Harcèlement et «business is business»

A toute chose malheur est bon. Le proverbe doloriste se concrétise ces jours-ci, à l’occasion du débat autour du harcèlement sexuel. Pour preuve, ce mail qu’on a reçu mercredi matin, vantant les avantages du «bouton MONSHERIF ©». L’argumentaire commence comme suit, engagé et solidaire à souhait : «#Balancetonporc. C’est par ce hashtag que les victimes témoignent en ce moment sur les réseaux sociaux. […] Enfin, le sujet éclate au grand jour et pour cause : aujourd’hui, 1 femme sur 5 déclare avoir été victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail !» Quand soudain : «Dorénavant la technologie amène des réponses concrètes qui peuvent sinon freiner l’agresseur, le confondre pour condamnation. Ainsi, le bouton connecté MONSHERIF ©.» Nous y voilà. Le truc, à commander via un site, coûte «49,95 € TTC». Soit un dispositif connecté qui permet, via un petit bouton de silicone à clipser sur un col de veste ou toute autre partie d’un vêtement, de réagir à toute agression de plusieurs manières possibles : cette télécommande miniature peut par simple pression déclencher des SMS d’alerte géolocalisés, une sirène d’alarme, l’appel de la police ou de cinq proches, le blocage du téléphone, l’enregistrement de voix, la prise de photos ou de vidéos. Le détail intéressant est que cet objet qui semble répondre à l’actualité, est en réalité commercialisé depuis juin 2016. La com avait alors pour cibles les parents stressés par le racket, les personnes seules, les travailleurs de nuit ou dans des endroits potentiellement à risque. L’occasion a donc fait le larron, pour réactualisation. Business is business, et celui de la peur est notoirement porteur. Gageons qu’il existe moult déclinaisons de cette bienveillance opportuniste, qui surfe sur une cause louable, qui joint l’utile au moyennable. On y verra donc une bonne piqûre de rappel : tout s’achète et a un prix, y compris la défense d’une cause juste et urgente.

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