En immersion dans un lycée de l’Est, Gabriel Attal, le chouchou de la Macronie, signe une rentrée remarquée

Ce mercredi 20 septembre, le ministre de l’Éducation va passer trois jours en immersion dans un lycée avec ses équipes. Le symbole d’une rentrée très politique menée au pas de charge.

POLITIQUE - Le conseil lui a été prodigué avant l’été par un poids lourd du gouvernement qui le trouve « hyper talentueux » : surtout ne pas quitter le Budget trop tôt, alors que le remaniement à venir agitait la classe politique. À l’appui, le trombinoscope de ceux qui ont duré en tenant les comptes publics, parmi lesquels on trouve Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Laurent Fabius ou Alain Juppé… Gabriel Attal n’a pas écouté ce conseil, acceptant le défi de se frotter à l’Éducation nationale en devenant le plus jeune ministre de la Ve République à assumer le portefeuille.

Un ministère ultra-exposé qui a souvent tendance à se muer en cercueil des ambitions politiques. Ses prédécesseurs récents, Najat Vallaud-Belkacem, Benoît Hamon, Vincent Peillon, Jean-Michel Blanquer ou encore Pap Nidaye, peuvent en témoigner. La mission est d’autant plus périlleuse qu’il s’agit d’exister dans un secteur que le chef de l’État s’est arrogé comme appartenant à son « domaine réservé ». Pas évident.

Bougeotte politico-médiatique

Pourtant, le trentenaire au CV déjà bien rempli a foncé tête baissée dans cette rentrée à hauts risques, marquée notamment par une crise de l’attractivité (3100 postes non pourvus dans le public début juillet) et un malaise persistant chez les enseignants du fait de conditions de travail continuellement dégradées. Un tableau terne auquel s’ajoutent les objets médiatiquement éruptifs, du port de l’abaya à l’instauration de l’uniforme, en passant par le fléau du harcèlement scolaire, encore mal appréhendé par l’administration scolaire.

Autant de sujets sur lesquels son prédécesseur était jugé trop timide, et auxquels le trentenaire a tenu à apporter une réponse immédiate. L’abaya est un sujet ? Une interdiction pure et simple du vêtement est annoncée au 20 Heures de TF1. Contesté par une association, son décret est validé par le Conseil d’État, coupe l’herbe sous le pied de la droite et de l’extrême droite tout en divisant la gauche. En bowling, on appelle ça un strike. Les Français approuvent et les réelles difficultés traversées par l’école passent au second plan.

Un adolescent harcelé se suicide ? Le ministre prend immédiatement fait et cause pour la famille, promet des réponses rapides et fermes, ordonne une enquête administrative puis convoque la presse un samedi après midi pour qualifier de « honte » le courrier produit au moment des faits par l’administration, révélé le 16 septembre. Sur le plan politique, il dit réfléchir à des « cours d’empathie » pour les enfants, comme ceux dispensés dans les écoles scandinaves. Quelques jours plus tard, il appelle à un « électrochoc à tous les niveaux » pour lutter contre le phénomène et alerter son administration.

Le corps enseignant s’estime incompris et abandonné par le pouvoir politique ? Ce mercredi 20 septembre, Gabriel Attal pose ses valises dans un lycée de l’Est de la France pour trois jours d’immersion en compagnie de tous ses conseillers. Une opération qui n’est pas sans rappeler le rythme de Nicolas Sarkozy qui avait délocalisé un conseil des ministres en Alsace en 2009 pour « rester au contact ». Cette bougeotte politico-médiatique semble en tout cas faire l’unanimité au sein de la majorité. « Vous ne tombez que sur des fans, non ? », sourit auprès du HuffPost la députée des Yvelines Marie Lebec, épatée par la rentrée de Gabriel Attal.

SMS de félicitations

« Il a compris que les enjeux d’éducation avaient besoin d’autorité, il sait que ces sujets sont hyper-importants pour l’avenir et il maîtrise l’outil médiatique sans faute », loue l’élue Renaissance, pas mécontente de voir un jeune homme de sa génération et de sa formation politique se faire une place dans ce gouvernement, dominé politiquement par deux poids-lourds issus de la droite, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire. « En interne, sa trajectoire démontre que des profils LREM pur jus peuvent arriver à ce niveau de compétence et de responsabilité, c’est motivant », abonde Marie Lebec, qui jure n’avoir que des « retours positifs » en circonscription depuis sa nomination.

Vice-présidente MoDem de l’Assemblée nationale, Elodie Jacquier-Laforge ne dit pas autre chose. « Je vais être d’une banalité sans nom, mais je le trouve très bon, même humainement », explique celle qui a eu à le côtoyer en qualité de rapporteure pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration » pour le budget 2022 . « Il est très impliqué dans ses dossiers, et aussi humainement. Il m’envoyait un SMS de félicitations à chaque nouvelle étape du texte. Pas tous les ministres font ça », salue la députée de l’Isère.

Entre le fromage et le dessert, un pilier de la majorité s’emporte : « c’est un surdoué, il a été le meilleur porte-parole du gouvernement de la Ve République ». Rien que ça. Mais le problème avec le concert de louanges en politique, c’est qu’il a tendance à irriter les oreilles de ceux qui se verraient bien en haut de l’affiche. Ainsi, Le Monde rapporte que la rentrée au pas de charge de Gabriel Attal fait naître une rivalité avec Gérald Darmanin, également adepte de la mise en scène de son volontarisme. Au point d’avoir nourri une défiance entre leurs cabinets respectifs.

Vers un conflit avec Darmanin ?

Il faut dire que les deux ont des parcours très différents. Gérald Darmanin, ancien opposant au mariage pour tous, a fait ses classes à droite, dans les pas du député UMP Christian Vanneste, puis de Nicolas Sarkozy. Du genre à affirmer en 2015 que « Madame Taubira est un tract pour le Front national mis en avant par François Hollande ». Gabriel Attal qui vient de la gauche a gagné ses galons dans le cabinet de l’ancienne ministre socialiste Marisol Touraine et n’a pas hésité à suivre Emmanuel Macron et sa promesse d’en finir avec l’ancien monde. Du genre à se dire ouvert à une GPA « éthique » dans Libération le jour où il a rendu publique son homosexualité.

Les deux partagent en revanche cette manie de donner l’impression d’en vouloir toujours plus. L’ancien Premier ministre Jean Castex ne s’y était pas trompé, lorsqu’il souhaitait trouver « un os à ronger supplémentaire pour le jeune Gabriel », alors porte-parole du gouvernement, l’été 2020. De quoi acter un conflit entre les deux ambitieux ? Un parlementaire macroniste préfère relativiser auprès du HuffPost : « Les deux ont en tête qu’il faut être patient, qu’ils sont complémentaires et indispensables au gouvernement. Et ils sont assez smart pour ne pas entrer en guerre ». Jusqu’à quand ?

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