Hollande appelle Mohammed VI après un coup de froid diplomatique

François Hollande et Mohammed VI à Casablanca en avril dernier. Le chef de l'Etat français a appelé lundi le roi du Maroc pour lui adresser "un message de confiance et d'amitié" après une série de frictions entre les deux pays. /Photo d'archives/REUTERS/Bertrand Langlois/Pool

PARIS (Reuters) - François Hollande a appelé lundi le roi Mohammed VI du Maroc pour lui adresser "un message de confiance et d'amitié" après une série de frictions entre les deux pays, a-t-on appris mardi dans l'entourage du président français. Des plaintes déposées à Paris contre un haut responsable marocain de la sécurité ont jeté un coup de froid entre Paris et Rabat, où l'ambassadeur de France au Maroc a été convoqué samedi au ministère des Affaires étrangères. Elles s'ajoutent au malaise provoqué par des propos prêtés à un ambassadeur français basé aux Etats-Unis qualifiant le Maroc de "maîtresse encombrante", ce que Paris a démenti. L'entretien entre François Hollande et Mohammed VI "était destiné à clarifier les sujets de préoccupation exprimés par les autorités marocaines", a rapporté son entourage. "Le président voulait adresser un message de confiance et d'amitié au Maroc", a-t-on ajouté, estimant que "les malentendus ont été dissipés". Les autorités marocaines ont protesté après que des policiers français se sont rendus à l'ambassade du Maroc à Paris en demandant à voir Abdellatif Hammouchi. Le patron du renseignement marocain, qui accompagnait le ministre de l'Intérieur du royaume dans un déplacement en France, est accusé dans plusieurs plaintes de complicité de torture. Il faisait l'objet d'une convocation délivrée par un juge d'instruction. Le ministère français des Affaires étrangères a déploré dans un communiqué un "incident grave et inédit dans les relations entre les deux pays". Me Joseph Breham, avocat des plaignants, a dénoncé ce qu'il considère être une ingérence dans le processus judiciaire. "La réaction de la justice fait honneur à la France, en revanche, celle du quai d'Orsay lui fait honte", a-t-il dit à Reuters. "Ce qui me satisfait, c'est qu'a minima, (Hammouchi) ne va pas revenir dès demain sur le territoire français." PLAINTES Trois plaintes ont été déposées à ce jour en France pour des faits de torture dans le centre de détention de Temara, au nord du Maroc, notamment par l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture. La prison de Temara est gérée par la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), que dirige Abdellatif Hammouchi, visé pour complicité de torture. La première, déposée il y a plus d'un an par Adil Lamtasi, un ressortissant franco-marocain condamné à dix ans de prison au Maroc pour trafic de stupéfiants, a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire par des juges parisiens fin 2013. Adil Lamtasi dit avoir avoué les faits qui lui étaient reprochés après avoir été torturé pendant trois jours dans le centre de Temara, explique Me Joseph Breham. Il a été transféré en France en 2013 et libéré sous conditions en début d'année. La semaine dernière, Joseph Breham a déposé deux autres plaintes visant des faits de torture à Temara, au nom cette fois d'un militant saharoui, Naama Asfari. L'une d'entre elles a été déposée devant le pôle crimes contre l'humanité du Tribunal de grande instance de Paris, en vertu de la compétence universelle de la France pour les faits de torture. Un autre sujet de friction concerne des propos sur le Maroc prêtés à un ambassadeur de France basé aux Etats-Unis par l'acteur espagnol Javier Bardem, dont le quotidien Le Monde a fait état dans son édition du 20 février. Selon Javier Bardem, producteur d'un documentaire sur le Sahara occidental - ancienne colonie espagnole au Maroc revendiquée par des indépendantistes, l'ambassadeur aurait dit que "le Maroc est une maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre. Autrement dit, on détourne les yeux". Des propos dénoncés par Rabat et démentis par Paris. "L'expression dont il est fait état est démentie de la façon la plus formelle. Parler en ces termes est totalement contradictoire avec la politique suivie par la France", assure-t-on de source diplomatique française. (Elizabeth Pineau, Chine Labbé et John Irish, édité par Yves Clarisse)