Guerre en Ukraine, signature de contrats... Que va faire Emmanuel Macron en Chine?

Le chef de l'État doit s'envoler ce mardi soir pour Pékin, où il sera reçu par Xi Jinping, avant de prendre la direction de Canton. La guerre en Ukraine fait partie des priorités du voyage.

En 2018, Emmanuel Macron avait promis depuis Xi'an, berceau millénaire de la civilisation chinoise, de se rendre "au moins une fois par an en Chine". Une promesse qu'il n'avait pu tenir qu'en 2019, avant que la pandémie de Covid-19 et la politique sanitaire drastique mise en place par Pékin ne viennent percuter de plein fouet ses ambitions diplomatiques.

Il aura donc fallu attendre quatre ans pour que le chef de l'État remette à nouveau les pieds en Chine, dans le cadre d'une visite d'État organisée du 5 au 8 avril. Accompagné par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron doit s'envoler ce mardi soir pour Pékin, avant une réception prévue jeudi en présence du président chinois Xi Jinping. Enfin, il se rendra vendredi à Canton, où le chef de l'Etat s'exprimera devant plus de 1000 étudiants de l'université Sun Yat-sen.

Les sujets de discussions qu'emporte avec lui le chef de l'État sont nombreux, entre la reprise du commerce mondial, les tensions avec Taïwan, tout comme la signature de plusieurs contrats commerciaux franco-chinois. Mais deux semaines après la visite de Xi Jinping à Moscou, reçu en grande pompe par Vladimir Poutine, l'ensemble des observateurs s'accordent pour dire que la guerre en Ukraine et le positionnement chinois vis-à-vis de la Russie constituent la priorité de l'Élysée.

Une priorité: l'Ukraine

En amont de la visite, le ton a été donné par la présidence française: "La Chine est le seul pays au monde en mesure d'avoir un impact immédiat et radical sur le conflit, dans un sens ou dans l'autre".

À Pékin et Canton, Emmanuel Macron tentera donc de trouver avec ses homologues chinois, du premier le président Xi Jinping, un dialogue pour tenter de dessiner une sortie de crise au conflit russo-ukrainien.

Depuis le début du conflit le 24 février 2022, Pékin entretient une relation plus qu'ambiguë vis-à-vis de Moscou. Publiquement en faveur d'une médiation et d'une sortie de crise, aucun élément concret permettant l'ouverture d'une médiation entre Russes et Ukrainiens n'a été mis sur pied par la Chine.

Dans un éditorial publié par l'Institut français des relations internationales, Marc Julienne, chercheur et spécialiste de la Chine à l'Inalco, écrit sans détour qu'actuellement, "la Chine soutient la Russie" au niveau politique.

"L’intérêt de Xi aujourd’hui est d’afficher un front idéologique uni avec la Russie, utile à sa propre rivalité stratégique avec les États-Unis, sans remettre en question son narratif de neutralité", continue le spécialiste.

Après la visite chinoise à Moscou fin mars, il serait donc utopique de penser qu'Emmanuel Macron pourrait seul pousser à un réalignement de Xi Jinping sur ses relations avec Vladimir Poutine. Le véritable enjeu de la visite d'État française consiste donc plus à ce que Pékin ne franchisse pas la ligne rouge, que serait celle de soutenir militairement la Russie, en lui fournissant des armes ou des munitions destinées au conflit ukrainien.

"Si la Chine prend cette décision funeste, il y a un effet stratégique majeur sur le conflit", a d'ailleurs déjà déclaré la présidence française, ajoutant: "Nous souhaitons éviter le pire".

Signatures de contrats annoncées

Ces considérations géopolitiques mises de côté, la visite d'État d'Emmanuel Macron en Chine est également l'occasion de parler affaires. Le président de la République part avec une délégation fournie d'une soixantaine de patrons d'entreprises françaises, dont ceux d'Airbus, de Véolia et d'EDF.

Un choix qui n'a rien d'anodin, comme l'a expliqué dans les colonnes de La Tribune Mary-Françoise Renard, économiste et responsable de l'Institut de recherche sur l'économie de la Chine: "Ce sont surtout les grandes entreprises françaises qui investissent en Chine et notre présence dans le pays à tendance à s'éroder".

L'entourage du chef de l'État a expliqué que cette visite entendait militer pour "un meilleur accès au marché chinois" et à "des conditions équitables de concurrence". Comme l'a souligné l'ancienne ambassadrice de France en Chine Sylvie Bermann sur Rfi ce mardi, la balance commerciale entre la France et la Chine est plus qu'inéquitable

Des signatures de contrats sont prévues, dont certains qui seront finalisés sur place à la dernière minute. Preuve de l'importance économique que revêt ce voyage, Emmanuel Macron rencontrera jeudi aux côtés d'Ursula von der Leyen de nombreux dirigeants chinois.

La France compte environ 2000 entreprises installées en Chine, dont la pérennité a été mise à rude épreuve par la politique sanitaire drastique mise en place par Pékin au plus fort de la crise du Covid-19, n'hésitant pas à placer sous confinement sévère des mégalopoles comme Shanghai, prenant de court la communauté française sur place..

Des discussions sur Taïwan?

Dernier point qui pourrait occuper les conversations entre Emmanuel Macron et Xi Jinping: la sécurité dans le détroit de Taïwan, alors que les menaces militaires de la Chine vis-à-vis de cette île qu'elle considère comme sienne se sont récemment faites plus insistantes.

Pour Marc Julienne, il s'agit même d'un "dossier prioritaire": "il ne fait aucun doute qu’une crise dans le détroit, quel qu’en soit le responsable, aurait des conséquences directes et significatives sur les entreprises et l’économie françaises et européennes", écrit le spécialiste.

Pékin voit néanmoins d'un très mauvais œil toute ingérence dans ses affaires intérieures. L'exécutif a de toute façon fait savoir à France Inter qu'Emmanuel Macron ne parlera pas de Taïwan, "sauf si les autorités chinoises le souhaitent".

Article original publié sur BFMTV.com

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