Immigration, Zelensky: les relations tendues entre Paris et Rome depuis l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni

Nouvelle crise franco-italienne à peine six mois après la nomination de Giorgia Meloni comme cheffe du gouvernement italien. Le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani a annulé jeudi sa première visite à Paris après des propos qualifiés d'"inacceptables" du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin contre la Première ministre Giorgia Meloni.

Celle-ci "est incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue", a affirmé Gérald Darmanin sur RMC alors que la péninsule assiste à des arrivées record de migrants sur ses côtes depuis janvier.

Face à l'escalade, Paris a tenté de calmer le jeu, le Quai d'Orsay "espérant" que la visite serait "reprogrammée rapidement". Surtout que les deux pays n'en sont pas à leur première crise depuis l'arrivée au pouvoir de la Première ministre d'extrême droite.

Un premier couac dès octobre

Il n'a pas fallu attendre longtemps après la victoire aux législatives du parti Fratelli d'Italia, le 25 septembre 2022, pour assister à une première passe d'armes entre les deux gouvernements européens.

La secrétaire d'État chargée de l'Europe Laurence Boone avait déclaré début octobre que Paris serait "très vigilant" sur le respect de l'État de droit en Italie, reprenant les propos d'Élisabeth Borne qui avait prévenu que la France serait "attentive" au "respect" des droits humains et du droit des femmes à avorter. De quoi provoquer l'ire de Giorgia Meloni dénonçant "une menace inacceptable d'ingérence contre un État souverain membre de l'Union européenne".

Une instabilité diplomatique très vite rétablie par Emmanuel Macron qui avait assuré lors d'un sommet à Prague: "Qui que ce soit que le président italien nomme (…) la France travaillera avec bonne volonté [et] exigence pour faire avancer le projet européen dans lequel nous croyons."

Et, au lendemain de la nomination de Giorgia Meloni, Emmanuel Macron avait discrètement rencontré la cheffe du gouvernement à Rome sur la terrasse d'un hôtel, avant de la recroiser dans le cadre du Conseil européen à Bruxelles.

Le sujet brûlant de l'Ocean Viking

Début novembre, rebelotte. Cette fois autour de la question migratoire et de l'accueil du navire humanitaire de l'ONG SOS Méditerranée, l'Ocean Viking. Le gouvernement de Meloni avait alors refusé d'accueillir le navire, au large de ses côtes, avec 234 migrants à bord.

L'épisode avait suscité la colère de Paris qui avait convoqué une réunion européenne pour que ce scénario inédit ne se reproduise pas. Les migrants avaient fini par débarquer le 11 novembre à Toulon.

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran avait alors déclaré sur notre antenne que la France ne tiendrait pas ses accords avec l'Italie sur les migrants, "c’est-à-dire d'accueillir 3000 migrants actuellement sur le territoire italien". L'Élysée s'est par la suite - et une fois de plus - fait plus mesuré.

"C'est un vilain geste", mais "l'important c'est de continuer la coopération et ne pas en rester là", avait tempéré le Palais auprès de BFMTV.

Dans ce contexte de recrudescence de traversées, Élisabeth Borne a annoncé fin avril la mobilisation de 150 policiers et gendarmes "supplémentaires" pour faire "face à une pression migratoire accrue à la frontière italienne" ainsi que la création d'une "border force", une force aux frontières.

Meloni écartée par le couple franco-allemand pour Zelensky

Alors que Giorgia Meloni avait assuré que les relations franco-italiennes n'avaient pas été "détérioriées" par l'épisode Ocean Viking, un autre événement a été mal vécu par la Première ministre italienne selon la presse italienne: la visite de Volodymyr Zelensky à Paris début février, où le chancelier allemand Olaf Scholz a été convié, mais pas elle.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Rome soutient Kiev sans ambiguïté, notamment grâce à d'importantes aides financières et militaires. Ce qui a poussé Giorgia Meloni à qualifier la rencontre d'"inopportune", remettant en cause "l'unité européenne".

Cette rencontre contrastait surtout avec le voyage en train vers Kiev en juin 2022 de son prédécesseur Mario Draghi, convié par Emmanuel Macron et Olaf Scholz.

Interrogé sur ces déclarations de Giorgia Meloni, Emmanuel Macron avait alors sèchement répondu: "Je n'ai pas de commentaire à faire." "J'ai souhaité le recevoir, le président Zelensky, avec le chancelier Scholz, je pense que nous sommes dans notre rôle (...) Je pense que c'est au président Zelensky aussi d'apprécier les formats qu'il choisit", avait ajouté le président français.

Cette succession de tensions pourrait encore repousser le premier voyage de Giorgia Meloni en France, pressenti au début de l'été, d'après le journal L'Opinion en avril.

Article original publié sur BFMTV.com