Guerre en Ukraine : ce que l’on sait de la contre-offensive contre l’armée russe

Des soldats ukrainiens près de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, le 28 avril 2023.
Des soldats ukrainiens près de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, le 28 avril 2023.

GUERRE EN UKRAINE - « Nous sommes prêts. » Après des semaines d’attente et de spéculations, le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov a annoncé ce vendredi 28 avril que « les préparatifs » pour lancer la contre-offensive contre l’armée russe « touch(aient) à leur fin ».

Avec cette attaque, une seule certitude : l’objectif est de reconquérir les territoires de l’Est et du Sud du pays occupés par la Russie. Pour que l’offensive soit victorieuse, les détails de cette opération militaire doivent rester secrets. Néanmoins des indices permettent d’esquisser les contours de cette contre-offensive qui pourrait être décisive dans la suite du conflit.

• Quand aura lieu la contre-offensive ?

« Il faut comprendre que le jour où les forces armées ukrainiennes annonceront “Aujourd’hui, nous lançons une contre-offensive” n’arrivera jamais. (…) C’est une information qui est tenue secrète », a posé d’emblée Hanna Maliar, la vice-ministre de la défense ukrainienne, à la télévision ukrainienne mi-avril.

« Nous approchons de la bataille qui sera un tournant pour l’histoire récente de l’Ukraine. C’est un fait, tout le monde le comprend. Quand est-ce qu’elle va commencer ? C’est un mystère. Mais tout le monde sait que l’on s’en approche », a de son côté concédé le célèbre directeur du renseignement ukrainien Kyrylo Boudanov dans une longue interview à RBK-Oukraïna lundi.

En effet, l’attaque était attendue pour le printemps. Fin avril ? Mai ? Voire juin ? Après des semaines d’interrogations sur le lancement précis de l’opération, des officiels Américains ont finalement affirmé au New York Times qu’elle devrait avoir lieu en mai.

La situation en Ukraine au 28 avril 2023.
La situation en Ukraine au 28 avril 2023.

Le patron du groupe paramilitaire russe controversé Wagner, Evguéni Prigojine, a pour sa part pronostiqué le 9 mai, date où il assure que ses combattants auront pris Bakhmout, mais également jour des commémorations de la victoire russe sur l’Allemagne nazie.

Pari sérieux ou non, cela coïncide en tout cas avec la fin de l’entraînement de 12 brigades ukrainiennes de 4 000 soldats chacune, explique le New York Times citant des documents du Pentagone qui ont fuité sur la plateforme Discord. Neuf de ces brigades sont entraînées par les États-Unis et l’Otan, est-il précisé dans ces documents.

• Des réserves d’armes prêtes

La préparation de ces soldats était indispensable, rapporte la chaîne internationale allemande Deutsche Welle. Au cours de la première année de la guerre, de nombreux Ukrainiens sont tombés au front, notamment des hommes et des femmes expérimentés. Il fallait donc trouver de nouvelles forces, parfois très jeunes, et les entraîner au combat.

Autre élément fondamental : l’arrivée des armes, munitions, et tanks étrangers. L’armée ukrainienne ne s’en cache pas, son arsenal est très limité après une année de conflit. C’est pourquoi, dans la perspective de sa contre-offensive, Kiev a demandé à de multiples reprises à ses alliés des chars ou des avions.

Malgré les réticences des Américains et des Européens, « l’équipement a été promis, préparé et partiellement livré », a déclaré le ministre ukrainien de la Défense ce vendredi, justifiant ainsi l’imminence de l’attaque contre l’armée russe. C’est aussi pour cette raison que la formation des soldats était impérative, chaque char fonctionnant différemment.

• Où va se dérouler l’offensive de Kiev ?

Quant au lieu de départ de l’offensive, ce devrait être le sud-est, près de la mer d’Azov et de la Crimée, la région annexée par la Russie, rapporte le New York Times qui s’appuie encore sur les documents du Pentagone. Une hypothèse déjà évoquée par un officiel ukrainien auprès du Washington Post début avril : « C’est évident pour tout le monde depuis novembre que la contre-offensive se focalisera sur le sud, d’abord Melitopol et après Berdyansk. Mais l’endroit exact, on peut changer ça une semaine avant. »

Ces indications dans un grand journal américain pourraient-elles servir de ruse pour tromper Moscou ? Andrew Galer, analyste de l’institut britannique Janes, a indiqué à l’AFP que la décision pourrait en réalité ne pas avoir été prise. Par ailleurs, il n’est pas impossible qu’elle soit précédée « d’un leurre, avec une attaque de petite échelle » pour que les Russes se défendent contre « ce qui n’est pas l’attaque principale », envisage-t-il.

Autre option pour achever l’ennemi : « Exploiter l’état de l’adversaire, en mauvais état et épuisé, dans un lieu précis. Je pense que cela caractérise la position des Russes à Bakhmout en ce moment », juge de son côté George Barros. Cet analyste de la Russie et de l’Ukraine pour le groupe Institute for the Study of War était interrogé dans le magazine Time. Une chose est sûre : l’attaque doit être une surprise pour maximiser les chances de réussite de l’opération.

• La Russie se prépare à riposter

Autre certitude, viser le sud-est comme l’avance le New York Times serait un défi pour l’armée ukrainienne. Car depuis la fin 2022, la Russie érige des défenses dans cette région : champs de mine, tranchées, barrières, barbelés, trous, pyramides de béton anti-char dites « dents de dragons » s’étendent de Kherson, au sud, jusqu’au nord-est de l’Ukraine, soit entre 800 et 900 kilomètres, détaille l’AFP.

« La capacité des Ukrainiens à “brécher” les lignes de défense russes, comme inversement celle des Russes à les tenir, seront déterminantes pour la suite du conflit », a affirmé dans Le Monde Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Et le succès de Kiev est fondamental. « C’est avec cela qu’on va savoir s’il y aura une issue décente pour les Ukrainiens, non seulement pour la reconquête des territoires mais aussi pour obtenir un levier significatif dans les négociations », a expliqué au New York Times Alexander Vershbow, ex-ambassadeur des États-Unis en Russie.

À l’inverse, un échec pourrait remettre en cause le soutien occidental à l’Ukraine. L’administration américaine doute déjà : selon des documents consultés par le Washington Post et datés de février, l’opération pourrait seulement résulter en des « gains territoriaux modestes ». À présent, comme l’a résumé le général Kyrylo Boudanov : « Le destin de l’Ukraine est entre les mains de l’Ukraine. »

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