Guerre en Ukraine: qui sont la Légion Liberté et le RDK, ces unités russes anti-Poutine?

Ces deux groupes armés ont revendiqué les récentes incursions en territoire russe et disent se battre aux côtés des forces de Kiev, dans l'objectif de renverser le président russe Vladimir Poutine.

La région russe de Belgorod, frontalière de l'Ukraine, a été la cible d'une incursion armée, la plus spectaculaire en territoire russe depuis le début du conflit avec Kiev. En conséquence, Moscou a déclenché une opération "antiterroriste" et a procédé à l'évacuation des civils.

La Russie a rapidement accusé des groupes armés ukrainiens, malgré le démenti de Kiev, qui assure ne jamais s'attaquer directement au territoire russe. Deux groupes russes, le Corps de Volontaires Russes (RDK) et la Légion Liberté de la Russie, ont eux revendiqué ces actions.

Un fondateur néo-nazi

Ce lundi, sur le réseau social Telegram, le groupe RDK a d'abord publié des vidéos d'incursions nocturnes en territoire russe, avant de revendiquer l'incursion dans la région de Belgorod. Les membres de l'unité ont ensuite partagé des images de leurs "trophées", notamment un véhicule blindé de transport de troupes russe, pris au FSB.

Selon le média Novaya Gazeta, le RDK a été fondé par le néo-nazi Denis Kapustin, qui porte actuellement le nom de famille Nikitin. Le ministère allemand de l'Intérieur de Rhénanie-du-Nord-Westphalie l'a qualifié de "l'un des militants néo-nazis les plus influents" d'Allemagne et a noté qu'il avait professionnalisé la sous-culture des combats d'ultra-droite dans le pays.

Selon Berlin, Denis Kapustin, aussi surnommé White Rex, a déménagé de Moscou en Allemagne alors qu'il était enfant avec sa famille et a reçu un permis de séjour permanent en tant que "réfugié d'origine juive". Là-bas, il a d'abord été actif parmi les cercles de hooligans de football à Cologne et, plus tard, a établi des contacts avec des néo-nazis russes.

Une incursion armée en mars

En mars dernier, une incursion armée avait été signalée dans la région de Briansk, en Russie. Dans une allocution retransmise à la télévision, Vladimir Poutine avait dénoncé une attaque commise par des "néo-nazis" et des "terroristes" ayant "ouvert le feu sur des civils".

Sur une des vidéos de revendication, apparaît Denis Kapustin de RDK. "Je n'aurais jamais pensé que la frontière russe, même en temps de guerre, serait aussi peu étanche", écrit-il dans une publication.

De son côté, comme le note Reuters, l'agence de renseignement militaire ukrainienne affirme que le RDK est un groupe clandestin indépendant à l'intérieur de la Russie, qui dispose également d'une unité au sein de la Légion étrangère ukrainienne.

Il a été créé officiellement en août 2022, mais le groupe intègre des éléments ayant déjà combattu en 2014, notamment dans le giron du régiment Azov. En effet, Reuters a pu identifier l'un des hommes de la vidéo de lundi comme étant Ilya Bogdanov, un ressortissant russe qui a reçu la nationalité ukrainienne en 2015 après avoir combattu pour Kiev contre les forces soutenues par la Russie dans l'est de l'Ukraine.

"Vrai patriote russe"

"Il est venu le temps de mettre fin à la dictature du Kremlin". Dans une vidéo également partagée sur Telegram ce lundi, une autre unité distincte, la Légion "Liberté de la Russie", a également revendiqué les faits de la région de Belgorod. Ce même groupe avait déjà affirmé être à l’origine d’incursions précédentes en territoire russe.

La Légion Liberté de la Russie explique s'être également formée en 2022 "pour répondre au souhait des Russes de combattre dans les rangs des forces armées ukrainiennes contre la bande armée de Poutine". Ils auraient ainsi répondu à l'appel de Volodymyr Zelensky aux volontaires étrangers au début de l'invasion russe. L'unité affirme ainsi coopérer avec les forces armées ukrainiennes et opérer sous commandement de Kiev.

