Inceste : face à Muriel Robin sur TF1, Guillaume Labbé joue son « rôle le plus dur » dans « Les yeux grands fermés »

Muriel Robin et Guillaume Labbé dans « Les yeux grands fermés »
TF1 - Bonne maman Muriel Robin et Guillaume Labbé dans « Les yeux grands fermés »

TÉLÉVISION - Parler d’inceste sur la première chaîne télé de France en prime time, c’est inédit. TF1 diffuse le lundi 2 octobre le téléfilm Les yeux grands fermés. Une semaine après la diffusion du documentaire Un silence si bruyant d’Emmannuelle Béart, le sujet de l’inceste revient sur le tapis, cette fois-ci sous la forme d’une fiction.

Muriel Robin et Guillaume Labbé se donnent la réplique pour illustrer ce drame qui concerne 1 enfant sur 10 en France et reste pourtant tabou. Les yeux grands fermés suit Anne-Marie, grand-mère très investie avec ses petits-enfants. Son destin bascule lorsqu’elle comprend que son petit-fils est victime d’inceste, et que le coupable n’est autre que son fils. En 80 minutes, le téléfilm prend le téléspectateur à la gorge. Car la famille que l’on voit représentée à l’écran est celle de tout le monde, elle est « normale », bienveillante, aimante. Et pourtant.

En amont de la projection du film qui a été faite le mardi 26 septembre en présence notamment d’associations, Muriel Robin s’est exprimée. La comédienne, très engagée dans la lutte contre l’inceste, a expliqué avoir souhaité faire ce film pour permettre aux familles « d’ouvrir une parole indispensable pour se battre contre l’inceste. Et cela commence par admettre que l’horreur, ça peut être chez soi ».

L’horreur, c’est Guillaume Labbé qui l’incarne à l’écran. Dans Les yeux grands fermés, il est un jeune veuf et père aimant de deux petits garçons. Un père parfait aux yeux du monde, mais un père incestueux avec son fils aîné Adrien. L’acteur de 40 ans, vu dans Je te promets ou Plan Cœur, explique au HuffPost en quoi ce rôle l’a bouleversé.

Le HuffPost - Quand on vous a proposé ce rôle de père incestueux, vous l’avez immédiatement accepté ?

Au contraire. J’ai lu 15 pages, et je l’ai reposé direct en me disant que je ne pouvais pas. Ma démarche d’acteur, c’est de trouver le personnage que j’incarne en moi, trouver comment moi Guillaume, je pourrais être lui dans une autre vie. Et là forcément, c’était impossible. J’ai déjà joué des personnages abjects, mais là il y a une limite que ça touche. Et c’est pour ça que je l’ai finalement accepté, en partie pour le challenge. Mais c’est un des rôles les plus durs de ma carrière.

Comment se prépare-t-on alors, à jouer un personnage si compliqué, la démarche est forcément spéciale ?

J’ai lu des profils établis par des spécialistes, échangé avec des victimes, mais aussi le réalisateur Clément Michel et la scénariste Émilie Marsollat qui mûrissait ce projet personnel depuis plus de 20 ans. L’objectif était de définir un profil de père incestueux pour pouvoir le jouer au plus près de la réalité. Il en existe des dizaines très variés, c’est vertigineux, transversal dans toute la société. Je ne voulais pas jouer un pervers narcissique sans émotions. J’ai affiné mon personnage, est-ce qu’il manipulait quand il mentait, était dans la dissociation, dans le déni ?

Avez-vous rencontré des agresseurs condamnés pour essayer de les comprendre ?

Pas une minute je n’y ai pensé. Avec le recul je me dis que j’aurais dû, même si ça aurait été terrible. Pour n’importe quel autre rôle, je l’ai toujours fait. Mais cette fois-ci il y a vraiment quelque chose dans mon cerveau qui a bloqué, c’est fou.

Et une fois dans la peau de Stéphane, comment vous Guillaume avez réussi à rester détaché ?

J’ai tenu à voir un psychologue avant, pendant et après, pour rappeler à mon cerveau que tout cela est faux. Il y a eu des journées très difficiles. Les moments où l’amour déborde par exemple, même si rien n’est montré. Quand je dois caresser la tête de mon fils à l’écran pour lui dire bonne nuit, tout en sachant que ce geste n’est pas anodin, c’était vraiment difficile.

D’ailleurs au début je ne voulais pas voir le film, je me disais que je ne pourrai pas supporter de me voir dans la peau de ce monstre, je pensais que ça me ferait vriller. Je me suis assis sur un strapontin en me disant que j’allais sortir de la salle. Et finalement ça a été, je n’ai vu qu’un film sur un sujet essentiel.

C’était important pour vous de participer à mettre en lumière le combat contre l’inceste ?

Je ne me considère pas comme un artiste engagé. Je n’ai pas décidé de faire ce métier pour dénoncer des choses, mais pour incarner des personnages et faire passer des émotions. Mais j’ai compris à un moment que ça allait au-delà. Que ça pouvait vraiment aider des gens. Et avec ce projet-là, c’est encore plus vrai. Cela ajoute au plaisir de jouer une dimension incroyable, ça remplit.

Pouvoir participer à un combat comme celui-là qui est fondamental et nécessaire, avoir l’opportunité de faire ça, c’est dingue. La diffusion à une heure de grande écoute va, je l’espère, pousser aussi aux discussions dans les familles, et du côté politique pousser à faire vraiment bouger les choses. Que ça devienne enfin concret, parce que pour des milliers de Français, ça l’est déjà.

Les yeux grands fermés, avec Muriel Robin, Guillaume Labbé, Eden Lopez, Pauline Etienne, et Blandine Papillon est diffusé sur TF1 le 2 octobre à 21h10.

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