Immigration : Gérald Darmanin face au camouflet de son projet de loi à l’Assemblée nationale

Gérald Darmanin photographié à l’Assemblée nationale ce lundi 11 décembre.
LUDOVIC MARIN / AFP Gérald Darmanin photographié à l’Assemblée nationale ce lundi 11 décembre.

POLITIQUE - Sa mission fixée par Emmanuel Macron était claire : trouver une voie de passage au Parlement pour l’adoption de son projet de loi immigration. Et ce, si possible, sans passer par le 49-3. Au premier jour de l’examen de ce texte éruptif à l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin a buté sur la première marche, puisque son texte a été frappé d’une motion de rejet ce lundi 11 décembre, qui a réuni une coalition de circonstance hétéroclite, allant de la gauche au RN en passant par Les Républicains.

Après l’échec de Gérald Darmanin sur le projet de loi immigration, que peut faire le gouvernement ?

Un véritable camouflet pour le ministre de l’Intérieur, qui n’a pas réussi à esquiver ce coup d’arrêt, en dépit d’une dramatisation des enjeux exprimée à plusieurs reprises en amont du vote. « Je ne vois pas les oppositions se coaliser de LFI au RN pour empêcher l’examen d’un texte sur l’immigration », confiait encore Gérald Darmanin au Parisien dimanche. Or, c’est précisément l’inverse qui s’est produit, malgré les envolées du ministre de l’Intérieur, qui dénonçait en séance le mariage de la carpe et du lapin.

En fin d’après-midi, alors que l’hypothèse d’une adoption de cette motion déposée par les écolos commençait à devenir concrète, Gérald Darmanin affichait naturellement une mine déconfite dans un hémicycle survolté et plein à craquer. « Les mêmes qui disent que le débat doit se faire sans le RN leur font les yeux doux ! », a fustigé le ministre, après avoir ciblé Les Républicains tentés par ce coup politique : « Les Français doivent comprendre qu’une partie de la droite va voter avec la Nupes ». Une défense fébrile qui n’a pas empêché le naufrage.

Dans la foulée et lors d’un entretien avec le président de la République, Gérald Darmanin a proposé sa démission, refusée par Emmanuel Macron. Ce dernier « a demandé à la Première ministre et au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer de lui faire des propositions pour avancer en levant ce blocage et aboutir à un texte de loi efficace », a ajouté l’entourage du chef de l’État.

« Gérald Darmanin est désavoué »

Avec 270 voix pour et 265 contre, les députés ont voté en faveur de la motion de rejet préalable, au bout d’un suspense qui a mis le Palais Bourbon en ébullition. « On me dit que l’on rejette la motion à six voix », espérait encore un parlementaire Renaissance expérimenté auprès du HuffPost quelques minutes à peine avant le vote. Las, les élus LR, sur lesquels comptait l’exécutif, sont 40 à avoir voté pour cette motion de rejet. Le gadin est d’autant plus douloureux que le texte était perçu en Macronie comme la deuxième réforme d’ampleur du second quinquennat Macron, après la réforme des retraites.

Un scénario qui a fait le bonheur, pour des raisons différentes, des oppositions, ravies d’infliger une défaite politique au gouvernement, qui plus est sur un sujet qui s’accommode mal du « en même temps » macroniste. « Gérald Darmanin a dompté les groupuscules macronistes. Mais pas l’Assemblée nationale. Ça sent le bout du chemin pour sa loi et donc pour lui », a réagi sur le réseau social X Jean-Luc Mélenchon, alors que plusieurs parlementaires, de La France insoumise au Rassemblement national, réclament désormais la « démission » du ministre de l’Intérieur.

« Nous avons protégé les Français d’un appel d’air migratoire », a pour sa part estimé Marine Le Pen, alors que l’ensemble de la gauche se félicitait du rejet d’un texte jugé « raciste » et flattant l’électorat d’extrême droite. « Gérald Darmanin est désavoué. Il doit en tirer les conclusions. Il est temps de travailler à un projet de loi conforme aux principes républicains. Les étrangers ne peuvent être présentés comme des suspects. Emmanuel Macron a été élu pour être une digue au RN », analyse de son côté le premier secrétaire du Parti socialiste.

Du côté des élus macronistes, c’est l’amertume qui domine. « Les mêmes qui hurlent au déni de démocratie lorsque le gouvernement utilise le 49-3 pour faire adopter le budget viennent de faire taire le Parlement… L’alliance LFI-LR-RN a ce soir raison du débat démocratique ! », enrage sur le réseau social X le député MoDem Bruno Millienne. Preuve que le coup est rude pour l’exécutif, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a annulé sa venue sur le JT de TF1 lundi soir, alors qu’il était annoncé pour promouvoir l’expérimentation du port de l’uniforme à l’école. Comme si l’échec de Gérald Darmanin tournait à la punition collective.

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