Guerre en Ukraine : Kiev accroît ses frappes en Russie pour « créer un climat d’incertitude »

Cette photo tirée d’une vidéo publiée par le ministère russe des Situations d’urgence le 30 décembre 2023 montre des pompiers éteignant des flammes après un bombardement ukrainien à Belgorod, en Russie.
HANDOUT / AFP Cette photo tirée d’une vidéo publiée par le ministère russe des Situations d’urgence le 30 décembre 2023 montre des pompiers éteignant des flammes après un bombardement ukrainien à Belgorod, en Russie.

RUSSIE - Dans son discours pour la nouvelle année, Volodymyr Zelensky avait promis de « ravager » les forces russes en Ukraine. Les derniers jours de 2023 et le début de l’année 2024 suggèrent que Kiev passe aussi à l’offensive sur le sol russe. Plusieurs attaques et frappes ukrainiennes ont été recensées depuis la fin décembre, avec pour conséquence une escalade inédite entre les deux camps, alors que la ligne de front reste globalement figée depuis un an.

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Dernier épisode en date : la Russie a affirmé ce vendredi 5 janvier avoir repoussé, tôt dans la matinée, une attaque de drones ukrainiens contre la péninsule annexée de Crimée. « Les systèmes de la défense aérienne en service ont détruit et intercepté 36 véhicules aériens ukrainiens sans pilote », a communiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram.

La veille, Moscou avait annoncé avoir abattu dix missiles ukrainiens dirigés contre Sébastopol, toujours en Crimée. Des fragments tombés dans des zones habitées ont fait au moins un blessé, selon le gouverneur de la ville, Mikhaïl Razvojaïev. Et dans la nuit de mardi à mercredi, un autre missile avait lui été abattu au large de cette cité abritant le quartier général de la flotte russe de la mer Noire.

Mais c’est bien le 30 décembre qu’un cap majeur avait été franchi, démontrant que l’Ukraine pouvait aussi frapper soudainement et intensément son adversaire sur son sol. Des bombardements sur la ville russe de Belgorod, à 50 kilomètres de la frontière, avaient tué ce jour-là 25 personnes et blessé plus d’une centaine d’autres, selon le gouverneur de la région, Viatcheslav Gladkov. Des images mises en ligne montraient des voitures en feu, des immeubles aux vitres cassées, ainsi que des colonnes de fumée noire s’élevant à l’horizon.

Belgorod, une ville sous pression depuis une semaine

Il s’agit jusqu’à présent de l’attaque la plus meurtrière pour les civils en Russie depuis le début du conflit en février 2022. Kiev ne l’a pas commentée, mais elle semble s’inscrire dans le cadre d’une nouvelle tactique : répondre aux frappes sur les villes ukrainiennes par des frappes sur des villes russes.

« Attaquer Belgorod, c’est ce que l’Ukraine peut faire de façon simple », commente auprès du HuffPost le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale. « On est dans une bataille de la consommation : cela oblige les Russes à tirer un certain nombre de missiles », développe-t-il. « C’est aussi participer à épuiser la défense sol-air russe en la saturant, en Crimée ou le long de la frontière. »

Désormais, les habitants de Belgorod ne vivent plus des jours et nuits tranquilles. Mardi 2 janvier, la ville a été attaquée par quatre vagues de missiles ukrainiens, qui ont fait un mort et onze blessés. Ce jeudi 4 janvier, elle a été la cible d’une nouvelle série de bombardements ukrainiens en fin de journée, faisant deux blessés.

Luc Lacroix, ancien correspondant de France Télévisions à Moscou a partagé sur X des vidéos du bruit des défenses antiaérienne et des sirènes dans la ville russe de 335 000 habitants. Celle-ci reste en état d’alerte et ses écoles ont reçu l’ordre de prolonger leur fermeture pendant les vacances en raison du risque de nouvelles attaques. Ce vendredi 5 janvier, la mairie a même appelé les habitants à sécuriser leurs fenêtres face aux frappes ukrainiennes, et ceux qui le souhaitent peuvent évacuer la ville vers d’autres localités plus éloignées de la frontière.

Des opérations jusqu’à Moscou et l’Extrême-Orient russe

Malgré leur multiplication, Jérôme Pellistrandi voit plutôt dans ces attaques « un épiphénomène ». « Les Ukrainiens sont conscients que les frappes qu’ils effectuent ne vont pas changer le cours de la guerre, mais elles créent un climat d’incertitude notamment le long de la frontière et cela montre aux Russes qu’eux aussi peuvent frapper », souligne-t-il auprès du HuffPost.

Avant ces attaques sur Belgorod et la Crimée, plus tôt dans la guerre, l’Ukraine avait aussi déjà mené des opérations en Russie, de plus faible ampleur et à la portée plus symbolique. Moscou a ainsi été ciblée par plusieurs attaques de drones l’année dernière : sur le Kremlin en mai, des tours de bureaux fin juillet et début août ou encore près du ministère de la Défense en juillet.

Encore plus inattendu pour la Russie, Kiev avait mené début décembre 2023 une opération spéciale à des milliers de kilomètres du front, quand les services ukrainiens de sécurité avaient saboté des trains transportant du carburant en Bouriatie, dans l’Extrême-Orient russe.

Pour le général Pellistrandi, la répétition ce type d’opérations lointaines n’est pas à exclure dans le futur. « Il peut toujours y avoir des actions dans la profondeur, mais qui seront des actions des forces spéciales destinées à détruire des objectifs militaires. Ça passe essentiellement par des infiltrations au sol parce que l’Ukraine n’a pas les capacités d’envoyer des charges importantes dans la profondeur russe », estime-t-il.

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