Harcèlement scolaire : comment les confiscations des smartphones des auteurs peuvent avoir lieu

Facilité par l’utilisation des smartphones, le harcèlement scolaire touche près d’un élève sur dix en France.
GettyStock Facilité par l’utilisation des smartphones, le harcèlement scolaire touche près d’un élève sur dix en France.

HARCÈLEMENT SCOLAIRE - La lutte contre le harcèlement scolaire a connu un sérieux coup d’accélérateur durant la semaine avec la présentation, mercredi 27 septembre, par Élisabeth Borne d’un plan interministériel « contre le harcèlement à l’école et dans tous les lieux de vie de l’enfant ». Cours d’empathie, exclusion des réseaux sociaux... Ce plan contient des mesures prises en concertation entre plusieurs ministères, dont celui de l’Éducation de Gabriel Attal, et de la Justice d’Éric Dupond-Moretti.

Parmi elles, l’une a pu en interroger beaucoup : l’exécutif propose la « saisie systématique du téléphone portable » dans les cas les plus graves de harcèlement scolaire, pouvant s’accompagner de harcèlement en ligne perpétré par des élèves.

L’annonce de cette nouvelle mesure soulève plusieurs questions quant à sa mise en pratique, alors qu’actuellement, la loi de 2022 sur le harcèlement scolaire, qui a créé un délit en la matière, ouvre déjà la voie à une telle confiscation de matériel. Le HuffPost fait le point sur les conditions d’application de ces confiscations.

· Confiscation systématique, mais à quel moment ?

Élisabeth Borne a annoncé que le procureur serait « systématiquement » saisi « en cas de signalement pour harcèlement [scolaire], notamment grâce à une plateforme dédiée entre l’Éducation nationale et la justice ».

Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a, lui, détaillé la gradation des sanctions pénales en cas de condamnations : pour les faits les plus graves, « la saisie systématique du téléphone portable » pourra être décidée.

Ce qui veut dire que tant qu’une plainte ne sera pas déposée par des parents d’élèves ou qu’un signalement ne sera pas effectué sur ladite plateforme gouvernementale par un établissement, aucune enquête ne pourra être ouverte. Et donc, aucun smartphone ayant pu servir à mener des attaques en lignes contre des élèves ne pourra être saisi.

Jusqu’à maintenant, l’article 12 de la loi 2022 sur le harcèlement scolaire indique que le téléphone peut être saisi « au cours de l’enquête ou de l’instruction (...) dans les conditions prévues au code de procédure pénale ». Dans les faits, cela se traduit par une confiscation lors de la présentation de l’élève devant le juge des enfants.

Mais cette législation est clairement « sous-exploitée » selon Carole Zerbib, proviseure au Lycée Vauquelin à Paris et membre de l’exécutif du syndicat SNPDEN UNSA. D’autant plus qu’une confiscation ne met pas forcément fin au problème : « Il suffit d’utiliser d’autres appareils, d’autres comptes, ou simplement d’avoir des complices. Le harcèlement ne passe pas uniquement par le téléphone portable, au contraire ».

· Qui pour confisquer le téléphone d’une élève ?

À ce sujet, Carole Zerbib confirme au HuffPost que « ce n’est pas au directeur d’établissement de confisquer un téléphone », et « encore moins aux professeurs » de procéder à des confiscations de smartphones pour des faits de harcèlement, même si le gouvernement a annoncé son intention d’aller plus loin en la matière.

« Ce n’est pas notre rôle, c’est plutôt le rôle de la police », assure-t-elle, tout en confiant qu’il serait « compliqué de nous demander de conserver des objets d’une telle valeur. Ce n’est pas aussi simple qu’un sac de billes ou un stylo ». Sans parler des risques de perte ou de vol après la confiscation.

Ce ne sont donc ni les professeurs, ni le personnel de la direction de l’établissement qui auront à procéder à une telle confiscation. Dans le cadre d’une procédure ouverte pour harcèlement, celle-ci revient aux forces de l’ordre, seule autorité compétente pour procéder à une saisie.

· Comment saisir le smartphone ?

Une fois l’enquête ouverte, deux options se présentent aux forces de l’ordre pour récupérer l’objet ayant servi à harceler, comme l’explique RMC. La première consiste à convoquer l’élève harceleur à la gendarmerie. C’est à ce moment que le téléphone pourra être confisqué, fouillé et placé sous scellé durant l’enquête. « Convoquer la famille et l’élève fautif pour remettre l’objet me semble être la méthode la plus adaptée », commente d’ailleurs la proviseure du Lycée Vauquelin.

La seconde option consiste à perquisitionner le domicile de l’élève auteur de harcèlement. Une fois l’enquête terminée, les autorités pourront encore conserver le téléphone jusqu’au verdict du tribunal. La saisie du téléphone pourra ensuite être prolongée par la justice, voire être définitivement confisqué pour les cas les plus graves. « S’il a servi pour commettre les faits de harcèlement, la confiscation définitive sera décidée par la juridiction pour mineurs », a précisé Éric Dupond-Moretti mercredi.

Mais sans être foncièrement opposée à cette mesure, Carole Zerbib préfère toutefois « explorer la piste de l’interdiction d’accès aux réseaux sociaux » pour les élèves harceleurs. Une autre mesure évoquée par la Première ministre mercredi, mais suspendue à la décision du Parlement sur le projet de loi pour réguler et sécuriser l’espace numérique. Un texte qui prévoit une nouvelle peine complémentaire de « bannissement » d’un réseau lors d’une condamnation pour cyberharcèlement.

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