Guerre en Ukraine: avant la contre-offensive de Kiev, les opérations de sabotage se multiplient en Russie

Un avant-goût de la contre-offensive promise par Kiev? Ces derniers jours, le territoire russe a été le théâtre d'une série d'incidents spectaculaires, qui est venue rappeler que le régime de Moscou reste exposé aux coups adverses, même à des centaines de kilomètres du front ukrainien.

Série d'actions

Lundi et mardi, des "engins explosifs" ont fait dérailler deux trains de marchandises dans une région frontalière de l'Ukraine, des incidents jamais signalés auparavant en Russie depuis le début, le 24 février 2022, de l'offensive contre Kiev. De quoi réveiller le souvenir de la "bataille du rail", cette stratégie utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lundi aussi, bien plus loin de l'Ukraine, une ligne électrique près d'un village au sud de Saint-Pétersbourg a été endommagée par un engin explosif, selon les services de sécurité (FSB) qui ont ouvert une enquête pour "sabotage".

Et dans la nuit de mardi à mercredi, un dépôt de carburant a pris feu dans un village russe proche de la Crimée annexée. Avant que, dans la matinée, le FSB - les services de sécurité russes - n'annonce avoir démantelé un réseau ukrainien "terroriste" dans la péninsule.

Le week-end dernier, c'est un dépôt de pétrole en Crimée elle-même qui était frappé par une attaque de drones, tandis qu'un bombardement sur un village russe de la région frontalière de Briansk faisait quatre morts.

"Pas toucher les populations civiles"

Si l'Ukraine n'a revendiqué aucune de ces attaques, comme à son habitude, leur multiplication intervient à un moment où Kiev affirme avoir terminé ses préparatifs pour une grande offensive de printemps annoncée depuis des semaines. Auprès de BFMTV.com, le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense, liste les potentiels auteurs de ces actes.

"En Biélorussie, il y a des mouvements d’opposition qui ont fait des actions de sabotage, il y a aussi des agents clandestins ukrainiens. Si elles sont conduites par les Ukrainiens, elles ne seront jamais revendiquées", dit-il, rappelant l'épisode de l'explosion du pont de Kertch.

Selon l'expert, "ce type d’actions va se poursuivre avec des élongations de plus en plus importantes dans le territoire russe". Il soulève également que, pour l'heure, ce sont des cibles militaires ou de logistique militaire qui sont concernées.

"Les dépôts de carburant, c'est facile à toucher, à faire exploser, et c’est spectaculaire et c'est humiliant pour les Russes", décrit-il.

Il reste en revanche un écueil à ces actions, si elles sont bel et bien l'œuvre de clandestins ukrainiens, "il ne faut pas toucher les populations civiles pour ne pas donner de prétexte aux Russes de dire qu’ils sont en légitimé défense", rappelle-t-il.

"Humiliant pour la Russie"

Dans ce contexte, plusieurs villes russes ont annulé les célébrations traditionnellement organisées le 9-Mai pour le "Jour de la Victoire" marquant la défaite de l'Allemagne nazie en 1945.

Pour l'heure, le grand défilé militaire sur la place Rouge à Moscou, l'événement phare de cette journée, est maintenu. Pour les autorités, le défi est de faire en sorte qu'elle se déroule sans accrocs.

"Le 9-Mai, c'est d’autant plus humiliant qu’il y a un an, ça avait déjà été annulé à cause de la météo", rappelle le général Pellistrandi.

D'habitude, ces défilés militaires, pour lesquels sont présents, en famille, des milliers de spectateurs, sont l'un des grands rendez-vous annuels du régime de Vladimir Poutine.

"Je ne serai pas surpris s’il se passe quelque chose le 9 mai. La haine que se portent la Russie et l’Ukraine est telle qu’il y a une volonté d’humilier l’adversaire. Les actions qui humilient la Russie peuvent trouver leur écho dans la population russe", conclut-il.

Moscou a fortement durci sa législation contre les "sabotages", passibles désormais de très lourdes peines de prison. Plus de 65 personnes, dont un tiers de mineurs, ont été arrêtées depuis l'automne dans une vingtaine de régions russes après avoir été accusées de sabotage ferroviaire, selon un comptage du média indépendant Mediazona publié mi-avril.

Article original publié sur BFMTV.com