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Guerre en Ukraine : pourquoi la France hésite à fournir des Mirage 2000 à Kiev

Des Mirage 2000 en cours d'exercice.  - Christophe Simon
Des Mirage 2000 en cours d'exercice. - Christophe Simon

Après les chars et autres blindés, l'Ukraine espère à présent que ses alliés voudront bien l'équiper en avions de chasse, moyens aériens dont elle est dépourvue. Des tractations ont débuté entre Kiev et Paris autour des Mirage 2000 mais la France rechigne à lâcher ses chasseurs.

Jusqu'à présent les espoirs ukrainiens ont essentiellement porté sur le renfort de chars lourds occidentaux, à commencer par les Leopard-2 allemands. Maintenant que l'Ukraine a obtenu la garantie que ceux-ci seront satisfaits, elle passe à une autre page de son carnet de commandes.

Kiev demande désormais des missiles et, surtout, des avions. Le président Volodymyr Zelensky l'a indiqué assez clairement dans son allocution de mercredi. "Nous devons également permettre la livraison de missiles à longue portée à l'Ukraine, c'est important. Nous devons également (...) rendre possible l'envoi d'avions de combat".

Des discussions en cours

Son ministre de la Défense, Oleksiy Reznikov, l'a confirmé dans un entretien publié dans Le Figaro jeudi, soulignant, avec le sourire, son intention de continuer à "harceler" ses homologues européens pour enrichir l'arsenal de son pays.

D'après les informations de BFMTV ce vendredi, si l'export de Rafale à destination de l'Ukraine semble d'emblée exclu, les échanges ont bien débuté entre Kiev et Paris autour d'une possible livraison française de Mirage 2000, avions de chasse construits par Dassault, selon un haut-gradé proche de ces échanges. Mais la France se montre pour le moment rétive à l'idée d'accéder à la requête ukrainienne.

"Le mois de l'avion"

Notre éditorialiste pour les questions de politique étrangère, Patrick Sauce, qui a pu vérifier la réalité de ces négociations, a d'abord prédit:

"Le mois de février va arriver, ce sera le mois de l'avion. Dans quasiment toutes les chancelleries le téléphone va sonner."

S'attachant au cas français, il a pondéré d'office: "Ces discussions ne vont que dans un sens pour l'instant." En d'autres termes, "beaucoup de questions se posent mais pour l'instant la réponse est négative", a expliqué plus tard le journaliste.

Des enjeux pressants

"Oui, les Ukrainiens réfléchissent vraiment à demander des avions à la France. Ils réfléchissent encore plus à demander à la France de former des pilotes ukrainiens." Toutefois, le sommet de l'État oppose un triple rideau entre la sollicitation d'avions par l'Ukraine et leur livraison: l'opportunité d'un tel don ou prêt, sa soutenabilité pour la France, l'intendance.

"Est-ce que ça va servir à quelque chose pour les Ukrainiens? C'est-à-dire des avions qui pourraient bombarder des zones russes mais des zones russes protégées par des systèmes antimissiles et antiaériens très perfectionnés", questionne Patrick Sauce.

À dire vrai, les deux camps se sont hérissés de ces dispositifs. Au point que si les Ukrainiens manquent de ressources pour s'élever jusqu'au ciel, les Russes évitent aussi de le sillonner.

Il y a Mirage 2000-D et Mirage 2000-5

Patrick Sauce a alors développé le deuxième critère: "Ensuite, est-ce que ça va amoindrir le parc des avions de la France? On sait qu'on va passer au tout Rafale mais il y a un petit delta, singulièrement entre 2023 et 2024 où on va enlever nos Mirage 2000 mais où on aura pas encore le nombre équivalent de Rafale, ce serait donc bien d'en garder sous le coude".

À en juger par les chiffres fournis par le ministère des Armées à BFMTV, le peloton de Mirage 2000 à disposition de la France n'a en effet rien de mirifique. D'une part, on ne compte que 113 appareils. De l'autre, tous n'ont pas les mêmes facultés... et n'affichent pas la même forme.

"Ils sont de deux types: les Mirage 2000-D et -5", a introduit le général Jérôme Pellistrandi, consultant de BFMTV pour les questions de défense. L'officier a précisé que sur ces 113 Mirage 2000-D ou Mirage 2000-5, il fallait en retrancher 55 en cours de "rénovation".

Il s'agit plus spécifiquement des Mirage 2000-D qu'on bichonne justement parce qu'ils présentent encore "un potentiel important". Et les Mirage 2000-5? "Les Mirage 2000-5 sont plutôt un modèle en fin de vie", a averti le général.

Maintenance et avenir

Outre ces difficultés, Patrick Sauce précise que l'effectif a un œil - et un œil particulièrement sourcilleux - sur un dernier critère, la question de la "maintenance et "tout ce qui va autour de l'avion":

"C'est-à-dire le pilote qu'on va former mais aussi le système qui fait qu'un avion, en 2023, face à des avions MIG ou des Soukoï qui sont pour certains très évolués en Russie vont pouvoir évoluer dans toute une bulle de sécurité". "Et ça, c'est encore plus difficile à obtenir que des chars", a mis en lumière le journaliste.

"On ne transfère pas un avion comme on peut transférer un véhicule blindé", a plussoyé le général Jérôme Pellistrandi. Et encore la chose ne doit pas être si évidente pour les blindés. L'absence de garantie en matière de maintenance est déjà l'un des points d'achoppement quant à l'expédition éventuelle de chars lourds Leclerc, tandis que la France a accepté de donner des AMX-10RC, des tanks "reconnaissance-feu", bien plus légers.

Le consultant Défense de BFMTV a toutefois noté que si les discussions n'aboutissaient aujourd'hui sur la livraison d'avions de chasse, elles n'auraient pas pour autant vocation à s'éteindre: "La question de la fourniture d'avions peut se poser dans les mois et les années à venir, car l'Ukraine devra bien disposer de capacités pour se défendre face à ce que sera la Russie de demain".

Article original publié sur BFMTV.com

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