher des publics du côté de la pop, du reggaeton ou de la musique électronique. Une performance "ambitieuse et novatrice" qui a permis au rappeur "de se distinguer des autres", analyse Shkyd, auteur, compositeur et musicien.

"Jul a apporté un véritable renouveau dans le rap. ll est arrivé à définir un style tellement indescriptible, qu'on est obligé de le décrire en disant 'un morceau à la Jul'", ajoute le beatmaker.

Comme pour beaucoup, la première approche de ce dernier avec Jul a été plutôt critique. Découvert grâce au titre Briganté, en 2014 le beatmaker confie "avoir trouvé ça nul". Pourtant, la position de Shkyd a aujourd'hui bien évolué.

Il l’affirme: "objectivement, sur ces 5 années, je ne vois pas quel autre beatmaker peut dire qu'il a composé une prod meilleure que celle de Bande organisée. Tout le monde a dansé au moins une fois dessus, c’est devenu de la musique populaire, au sens année 2000 du terme."

• Un ancrage à Marseille

La formule proposée par Jul a pris racine à Marseille - et ce n'est pas anodin. Dans les années 80, le rap de la cité phocéenne côtoyait déjà la musique électronique notamment sur le tube Je danse le Mia d’IAM. Des sonorités funk et disco que l’on retrouve également quelques années plus tard en 2000 sur l’album Mode de vie…Béton style du Rat Luciano.

"Ce qui est fascinant avec Jul c’est qu’il a réussi à ancrer sa musique de manière régionale comme ont par exemple pu le faire les Antilles avec le bouyon", précise Shkyd.

En 2014, Jul a donc été l'un des premiers à remettre un coup de projecteur sur cet héritage musical en le modernisant à grand coup d’autotune et de mots en argot de Marseille. Une ville à laquelle il n'a d'ailleurs pas manqué de rendre hommage avec son projet 13 Organisé, regroupant une cinquantaine de rappeurs marseillais (IAM, SCH, Elams, L'Algérino, la Fonky Family...).

Récompensé d'un triple disque de diamant, ce projet, qui fera date dans l'histoire du rap marseillais n'a pourtant pas profité à Jul. Soucieux de faire bénéficier ses collègues, l'artiste a tenu à ce que les 50 participants à l'album soient crédités comme producteurs, afin qu'ils puissent tous toucher la même somme d'argent. Du jamais-vu dans le milieu du rap.

"À la base, j’voulais pas faire ça pour l’argent déjà et j’voulais faire ça aussi pour faire croquer les gens qui n'ont pas la possibilité d’être visible. Autant les faire croquer avec de l’argent, du buzz... J’ai voulu tout partager et tout le monde touche pareil", avait à l'époque confié Jul sur Instagram.

• Une productivité impressionnante

Depuis 2014, Jul a réalisé 521 morceaux et 25 albums soit respectivement plus de 65 titres et 3 albums par années. Un chiffre astronomique pour un artiste français. Selon Rapsodie, "l'institut data du rap francophone", les rappeurs ayant sorti davantage de disques se comptent sur les doigts de la main: LIM, Alibi Montana, Swift Guad... Des artistes dont la carrière a commencé au début des années 2000 et qui ont écoulé beaucoup moins de disques que Jul, dont tous les albums sont certifiés platine.

"Quand t'es fan de Jul, t'es jamais déçu", assure Shkyd. Car même après autant de disques, le rappeur, surnommé "La Machine", est parvenu à conserver son style, tout en travaillant totalement en indépendant. "Disque d'or en trois jours, je réalise pas. J'crois pas que les maisons de disques kiffent ça", rappait-il dans son titre Coucou, sorti en 2015.

Cette constance à tout épreuve est en outre l'une des raisons de la popularité du Marseillais, comme l'explique Shkyd: "Jul c'est quelqu'un qui satisfait nos besoins créés par les réseaux sociaux d'avoir constament besoin d'un contenu pour nous abreuver. Il y a toujours des quantités astronomiques de morceaux dans lesquels tu peux piocher et tu finis obligatoirement par trouver quelque chose qui te plait au final."

Le producteur s'essaye même à une comparaison assez efficace: "Jul c'est un peu comme les séries policières du type New York unité spéciale. Ce n'est pas grave si tu loupes un ou deux épisodes, tu auras toujours l'impression de comprendre ce qui s'y passe", déclare-t-il avec humour.

• Un personnage humble et proche de ses fans

Ce qui fait une partie de la popularité de Jul c'est aussi la posture qu'il dégage. Celle d'un artiste simple, fuyant les projecteurs malgré son succès et discret dans les médias. Quand ses acolytes en tête des classements se montrent au volant de voitures de luxe, Jul, lui, loin du bling-bling, débarque en Twingo au Stade Vélodrome.

Cette simplicité s'exprime également à travers son style vestimentaire. Comme il le rappe dans son titre Wesh alors, avec Jul, pas question de vêtements de luxe: "J'suis dans le game en claquettes, dans le carré VIP en survêt." Cette tenue confortable et minimaliste a d'ailleurs été l'objet d'une vraie tendance à Marseille, faisant grimper en 2019 les ventes de survêtements Kalenji - rebaptisé "Kalenjul" pour l'occasion - et des vestes Quechua chez Décathlon.

"Faut qu'je m'en sorte sans faire la superstar", rappe Jul sur son morceau Superstar, sorti en mai dernier.

Mais là où Jul se montre le plus accessible c'est avec son public. Car si jusqu'ici le rappeur est parvenu à se construire seul, sans maison de disques ni média, ce sont ses fans - surnommé sobrement sa "team Jul" - qui lui ont permis d'en arriver là où il en est aujourd'hui.

Un soutien que l'artiste marseillais ne manque pas de récompenser. En témoigne le concept inédit imaginé pour la promotion de son nouvel album Extraterrestre. Les vingt titres du projet seront chacun accompagné par un clip par des NFTs exclusifs qui donneront notamment accès à un pourcentage de réductions à vie sur le site de merchandising de Jul mais aussi aux certifications de son album et pour 3 d'entre eux, au versement des royalties provenant de 3 des clips publiés sur YouTube pendant un an.

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Nulle doute que sa "team" lui rendra donc la pareille lors de son tant attendu concert au Stade Vélodrome de Marseille, ce samedi 4 juin, reporté et complet depuis deux ans. "C'est incroyable, c'est mon rêve qui va se réaliser. Je travaillais et fouillais les gens devant le stade, et là, je me retrouve à chanter devant 60.000 personnes", se réjouit Jul au micro de BFMTV Marseille Provence. Une consécration pour une carrière qui promet son lot de belles surprises à venir.

Article original publié sur BFMTV.com