En Inde, Macron rend visite à Modi, un Premier ministre nationaliste en campagne

En Inde, Macron s’affiche avec Modi, un nationaliste en campagne (Photo d’Emmanuel Macron et Narendra Modi lors du G20 à New Delhi le 10 septembre 2023)
LUDOVIC MARIN / AFP En Inde, Macron s’affiche avec Modi, un nationaliste en campagne (Photo d’Emmanuel Macron et Narendra Modi lors du G20 à New Delhi le 10 septembre 2023)

INDE - C’est un grand jour que s’apprête à commémorer l’Inde. Le pays va célébrer vendredi la 75e édition de son « Jour de la République » avec, en invité d’honneur, le président français Emmanuel Macron. Un retour d’ascenseur après que le Premier ministre Narendra Modi a été convié à Paris le 14 juillet 2023.

Macron se rend donc, à partir de ce jeudi 25 janvier, dans ce qui a été « la plus grande démocratie du monde », désormais en sérieux déclin depuis 2014, année à laquelle le nationaliste Narendra Modi a accédé au pouvoir. En 2021, dans son rapport annuel sur la démocratie, l’institut suédois V-Dem (Varieties of Democracy) classait d’ailleurs le pays dans la catégorie des « autocraties électorales ».

Ainsi, la visite d’Emmanuel Macron est largement critiquée par les défenseurs des droits de l’homme. Déjà, lors de la venue du Premier ministre indien en France en juillet, des voix, notamment celles de l’ONG Human Rights Watchs (HRW), s’étaient élevées pour exhorter Macron à réagir sur la situation des droits humains en Inde. Et le lancement de la campagne de Modi n’est pas pour rassurer.

La persécution des minorités religieuses, fer de lance de la campagne de Modi

En effet, dix ans après son élection, Narendra Modi ne semble pas déterminer à laisser sa place. En vue des législatives d’avril, il a lancé sa campagne en grande pompe le 22 janvier en inaugurant un grand temple à la gloire du dieu Rama dans l’État de l’Uttar Pradesh. Un symbole colossal du triomphe de sa politique nationaliste hindouiste, sur un site autrefois occupé par une mosquée dont la destruction avait déclenché de violentes émeutes religieuses et fait plus de 2000 morts, en majorité musulmans.

Cette initiative est perçue comme une nouvelle preuve de la volonté de Modi d’écraser la minorité musulmane du pays – et les autres au passage. Selon France 24, la manœuvre vise en particulier à gagner le cœur des électeurs de l’État d’Uttar Pradesh, région cruciale pour le prochain scrutin pour le parti de Modi, le BJP.

Pour le BJP, l’identité indienne est liée l’hindouisme, la religion de 80 % des Indiens. Une politique discriminatoire a donc été mise en place envers les minorités religieuses, en particulier les musulmans. En décembre 2022, Narendra Modi avait ainsi légitimé, en ne le condamnant pas, un appel à massacrer des musulmans lancé par des extrémistes hindous. De plus, au début de l’année 2023, le gouvernement a lancé une campagne pour dénoncer les mariages entre hindous et musulmans.

Globalement, depuis 2014, notamment par le biais de lois et politiques discriminatoires, des responsables du BJP ont régulièrement porté des allégations haineuses contre des musulmans, des chrétiens et d’autres communautés vulnérables et minorités sexuelles. Ils ont infligé des punitions sommaires et collectives contre des manifestants pacifiques, démolis illégalement des habitations, fait fermer des commerces et fuir des familles, attaqué des chrétiens lors de temps de prière ou encore brûlé leurs maisons. Des pratiques dénoncées également par l’ONG de protection des droits de l’homme Amnesty International.

Journalistes et militants réduits au silence

D’ailleurs, en dénonçant ces injustices, militants des droits humains et journalistes sont eux aussi la cible du gouvernement Modi. L’ONG Human Rights Watchs évoque des lois draconiennes votées pour arrêter et intimider les activistes, mais aussi des dirigeants de l’opposition, des universitaires, des manifestants pacifiques et des critiques des politiques gouvernementales.

Voyant la liberté d’expression se réduire à peau de chagrin, les journalistes indépendants sont contraints à l’autocensure, déplore l’ONG.

Narendra Modi a également suspendu le financement de milliers d’ONG et fait voter une loi pour entraver la liberté d’expression en ligne, imposant de très nombreuses coupures d’Internet.

Macron appelé à réagir, l’Élysée estime que ce n’est « pas son rôle »

Face à ce sombre tableau et alors qu’Emmanuel Macron clame vouloir resserrer les liens avec l’Inde, les défenseurs des droits humains appellent le président à prendre position et à parler à son hôte.

« Si les alliés et les partenaires stratégiques de l’Inde, comme la France, ne font pas clairement comprendre au gouvernement de Modi que les violations des droits auront des conséquences sur les relations bilatérales de l’Inde et sur son rôle sur la scène internationale, la répression et l’autoritarisme ne cesseront de croître en Inde », martèle l’Human Rights Watch.

Interrogé à ce sujet, l’entourage du président de la République évacue le sujet, rappelant que Bombay a rejoint une initiative sur les questions de désinformation et de démocratie lancée par Paris. À l’Élysée, on estime surtout que ce n’est pas à la France de « juger de l’évolution démocratique » de l’Inde, dès lors qu’elle « respecte ses engagements internationaux ». Ainsi Emmanuel Macron pourra-t-il sans doute célébrer « la République » lors de son déplacement… mais certainement pas la démocratie.

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