L'homme s'exprimant sur la vidéo est identifié comme "Caesar", porte-parole du groupe. En décembre dernier, l'AFP le présentait comme un Russe passé côté ukrainien en 2014.

"Je ne me bats pas contre la mère patrie, je me bats contre le régime de Poutine, contre la tyrannie", "je ne suis pas un traître. Je suis un vrai patriote russe", assurait-il.

Comme le rapporte France 24, l'uniforme de cette légion arbore, d'un côté, le drapeau blanc, bleu, blanc qui symbolise les forces de résistance à Vladimir Poutine en Russie, et de l'autre un emblème aux couleurs de l'Ukraine. Les membres du groupe ont également fait du "L" un signe distinctif, en opposition au célèbre "Z" des forces russes.

Liens avec l'extrême droite

Dans un entretien au média russe indépendant Sota en avril, rapporté par le HuffPost, un représentant du RDK expliquait "vouloir la création "d'un État national russe sur le territoire de régions majoritairement peuplées de Russes ethniques". Le RDK se bat notamment pour un État ethnique slave, contre un "monde russe" multiculturel.

Le groupe avait notamment des liens avec le bataillon d'extrême droite ukrainien Azov, désormais dissous. De son côté la Légion Liberté de la Russie, "n’est pas d’extrême droite comme peu l'être le RDK", explique à France 24 Stephen Hall, spécialiste de la Russie à l'université de Bath.

Elle "appelle à une Russie plus démocratique que sous Poutine, mais sans préciser les contours de cette démocratie", et s'oppose farouchement au président russe, qu'elle veut renverser.

"Caesar", le porte-parole de la Légion, se décrit toutefois comme "un ancien militant politique, qui a gravité autour de pas mal de groupuscules de droite, nationalistes et monarchistes" même s'il affirme s'en être détourné pour s'engager auprès des Ukrainiens.

Une "zone de sécurité" pour protéger les civils ukrainiens

Selon franceinfo, en septembre dernier, le RDK assurait n'avoir jamais discuté avec la Légion. Toutefois, malgré leurs divergences idéologiques, les deux structures ont acté au mois de mai de combattre ensemble. Une décision immortalisée par un cliché publié sur Telegram où l'on voit notamment Denis Kapustin du RDK.

Dans des propos rapportés par Reuters, le porte-parole de l'agence de renseignement militaire ukrainienne a déclaré ce lundi que les attaques de Belgorod n'impliquaient que des citoyens russes et qu'il s'agissait de créer une "zone de sécurité" pour protéger les civils ukrainiens.

L'opération avait également pour objectif de "libérer ces territoires du régime de Vladimir Poutine", a-t-il ajouté.

D’après la présidence russe, l’attaque vise à "détourner l’attention" de la conquête russe de Bakhmout revendiquée par Moscou ce week-end. Auprès de France 24, Glen Grant, spécialiste des questions militaires russes, affirme qu'il s'agit pour ces deux groupes armés "de frapper un grand coup médiatique pour faire savoir à l’opinion publique russe qu’il existe une opposition armée à Vladimir Poutine prête à se battre pour une autre idée de la Russie".

Multiplication des attaques

De son côté, le Kremlin n'a pas mentionné directement et publiquement ces deux unités en mentionnant les récents événements de Belgorod. Il est difficile d'imaginer les autorités admettre que des citoyens russes attaquent le territoire national.

En outre, cette incursion armée survient dans un contexte de multiplication et d'amplification des attaques et sabotages en Russie, au moment où Kiev dit achever ses préparatifs pour lancer une offensive afin de reprendre les territoires occupés par Moscou.

Si la Russie dit avoir "écrasé" avec son aviation et son artillerie les responsables de l'incursion et que 70 "terroristes ukrainiens" ont été tués, de "nombreuses" nouvelles attaques de drones ont été recensés dans la nuit de mardi à mercredi dans la région de Belgorod.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Russie : les combats se poursuivent à Belgorod après une incursion armée depuis l'Ukraine