“Hi, kifak, ça va ?” : jongler entre trois langues au Liban

A elle seule, l’expression courante pour saluer les gens donne le ton. Communiquer au Liban, c’est être doué d’un talent certain pour les langues. En effet, arabe, anglais et français se mêlent allègrement dans les conversations, à la radio, au supermarché, sur les enseignes des magasins. Ce qui permet de baigner dans un univers multilingue particulièrement passionnant. Car ici, point de bataille des langues, mais une cohabitation au sein même d’une seule phrase.

Si des mots des trois langues appartiennent au quotidien libanais, il faut souligner qu’une partie de la population va jusqu’à maîtriser parfaitement deux, voire trois d’entre elles. J’ai ainsi le confort de savoir que je réussirai toujours à trouver quelqu’un qui m’aidera à me faire comprendre. Grâce à mon français, plus qu’à mon anglais fort limité, me sentant un peu ridicule lorsque après avoir tenté ma phrase en anglais, on me répond dans un français impeccable : “Ah ! mais tu es française ! ” Voilà qui pourrait presque mener à une certaine fainéantise quant à l’apprentissage de l’arabe, qui demeure pourtant la langue commune à tous les Libanais.

Comment expliquer la forte présence du français au Liban ?

Il est assez difficile de trouver des statistiques fiables quant au nombre de Libanais parlant français, les données disponibles tournant entre 20 et 45 % de la population. On pourrait penser que le Protectorat français (1920-1946) est à l’origine d’une telle place de la langue de Molière au Liban. Pourtant, son usage remonte à bien plus loin que ça.

Un article de l’historien Antoine Charif Sfeir publié sur le site du Figaro en juillet 2020 offre un bon résumé. Il évoque la création d’une première mission catholique à Jounieh, au nord de Beyrouth, dans la première moitié du XVIIIe siècle, avant que se multiplient, dès 1830, les congrégations catholiques françaises. L’objectif étant double : transmettre le catholicisme aux Libanais et étendre l’influence française dans la région. En 1909, avec l’implantation de la Mission laïque, le système éducatif français se renforce. À la fin du Protectorat, on compte quelque 400 établissements français dans la région. L’anglais a alors commencé à devenir une langue qui comptait, notamment dans le domaine des affaires. Si l’on schématise : au nord, on trouve plus de francophones ; au sud, davantage d’anglophones ; à Beyrouth, des personnes trilingues.

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