Guerre en Ukraine: les propos complets d'Emmanuel Macron sur l'envoi de "troupes au sol"
Des propos qui ont suscité plus d'une réaction. Emmanuel Macron a tenu une déclaration pour le moins fracassante s'agissant du rôle des pays occidentaux, et notamment européens, dans la guerre qui se joue entre l'Ukraine et la Russie depuis plus de deux ans.
Le président de la République s'est exprimé lundi soir à l'issue d'une conférence internationale de soutien à l'Ukraine, deux ans après le début de la guerre contre la Russie. Une conférence qui a réuni des chefs d'État, de gouvernement et des ministres et où un consensus a été trouvé sur cinq "catégories d'actions" à savoir le cyber-défensif, la coproduction d'armements, de capacités militaires et de munitions en Ukraine, la défense de pays menacés directement par l'offensive en Ukraine, la "capacité de soutenir l'Ukraine à sa frontière avec la Biélorussie avec des forces non militaires" et les opérations de déminage.
"Le seul objectif c'est l'efficacité pour aider les Ukrainiens"
Après un propos liminaire d'un peu moins de dix minutes, le président de la République a répondu aux questions des journalistes présents à une conférence de presse organisée à l'issue de cette réunion. Une journaliste, en l'occurence du média Bloomberg, lui a alors posé deux questions:
1. "Sur les propos du Premier ministre slovaque qui avant cette conférence d'aujourd'hui évoquait la possibilité d'envoyer des troupes au sol occidental en Ukraine. Est-ce que cela a été discuté aujourd'hui? Qu'est-ce que vous en pensez et qu'en est-il?"
2. "Sur la proposition de la République tchèque de sourcer des centaines de milliers d'obus qui seraient achetés à des acteurs non-européens, est-ce que la France pourrait participer à cette iniative? Les Néerlandais ont indiqué vouloir y mettre une centaine de millions d'euros. Que pensez-vous de cette initiative-là et ne pourrait-on pas passer par des fonds européens?"
Voici la réponse complète du président de la République aux questions de la journaliste:
"Sur la première question, tout a été évoqué ce soir de manière très libre et directe. Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique rien ne doit être exclu.
Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. Je le dis ici avec à la fois avec détermination mais aussi avec l'humilité collective que nous devons avoir quand on regarde les deux années qui viennent de s'écouler. Beaucoup de gens qui disent 'jamais, jamais aujourd'hui' étaient les mêmes qui disaient 'jamais jamais des tanks, jamais jamais des avions, jamais jamais des missiles de longue portée, jamais jamais ceci il y a deux ans'.
Je vous rappelle qu'il y a deux ans, beaucoup autour de cette table disaient 'nous allons proposer des sacs de couchage et des casques' et aujourd'hui disent 'il faut faire plus vite et plus fort pour avoir des missiles et des tanks'. Ayons l'humilité de constater qu'on a souvent eu six à douze mois de retard, c'était l'objectif de la discussion de ce soir. Donc tout est possible si c'est utile pour atteindre notre objectif. Pour ce qui est ensuite de la proposition tchèque, elle est totalement cohérente avec ce que nous avons fait et ce que nous menons sur l'artillerie, nous avons d'ailleurs sollicité des États non-membres de l'Union européenne pour arriver à des solutions qui sont les nôtres.
Et donc nous participerons à cette initiative, là aussi nous allons rentrer dans le détail dans les jours à venir mais nous sommes totalement ouverts à cela. Le seul objectif c'est l'efficacité pour aider les Ukrainiens".
"Rien ne doit être exclu"
Plus tard au cours de cette même conférence de presse, un journaliste du Monde lui pose une question en réaction à ses propos tenus quelques minutes plus tôt.
"À propos de l'envoi éventuel de troupes au sol, vous dîtes que cela a a été évoqué, est-ce que vous pouvez préciser par quels pays cela a été évoqué. Quels sont les pays qui envisageraient de le faire à titre bilatéral? Et pourquoi la France n'y est pas favorable à ce stade?"
Voici la réponse complète d'Emmanuel Macron à cette nouvelle question:
"Je n'ai absolument pas dit que la France n'y était pas favorable, je ne lèverai pas l'ambiguïté des débats de ce soir en donnant des noms. Je dis que ça a été évoqué parmi les options. Je vous ai dit les cinq points sur lesquels il y avait un consensus qui s'était établi. Si ces points d'ailleurs étaient totalement mis en œuvre, et il ne faudrait pas exclure qu'ils nécessitent des sécurisations qui justifient ensuite quelques éléments de déploiement, mais je vous ai dit de manière très claire pourquoi la France maintiendra sa position, qui est une ambiguïté stratégique que j'assume. Rien ne doit être exclu pour poursuivre l'objectif qui est le nôtre: la Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre".
Le journaliste du Monde lui pose enfin une deuxième question:
"Est-il possible d'envisager qu'un pays envoie des troupes en Ukraine sans l'accord des autres au niveau européen? Par exemple la Pologne pourrait-elle envisager de le faire et est-il possible de la retenir dans ce cas-là et est-ce que ça a été l'un des objets de la discussion de ce soir?"
Voici la réponse complète du président de la République à cette dernière question:
"Chaque pays est souverain, sa force armée est souveraine, il a par sa constitution les voies et moyens de son engagement. Personne ne peut engager un autre pays de faire ce qui lui revient. Il faut définir un cadre d'intervention et dans ces cas-là des cadres de solidarité mais ma réponse est non: personne ne peut engager personne.
Je vous dis simplement que l'esprit qui régnait ce soir c'est qu'autour des cinq actions que j'ai évoquées, le consensus était là.. Nous sommes prêts à faire aussi longtemps que ce qui est nécessaire, et tout ce qui est nécessaire, pour que la Russie ne puisse gagner cette guerre".
Au lendemain de ces déclarations, l'Élysée a souhaité clarifier en expliquant que "personne n’a parlé de la possibilité de participer aux combats avec l’Ukraine", ajoutant cependant que "plusieurs participants ont évoqué le fait que, pour des raisons d’efficacité, on puisse parler d’être sur place à travers des activités de déminage ou de maintien en condition opérationnelle."