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Nouvelles manifestations au Brésil contre la nomination de Lula

par Anthony Boadle et Leonardo Goy BRASILIA (Reuters) - L'ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a été officiellement investi jeudi au poste de secrétaire général du gouvernement de la présidente Dilma Rousseff, malgré les manifestations contre cette nomination qui se sont poursuivies pour la deuxième journée de suite. Les manifestants réclament aussi la démission de la présidente. Peu après la cérémonie d'investiture de Lula, un juge fédéral a émis un ordre de suspension de sa nomination, au motif qu'elle était de nature à nuire à la "libre administration de la justice." Le gouvernement a annoncé son intention de contester cette décision judiciaire par le biais des services du parquet général. Lula, qui reste un des politiques les plus influents du Brésil six ans après la fin de son mandat, a été inculpé la semaine dernière de blanchiment d'argent et de fraude dans le cadre d'une vaste affaire de corruption dont le centre est la compagnie pétrolière publique Petrobras. Le procureur fédéral a en outre réclamé son placement en détention. Dilma Rousseff a demandé à son ancien mentor en politique d'entrer au gouvernement pour tenter de resserrer les rangs de la coalition au pouvoir alors qu'une procédure de destitution à son encontre devait être lancée jeudi. L'entrée au gouvernement de l'ancien président lui accorderait une certaine immunité en matière de poursuites. Au Brésil, seule la Cour suprême peut juger les ministres. Lors de la cérémonie d'investiture de Lula, Dilma Rousseff a fortement critiqué la diffusion d'une conversation téléphonique entre elle et Lula, rendue publique mercredi par un autre juge fédéral, le juge Sergio Moro, chargé de l'affaire de corruption. Les dialogues enregistrés, a dit le juge Moro, ne donnent pas en eux-mêmes la preuve que Lula et Rousseff ont dressé des plans pour s'immiscer dans son enquête mais ils montrent qu'ils avaient discuté de la possibilité de pouvoir influencer le système judiciaire pour protéger l'ancien président. Il a dit avoir décidé de publier l'enregistrement parce que les citoyens ont le droit de savoir comment ils sont gouvernés. CIMENTER LA COALITION Un des enregistrements rendus publics fait entendre Rousseff proposant à Lula de lui envoyer en urgence une copie de sa nomination "en cas de nécessité", référence possible au poste ministériel devant lui fournir une immunité immédiate. "Ébranler la société brésilienne par des mensonges, des pratiques répréhensibles, viole les droits constitutionnels ainsi que les droits des citoyens", a déclaré la présidente, qui doit elle-même faire face à des demandes de démission. Avant la cérémonie d'investiture, partisans et adversaires de Lula se sont affrontés devant le palais présidentiel à Brasilia. La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour mettre fin à ces heurts et disperser 300 militants de l'opposition qui cherchaient à pénétrer sur le parvis, occupé par un nombre équivalent de partisans de la majorité. Des manifestations ont également eu lieu à Sao Paulo et Rio de Janeiro. Dans le centre de San Paulo, capitale économique du pays, plusieurs centaines de manifestants favorables à la destitution de la présidente et à l'arrestation de Lula ont bloqué l'avenue Paulista. La procédure de destitution devrait commencer jeudi au Congrès par la mise en place de la commission chargée d'auditionner les protagonistes à la chambre basse. Les partisans du pouvoir comptent sur le retour de Lula au pour cimenter la coalition qui se fissure entre le Parti des travailleurs (PT, gauche), qui est le parti de Lula et de Rousseff, et les autres partis soutenant le gouvernement, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) et le Parti socialiste (PSB). La Bourse de Sao Paolo était en hausse jeudi, les investisseurs pariant sur le départ de la présidente de gauche et sur son remplacement par un gouvernement plus favorable aux marchés. Mercredi, la nomination de Lula au secrétariat général du gouvernement avait déclenché une série de manifestations dans plusieurs villes du pays, quelques jours seulement après les grandes manifestations de dimanche où plus d'un million de Brésiliens sont descendus dans la rue pour demander la démission de la présidente. (Avec Caroline Stauffer; Jean-Philippe Lefief et Danielle Rouquié pour le service français)