Guerre en Ukraine : après les frappes russes, des habitants sans électricité ni chauffage

Cette photo prise le 5 novembre 2022 montre Iren Rozdobudko, écrivain sexagénaire et maître de conférences à l’université, en train de nettoyer la vaisselle à la lumière d’une bougie pendant une coupure de courant dans le bâtiment situé au nord de la capitale ukrainienne de Kiev. - Depuis le 10 octobre, le système électrique ukrainien est lourdement affecté par les multiples frappes russes qui ont visé les infrastructures énergétiques. Afin d’éviter un black-out total, l’opérateur national Ukrenergo a mis en place des coupures de courant programmées dans la capitale ainsi que dans de nombreuses villes et régions d’Ukraine. (Photo de Sergei SUPINSKY / AFP)

GUERRE EN UKRAINE - Un système énergétique au bord de l’effondrement. Centrales électriques et infrastructures sont devenues ces dernières semaines les nouvelles cibles du Kremlin. Ce nouveau tournant dans la guerre en Ukraine se répercute sur la population et des millions de personnes subissent des coupures de courant d’urgence, alors que l’hiver est là.

Ce mercredi 23 novembre, des villes entières de l’ouest du pays étaient plongées dans le noir. « Nous existons maintenant en mode de survie, c’est le front de l’énergie », s’inquiétait Oleksandr Kharchenko, le chef du Centre de recherche sur l’énergie, alors que Volodymyr Zelensky estimait à 30 % le nombre de centrales détruites la semaine dernière.

Cette nouvelle stratégie russe vise à éprouver la population ukrainienne et mettre à mal « sa volonté de résilience », a estimé sur LCI le général François Chauvancy, consultant en géopolitique. De nombreux témoignages d’Ukrainiens sur les réseaux sociaux attestent de la dégradation de leurs conditions de vie. Le froid lié aux premières neiges, les coupures de courant, de chauffage, d’eau, d’internet, viennent à bout d’une population déjà épuisée par neuf mois de conflits.

Un froid polaire

« Nous n’avons pas de chauffage, pas de lumière, pas de connexion (internet NDLR ) et pas d’eau dans de nombreux quartiers de Kiev après l’attaque de missiles russes », déplorait le 24 novembre sur Twitter Oleksandra Matviichuk. Cette habitante de Kiev profite d’avoir internet pour poster une photo de sa collègue Zhanna qui ramasse la neige sur son balcon, signe du froid polaire qui s’est installé dans la capitale.

Depuis trois jours, pour rapporter la survie des habitants de Kiev, un ex-ministre de l’économie ukrainien, Tymofiy Mylovanov, s’est aussi lancé dans un journal de bord sur Twitter. « Troisième jour de panne à Kiev. Je me suis réveillé dans le froid. Le chauffage et l’électricité sont coupés, encore », relate-t-il ce 25 novembre.

Il raconte ne pas parvenir à chauffer l’appartement dans lequel il vit avec sa femme. « Lorsque nous sommes rentrés du travail, les couloirs de l’immeuble étaient plus chauds que l’appartement », explique-t-il, ajoutant qu’il a appris à aimer l’alarme qui retentit lorsque l’électricité et le chauffage sont rétablis dans son immeuble.

À Kiev, 60 % de la population enduraient encore des pannes de courant ce vendredi 25 novembre, selon la mairie. « Nous allons progressivement donner du courant pendant 2-3 heures jusqu’à ce que la quantité d’électricité entrant à Kiev soit augmentée » et stabilisée, a promis le directeur du réseau DTEK Dmytro Sakharuk.

En attendant, la ville est toujours plongée dans le noir. Sur les vidéos qui circulent sur Twitter, pas un lampadaire, pas une vitrine de magasin n’est allumé. Yarema Dukh, analyste politique et Kiévien, a filmé le 23 novembre ces rues plongées dans l’obscurité la plus totale. Malgré cette absence de lumière, vous pouvez entendre dans la vidéo du Tweet ci-dessous, un orchestre de rue qui joue My way de Sinatra. « Cela résume bien le fait que l’Ukraine choisira sa propre voie malgré tous les efforts de la Russie pour nous conquérir », écrit Yarema Dukh en référence au titre et paroles de la chanson.

Économie d’eau et pénurie de carburant

Outre le manque d’électricité, l’eau ne coule plus dans les robinets des habitations. Tymofiy Mylovanov raconte avoir profité du retour de l’eau dans son immeuble hier, pour remplir des « grandes bouteilles ». L’ex ministre de l’Économie les économise depuis le 10 octobre, date du début des attaques sur les infrastructures.

D’autres images de Kiev montrent des habitants faisant la queue pour remplir des bidons dans des fontaines mises à disposition dans la capitale. Les files d’attente s’allongent également aux abords des stations essences, alors que des pénuries touchent certains carburants.

À 500 km au nord de Kiev, la ville portuaire d’Odessa est aussi privée d’électricité, d’eau et de chauffage depuis deux jours. Sur place, la reporter Maria Avdeeva a filmé la manière dont les habitants tentent d’y faire face. « Au lieu d’être désespérés et impuissants, les Ukrainiens deviennent encore plus créatifs. Dans ce salon de coiffure, les clients se font coiffer à l’aide des lampes de poche des iPhones », commente-t-elle à propos de la vidéo ci-dessous.

Des conséquences « potentiellement mortelles »

Le président Volodymyr Zelensky a estimé que la nouvelle stratégie de Moscou visant à plonger l’Ukraine dans le noir n’affaiblirait pas la détermination de son pays. « C’est une guerre de force, de résilience, il s’agit de savoir qui est le plus fort », a-t-il déclaré, dans un entretien au Financial Times publié vendredi.

Au total, une quinzaine de régions rencontraient des problèmes avec l’approvisionnement en eau et en courant. « La situation avec l’électricité reste difficile dans presque toutes les régions. Cependant, nous nous éloignons progressivement des coupures et chaque heure, nous rebranchons l’électricité pour de nouveaux consommateurs », a aussi déclaré Zelensky dans une allocution jeudi soir.

Kiev a multiplié les appels, notamment auprès des dirigeants européens, pour l’aider à passer l’hiver. Paris y a répondu positivement ce vendredi et annoncé envoyer une centaine de générateurs vers la Roumanie pour qu’ils soient « remis aux autorités ukrainiennes dans les prochains jours », selon le ministère des Affaires étrangères.

Mais cette aide ne sera sans doute pas suffisante, d’après les prévisions de l’Organisation mondiale de la santé. L’OMS met en garde contre des conséquences « potentiellement mortelles » pour des millions d’Ukrainiens qui pourraient quitter leurs foyers « à la recherche de chaleur et de sécurité. »

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