Un impôt pour financer la transition écologique, propose cet économiste proche de Macron

Jean Pisani-Ferry, ici le 18 mars 2019 pour le Grand Débat, devant l’Élysée

Pour financer l’impérative transition écologique, Jean Pisany-Ferry préconise trois options, dont l’endettement assumé de l’État et la création d’un impôt temporaire pour les plus aisés.

ENVIRONNEMENT - Un impôt pour la bonne cause. Alors que le gouvernement, pressé de tourner la page retraite, multiplie les annonces sur le climat, l’économiste Jean Pisani-Ferry préconise dans un rapport remis à la Première ministre ce lundi 22 mai la mise en place d’un nouvel impôt, temporaire et ciblé, pour aider à financer la transition écologique.

Dans un entretien au Monde, l’économiste, professeur à Sciences et artisan du programme d’Emmanuel Macron en 2017, avertit : la transition écologique « va coûter cher en argent public ». Il chiffre ainsi à 34 milliards par an en 2030 la part publique des dépenses nécessaires pour passer des énergies carbonées aux énergies décarbonées et évoque en parallèle un « ralentissement d’un quart de point de PIB » de la croissance avec à l’issue une « perte de recette ».

Où prendre cet argent ? L’économiste avance trois pistes, dont la création d’un nouvel impôt qui n’est pas sans rappeler l’ISF supprimé en 2017 par Emmanuel Macron. « Nous préconisons un impôt exceptionnel et temporaire, assis sur le patrimoine financier des 10 % de ménages les plus aisés, et calibré en fonction du coût anticipé de la transition pour les finances publiques », explique Jean Pisani-Ferry. « D’ici à 2050, ce prélèvement pourrait représenter de l’ordre de 5 milliards d’euros par an », ajoute-t-il.

Cet impôt viendra en complément de deux autres sources de financement : la traque des dépenses liées à des projets néfastes pour l’environnement - estimées à 10 milliards d’euros - et un recours assumé à l’endettement. « Il y a beaucoup de mauvaises raisons de s’endetter, et le climat n’en est pas une ! Quand vous devez investir massivement sur une période courte, et que le retour sur ces investissements est prévu seulement au-delà de cette période, c’est précisément une raison de recourir à la dette publique », insiste l’expert.

Des préconisations pas tout à fait en axe avec le gouvernement

Ces préconisations seront-elles entendues ? Élisabeth Borne a salué la remise du rapport sur Twitter, insistant sur les actions et les investissements à poursuivre. Mais dans le détail, le rapport de l’économiste met à mal le concept de « croissance verte » défendu par Emmanuel Macron et selon lequel la transition écologique s’accompagne d’une reprise de la croissance. Au contraire, Jean Pisani-Ferry assure que « la transition climatique ne va pas créer de richesse » et qu’elle sera « un choc économique négatif ».

De même, sa recommandation de toucher à la fiscalité des ménages les plus riches pourrait ne pas faire l’unanimité au sein du gouvernement. Selon Jean Pisani-Ferry, faire contribuer les plus aisés est aussi une mesure d’apaisement social pour éviter une nouvelle révolte similaire à celles des gilets jaunes. « C’est intolérable pour les gens de s’entendre dire : ’Vous ne pouvez plus utiliser votre voiture thermique, alors que les plus aisés vont simplement payer leur week-end à Rome un peu plus cher’ », anticipe-t-il.

Jusqu’à présent, l’exécutif a érigé en ligne rouge toute taxation supplémentaire des ménages. Mais après la forte mobilisation sociale en marge de la réforme des retraites et les difficultés liées à l’inflation, le discours n’est plus totalement inaudible. Le gouvernement cherche désormais une forme d’« équité » quant aux efforts immenses à fournir, confie à l’AFP une source à Matignon : « les petits font un peu, les gros font beaucoup et tout le monde fait sa part ».

La Première ministre Élisabeth Borne doit dévoiler dans l’après-midi un plan rehaussé de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, en ligne avec les nouveaux objectifs fixés par l’Union européenne vers la neutralité carbone c’est-à-dire -55 % des GES en 2030 selon le plan « Fit for 55 ». Des mesures concernant les ménages, les entreprises, État et collectivités sont attendues. Il y a urgence : « Si l’on veut respecter l’objectif de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, on va devoir faire en dix ans ce qu’on a à peine fait en trente ans », résume Jean Pisani-Ferry.

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