Sur la guerre en Ukraine, Jordan Bardella tente de réhabiliter le RN (et ça ne passe pas)

Jordan Bardella photographié au Parlement européen à Bruxelles le 2 février (illustration)
KENZO TRIBOUILLARD / AFP Jordan Bardella photographié au Parlement européen à Bruxelles le 2 février (illustration)

POLITIQUE - La manœuvre, cousue de fil blanc, aurait difficilement pu passer inaperçue. Ce mercredi 22 février, Jordan Bardella a tenté une mise à jour du logiciel du Rassemblement national concernant la guerre en Ukraine. D’abord sur le plateau de Télématin, sur France 2.

Le président du Rassemblement national s’est dit en phase avec le discours d’Emmanuel Macron, considérant qu’il était « impossible de négocier la paix si l’Ukraine ne retrouve pas son territoire, et si les troupes russes ne quittent pas l’Ukraine ». En cela, le président du RN juge que Kiev « doit l’emporter » face à Moscou.

« Naïveté collective »

Quelques heures plus tard, dans une interview accordée à L’Opinion, l’eurodéputé est allé encore plus loin, en remettant en cause la lecture qu’avait pu avoir son parti sur la situation. « Il y a eu une naïveté collective à l’égard des intentions et des ambitions de Vladimir Poutine », affirme Jordan Bardella, qui juge que « le Vladimir Poutine d’il y a cinq ans n’est pas celui qui, cinq ans plus tard, décide d’envahir l’Ukraine et de commettre des crimes de guerre à Odessa ou à Marioupol ».

Si le président du RN inclut Emmanuel Macron dans cette « naïveté collective » en citant sa réception à Versailles et au Fort de Brégançon (confondant volontairement admiration politique et liens diplomatiques), ces propos marquent néanmoins une réelle inflexion dans le discours du RN, parti qui avait reconnu l’annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014.

Le début d’un virage qui peut être lu comme une volonté de poursuivre, sur le plan international, la « normalisation » du parti d’extrême droite entreprise par Marine Le Pen à l’Assemblée nationale. D’autant que Giorgia Meloni, en Italie, est sur une ligne similaire, ce qui la rend fréquentable aux yeux de nombreux responsables européens. Sauf que cet aggiornamento a du mal à convaincre, tant le terme « naïveté » paraît faible face à la russophilie longtemps assumée au sein du parti lepéniste.

« La carte des résistants de 45 »

« Le revirement de Jordan Bardella [sur] l’Ukraine est d’un opportunisme spectaculaire : après s’être trompé sur tout il essaye de prendre le sens du vent. Tout sauf le signe que le RN serait un parti de gouvernement », a taclé sur Twitter l’eurodéputée Renaissance Nathalie Loiseau. Même son de cloche pour le ministre des Transports, Clément Beaune.

Invité sur France inter, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a ironisé sur le RN qui « nous joue la carte des résistants de 45 ». Et d’insister : « Ils ont emprunté pour faire campagne auprès des Russes, ils ont fait l’apologie de Poutine en permanence. Ils nous ont expliqué qu’il n’y avait pas de danger. Ils y sont allés, le citaient en exemple (...) et quand ils voient aujourd’hui que leur propre électorat s’est détourné du camp russe, ils nous la jouent erreur collective ».

Députée Renaissance des Hauts-de-Seine, Prisca Thévenot a directement répondu à Jordan Bardella, en lui rappelant le dernier vote du groupe RN à ce sujet à l’Assemblée nationale. Au mois d’octobre, Marine Le Pen et ses députés ont refusé de soutenir une résolution condamnant le « crime d’agression » commis par la Russie.

Dans une série de tweets, Pieyre-Alexandre Anglade, président de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, a quant à lui listé toutes les fois où le RN a voté ou s’est abstenu, que ce soit au Palais Bourbon ou au Parlement européen, conformément aux intérêts russes. De quoi effectivement relativiser cette soudaine révision de façade de la position du parti lepéniste, d’autant que celle-ci continue de cacher une volonté de ménager la Russie.

Auprès de Libération, l’entourage de Jordan Bardella a effectivement précisé ce qu’il entendait par « retour à une souveraineté pleine et entière de l’Ukraine dans les territoires aujourd’hui occupés par la Russie ». Un retour en réalité partiel, puisqu’il s’agit « de la sortie des troupes russes des gains territoriaux effectués depuis un an ». Ce qui exclut, de fait, la Crimée.

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi