Hommage à Gisèle Halimi le 8 mars : comment l’Élysée justifie la cérémonie sans l’accord de toute la famille

Emmanuel Macron va présider un hommage national en mémoire de Gisèle Halimi le 8 mars au Palais de Justice de Paris. Mais la cérémonie est controversée. (photo d’illustration prise le 27 avril 2022, lors de l’hommage à Michel Bouquet aux Invalides)
Emmanuel Macron va présider un hommage national en mémoire de Gisèle Halimi le 8 mars au Palais de Justice de Paris. Mais la cérémonie est controversée. (photo d’illustration prise le 27 avril 2022, lors de l’hommage à Michel Bouquet aux Invalides)

POLITIQUE - « Un hommage national, c’est un temps de réconciliation », assure l’Élysée deux jours avant celui prévu pour Gisèle Halimi le 8 mars. Dans le contexte, la précision ressemble à une pique. Car depuis l’annonce de la cérémonie une semaine auparavant, l’heure est plutôt aux critiques, y compris venant d’un des fils de l’avocate.

À l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, Emmanuel Macron et un parterre d’invités vont rendre hommage à partir de 16h à l’avocate au Palais de Justice de Paris. Le chef de l’État doit prendre la parole après Jean-Yves Halimi, fils aîné de l’avocate disparue en juillet 2020.

Avocat de profession, Jean-Yves Halimi sera le seul des trois enfants de Gisèle Halimi présent ce jour-là. Le journaliste Emmanuel Faux, benjamin de la fratrie, est décédé en août 2022. Quant à Serge Halimi, il a publiquement rejeté l’invitation. Dans une déclaration à l’AFP, il a fustigé une décision prise « après plus de deux ans de tergiversations et alors que le pays est mobilisé contre une réforme des retraites extrêmement injuste » envers les femmes et qui entre donc en totale contradiction avec les engagements de la célèbre avocate. Avant lui, c’est l’association Choisir la cause des femmes, cofondée par Gisèle Halimi, qui opposait une fin de non-recevoir à Emmanuel Macron pour la même raison.

L’Élysée évoque un « combat politique »

De quoi gâcher la cérémonie ? L’entourage d’Emmanuel Macron assure que non et estime que ces invitations rejetées témoignent surtout du « combat politique » de chacun. « Ce procès n’engage que ses auteurs et je les renvoie à leur conscience », balaye un proche du président.

De plus, ajoute-t-on de même source, il n’y a « pas de surprise » concernant la réaction de Serge Halimi qui a fait savoir par le passé « qu’il ne souhaitait pas se mêler de ces affaires-là ». L’Élysée renvoie à un article du Monde paru en novembre 2022 où l’ancien directeur du Monde diplomatique - parfois critique dans ses chroniques vis-à-vis de la politique menée par Emmanuel Macron - déclarait qu’au vu de la notoriété de sa mère et des hommages rendus localement, « sa mémoire et sa place dans l’histoire peuvent parfaitement se dispenser d’un discours d’hommage d’Emmanuel Macron. »

L'avocate Gisèle Halimi, responsable du mouvement féministe "Choisir", donne une conférence de presse à Toulouse, le 17 mars 1978.
L'avocate Gisèle Halimi, responsable du mouvement féministe "Choisir", donne une conférence de presse à Toulouse, le 17 mars 1978.

Quant aux reproches virulents faits par l’association Choisir, ils sont évacués tout aussi rapidement. « Dans cet article du Monde, madame Violaine Lucas déclarait que cela ’posait problème’ que Gisèle Halimi n’ait pas eu son hommage national. Aujourd’hui, cet hommage a lieu et nous sommes un peu étonnés qu’elle ne s’en réjouisse pas », réplique l’Élysée.

La présidence préfère donc mettre en avant la volonté affichée par deux frères sur trois de voir leur mère honorée par le chef de l’État. « Jean-Yves Halimi s’est toujours battu pour que cet hommage ait lieu, comme Emmanuel Faux », assurent les conseillers. Comme le raconte Le Monde, au décès de l’avocate, l’Élysée a d’abord pris contact avec Jean-Yves Halimi. Puis, fin 2021, son petit frère Emmanuel Faux est intervenu dans les discussions pour dire son désaccord sur le choix des Invalides, proposé initialement pour la cérémonie. Après des années de brouille fratricide, en partie responsable selon le Palais du retard de la cérémonie, Jean-Yves Halimi s’est rangé « il y a quelques semaines » à la proposition de son défunt frère sur le Palais de Justice.

La Panthéonisation de Gisèle Halimi en suspens

Sur le principe, la date du 8 mars pour célébrer la mémoire de Gisèle Halimi convient à tout le monde, y compris à l’association « Choisir » comme sa présidente le souligne dans sa lettre. Mais le choix de ce 8 mars 2023, plus de deux ans après la mort de l’avocate et en pleine mobilisation sociale, indigne Serge Halimi et Violaine Lucas. « Ma mère aurait défendu leur cause (des femmes, ndlr) et manifesté à leurs côtés. Le 8 mars, ce sera la meilleure façon d’honorer sa mémoire et ses combats », déclare ainsi le fils cadet de l’avocate qui assure avoir appris dans la presse l’organisation de la cérémonie - ce que le Palais dément.

À l’Élysée, la comparaison est jugée malvenue. « Le Président de la République ne lie pas l’actualité à la figure de Gisèle Halimi. Ce n’est pas le but de l’exercice, ce serait hors sujet », affirme-t-on, réduisant de fait l’hommage national à une cérémonie qui honore des faits passés - et uniquement du passé. Ainsi, au Palais de Justice, ce sont les combats de Gisèle Halimi pour l’abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’IVG, l’abrogation du « délit d’homosexualité » ou encore son engagement contre la guerre d’Algérie qui seront mis à l’honneur. « Gisèle Halimi a su faire vivre les idéaux hérités des Lumières. C’est pour cette raison que le Président de la République lui rendra hommage », assume le Palais.

Critiquée par une partie des féministes et par l’un des fils de l’avocat, cette cérémonie tardive sera-t-elle jugée suffisante ? Après la Panthéonisation de Joséphine Baker, les demandes concernant celle de Gisèle Halimi avaient refleuri… se heurtant à un mutisme absolu d’Emmanuel Macron. À deux jours de la première reconnaissance nationale, l’Élysée assure cependant que le dossier n’est pas enterré. « Le processus de Panthéonisation continue de vivre et il sera mené à son terme. Il n’y a ni flou ni loup », assure le Palais, tout en se gardant bien de se prononcer sur l’issue. « Encore plus que pour un hommage national, il faut s’assurer que ce soit à l’arrivée un temps de communion et de rassemblement. » Au vu de la réception très mitigée de l’hommage, tous les doutes restent permis sur l’entrée de la figure féminine dans le temple des Grands Hommes.

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