"Infecte purge", "ratage monumental": "The Palace", le dernier film de Polanski, critiqué à Venise

"Infecte purge", "ratage monumental", "laid": The Palace, le dernier film de Roman Polanski, a été vivement critiqué ce week-end à la Mostra de Venise lors de sa projection - qui a eu lieu en l'absence du réalisateur.

The Palace, tourné à Gstaad en Suisse, se veut une comédie à sketches dans un hôtel de luxe, le soir du Nouvel an 2000. Au générique, quelques noms connus, comme Fanny Ardant ou Mickey Rourke, mais aucune star en vogue.

The Palace entend rire à gros traits des excès de l'époque, avec une galerie de personnages outrés: oligarques russes, milliardaires insupportables, cliente nymphomane, plombier lubrique. Sans compter un chien, qui finira par s'accoupler avec un pingouin.

"Totalement grotesque"

Très loin des grands films de Roman Polanski, auteur du Pianiste, sur la Shoah, ou du classique de l'horreur Rosemary's Baby, cette comédie au budget de 21 millions d'euros a reçu un accueil glacial et embarrassé en projection de presse.

Libération estime dans ses colonnes que The Palace est une "infecte purge" où "Polanski, au bord de la sénilité, régurgite les rebuts depuis longtemps contenus dans son cinéma (cruauté facile, gags de petit vicelard) sous une forme totalement grotesque".

Pour Le Figaro, The Palace est un "naufrage" et "un ratage monumental", tandis que pour Télérama, c'est "un film indigeste et laid". "Je ne suis pas sûr d'avoir déjà vu un tel silence de mort dans une aussi grande salle de cinéma pendant un film qui faisait autant d'efforts pour être drôle", a écrit de son côté la revue américaine Variety.

"Vous aurez sûrement besoin d'un bon verre pour survivre au nouveau film de Roman Polanski: vous aurez même sûrement besoin d'en prendre plusieurs - n'importe quoi tant que ça atténue la douleur", a déclaré enfin le quotidien britannique The Guardian.

Alberto Barbera, le directeur de la Mostra, a admis auprès de la revue américaine Deadline qu'il trouvait lui aussi le film pas très bon: "Je n'ai pas compris le niveau de violence des critiques. Le film n'est pas excellent, sinon il aurait été en compétition. Je l'ai dit à Roman avant le festival, mais je ne suis pas d'accord avec les critiques."

Selon lui, les critiques sont "personnelles" et "ne respectent pas" le film et Roman Polanski. "Je sais que ce n'est pas un film parfait et que certaines scènes ne fonctionnent pas, mais ce n'est pas aussi mauvais que les critiques le disent. Les critiques sont vraiment méchantes."

Symbole d'impunité

Si Roman Polanski n'a pas fait le déplacement à Venise, cette projection dans le plus ancien et l'un des plus prestigieux festivals du monde avait pris une dimension symbolique forte.

À 90 ans, il est devenu un symbole d'une certaine impunité pour les auteurs de violences sexuelles et l'un des artistes les plus contestés de l'ère #MeToo. Il vit en Europe à l'abri de la justice américaine, qu'il fuit depuis plus de 40 ans après une condamnation pour des relations sexuelles illégales avec une mineure.

Persona non grata à Hollywood, Polanski a vu sa situation basculer en France depuis la polémique autour du César de la réalisation obtenu en 2020 pour J'accuse, alors qu'il était visé par de nouvelles accusations d'agressions sexuelles.

Sa sélection, ainsi que celle d'un autre artiste mis au ban de Hollywood, Woody Allen, ou de Luc Besson (contre lequel des accusations de viol viennent d'être définitivement écartées par la justice), a été vue par certains comme une provocation.

"Pas de jugement moral"

Interrogé par l'AFP sur cette invitation avant le début du festival, Alberto Barbera s'est défendu en estimant qu'il fallait faire "la distinction entre l'homme et l'artiste".

Samedi, le producteur italien du film, Luca Barbareschi, est passé à l'offensive. "Nous vivons dans le présent et, dans le présent, ce qui compte c'est la liberté. Il ne faut pas de jugement moral dans l'art", a-t-il déclaré en conférence de presse. "La Mostra doit être un lieu d'expérimentation, de provocation et de liberté d'expression pour les artistes", a-t-il poursuivi.

Le dernier film de Polanski a été "dur" à produire, a souligné Luca Barbareschi. Selon le média professionnel Hollywood Reporter, The Palace a été vendu dans plusieurs pays, dont l'Italie, l'Espagne, Israël ou la Belgique.

Mais pas en France ni aux États-Unis, a regretté le producteur, qui ne désespère pas d'y distribuer The Palace et rappelle que le film précédent, "J'accuse", n'a pas pu sortir dans les pays anglo-saxons. Ces pays "doivent respecter les artistes comme le reste du monde", a-t-il lancé.

Article original publié sur BFMTV.com