Guerre en Ukraine : après la mort d’Arman Soldin, l’hommage déchirant de Daphné Rousseau

Le journaliste Arman Soldin a été tué dans l’est de l’Ukraine le 9 mai 2023.
Le journaliste Arman Soldin a été tué dans l’est de l’Ukraine le 9 mai 2023.

INTERNATIONAL - « I wanna be forever young. » Ces paroles de la célèbre chanson d’Alphaville, entonnées avec enthousiasme par Arman Soldin sur les routes du Donbass, sont un terrible rappel à la réalité. Le reporter de l’AFP, qui voulait être « jeune pour toujours », est mort mardi 9 mai en Ukraine à 32 ans.

Cette vidéo déchirante a été publiée par sa collègue de l’Agence France presse Daphné Rousseau, quelques heures après l’annonce du décès du reporter dans une salve de roquettes russes. « “T’sais” Arman, je n’ai juste pas les mots mon pote, mon binôme. Le meilleur, le plus pro, le plus calme, le plus souriant, le plus humain. Le plus vivant. Pour Toujours », a-t-elle écrit sur Twitter.

La journaliste n’était pas dans les environs de Bakhmout au moment du drame, mais son hommage est poignant. Dans une série de messages, elle se souvient : « Tu sublimais tout ce que tu touchais dans cette horreur, les gens qu’on interviewait pour qui tu avais toujours le mot qu’il faut. Tes images, sublimes. Tes idées. Et même ton rêve, ce projet de BD sur la guerre en Ukraine, qui m’avait bluffée. »

Du foot à Londres à la guerre en Ukraine

Ce mercredi 10 mai, au lendemain du drame, Daphné Rousseau a partagé de nouvelles photos d’eux en train de boire un verre ou lors d’un repas de fortune entre deux reportages. Sur d’autres clichés pris sur le front ukrainien, Arman Soldin a son casque sur la tête et une caméra ou un portable à la main.

« C’est cet impensable. C’est cette table de métal froid et ton corps dans ton gilet pare-balles “presse” avec ton mousqueton bleu et tes yeux à peine opérés de leur myopie pour y voir enfin mieux sans tes lunettes. Tes yeux gris, fermés. Paisibles », décrit-elle.

Dans cette suite de messages, Daphné Rousseau retrace le parcours de son jeune collègue, qui était en poste à Londres avant de se rendre en Ukraine dès le début de la guerre. Elle se souvient de son premier reportage à Irpin, sa couverture de la barbarie à Boutcha. « Pendant un mois, nous formons cette équipe soudée, concentrée, prudente, enthousiaste, dans ces paysages du Donbass que tu finiras par connaître aux quatre saisons, connaître comme ton propre pays, toi qui en avais tant », poursuit-elle.

« Tout ça n’a pas de sens »

« Ta motivation est infaillible. Elle est saine. Il n’y avait jamais la moindre indifférence, la moindre habituation, la moindre gaudriole de vétéran à gilet à poches dans tes reportages de guerre. Tu collais aux gens, aux mots, à la réalité. Avec humilité et proximité », souligne la journaliste, qui aborde aussi la passion du football d’Arman Soldin, ses origines bosniaques, son amour pour le livre A l’Ouest rien de nouveau.

Avant de conclure une nouvelle fois avec un couplet du tube d’Alphaville, Daphné Rousseau s’interroge : « Ce missile russe tue-tête, cette guerre qui t’a volé aux tiens, tout ça n’a pas de sens. Mais toi tu en aurais peut-être, comme toujours trouvé un de sens. Ou rigolé qu’il n’y en ait pas. Ou accepté comme ce philosophe que tu étais qu’il n’y en aura peut-être jamais. »

Comme elle, de nombreux collègues, collaborateurs et amis d’Arman Soldin ont rendu hommage au journaliste. « “C’est ma première guerre” m’avait modestement répondu Arman, quand je lui avais demandé, dans les premiers jours de la guerre, s’il pensait que les explosions qu’on entendait à côté étaient des “départs” ou des “arrivées”. Il savait pas. Il était comme moi, il découvrait », se rappelle par exemple Florian Litzler, journaliste à TF1.

« C’était un excellent reporter, qui a décidé de vouer sa vie à la couverture de ce conflit. Arrivé comme un bleu il est vite devenu un journaliste respecté et apprécié de beaucoup de ses collègues, expérimentés ou non. Toujours prêt à dépanner, à aider », ajoute-t-il.

« Un vrai gentil, qui faisait un travail remarquable en Ukraine »

« Je ne me souviens pas d’un moment où tu n’as pas mis un sourire sur mon visage lorsque nous nous sommes croisés en Ukraine. Tu étais inépuisable pour faire le travail que tu aimais tant, à raconter l’histoire de ceux qui souffrent. Nous étions tous en admiration devant toi et tu vas terriblement nous manquer, cher Arman », écrit encore le journaliste de l’AFP en poste en Roumanie Ionut Iordachescu.

« Absolument dévastée. Arman était non seulement un excellent journaliste mais le plus agréable des collègues, toujours joyeux, humain, passionné. Un vrai gentil, qui faisait un travail remarquable en Ukraine. Gros gros choc », s’émeut aussi sa consœur du Royaume-Uni Mathilde Bellenger. Depuis Londres, le photojournaliste Daniel Leal commente sobrement : « Dans les mémoires à jamais. Aimé pour toujours. Arman Soldin. »

Dans l’après-midi ce mercredi, les sénateurs français ont observé dans l’hémicycle une minute de silence en hommage à Arman Soldin.

Au nom du gouvernement, Élisabeth Borne a également exprimé son « émotion » et sa « solidarité » à sa famille et à ses proches, « à ses collègues de l’Agence France-Presse » et « à tous les journalistes ».

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