Guerre en Ukraine : un 9-mai déjà raté pour Poutine en Russie ?

Malgré les envies de grandeur de Poutine, ici à Moscou le 9 mai 2022, les cérémonies de ce mardi 9 mai 2023 seront bien plus modestes que d’ordinaire.
Malgré les envies de grandeur de Poutine, ici à Moscou le 9 mai 2022, les cérémonies de ce mardi 9 mai 2023 seront bien plus modestes que d’ordinaire.

RUSSIE - Un 9-mai bien loin de la folie des grandeurs de Poutine. Le Kremlin utilise traditionnellement le Jour de la Victoire, une fête nationale qui célèbre le triomphe soviétique sur l’Allemagne nazie, pour projeter une image de puissance militaire et alimenter la ferveur patriotique.

Très loin de la démonstration de force de l’année dernière, la place rouge aura plutôt grise mine, ce mardi 9 mai. En cause, une série de défaites sur le front ukrainien, des attaques de drones récentes, et de la pression de Wagner dans le Donbass.

Ainsi, des défilés militaires ont été annulés dans plus de vingt villes russes, dont plusieurs en Sibérie, pourtant à des milliers de kilomètres des lignes de front, rapporte le quotidien The Moscow Times. Et aucun défilé du « Régiment immortel », où des milliers de familles paradent normalement dans les rues, en mémoire de leurs aïeux décédés lors de la Seconde Guerre mondiale, n’aura lieu.

Les craintes d’une nouvelle attaque de drones

À Moscou, la Place Rouge est fermée au public depuis plus de deux semaines et les rues ont été barricadées, décrit The Guardian. Les autorités ont aussi interdit l’utilisation des drones et ont commencé à brouiller les signaux GPS, ce qui fait que les taxis apparaissent comme étant dans la rivière Moscou sur les applications de covoiturage.

Des jumelles ont été distribuées à la hâte aux policiers pour repérer les drones en approche. « Il y a une nervosité que je n’ai jamais vue auparavant », a déclaré un fonctionnaire de la mairie de Moscou auprès du média britannique.

Et pour cause, les forces russes craignent une attaque de drones lors des commémorations, à l’image de celle survenue sur le Kremlin dans la nuit du 2 au 3 mai, que Moscou n’a pas hésité à qualifier de tentative d’assassinat contre Vladimir Poutine. L’Ukraine a démenti tout rôle dans cette opération, laissant entendre qu’il pouvait s’agir d’un mouvement rebelle russe ou d’une provocation du pouvoir.

Il y a eu également des frappes contre des installations énergétiques russes, des sabotages de voies ferrées et de multiples tentatives ou assassinats de personnalités, comme celle qui a blessé samedi l’écrivain nationaliste Zakhar Prilépine.

Surtout, les préparatifs des festivités sont entachés par la contre-offensive annoncée par Kiev au printemps, et les nombreux revers à Bakhmout. Dans ce bastion devenu l’épicentre des combats, la Russie a d’ailleurs intensifié ces bombardements dans l’espoir de récupérer du terrain avant le 9 mai.

L’annulation du discours sur la place Rouge inenvisageable

L’ombre de l’échec de l’« opération militaire spéciale », lancée par le Kremlin en février 2022, planera aussi sur cette commémoration, explique le journaliste Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions militaires et stratégiques, dans l’Opinion. « De fait, l’armée russe a renoncé, du moins pour l’instant, à toute nouvelle poussée sur le front, après l’échec de sa campagne d’hiver », analyse-t-il, ajoutant que depuis 15 mois, le Kremlin a échoué à conquérir l’ensemble des deux régions du Donbass.

Ce n’est pas la salve d’attaque menée sur Kiev dans la nuit du dimanche 7 au lundi 8 mai qui permettra de redorer le blason russe.

Isolé, sous le coup d’un mandant d’arrêt de la cour pénale internationale, Vladimir Poutine devrait néanmoins garder bonne figure, coûte-que-coûte. Le discours qu’il prononce chaque année sur la place Rouge à l’occasion de la fête de la Victoire est une tradition qu’il compte bien perpétuer, et ce malgré les risques pour sa sécurité, note le média Politico. Son absence ne serait en effet pas bien vue, et pourrait égratigner son image.

Pour ce 9 mai, « le pouvoir pourrait avoir deux solutions », anticipait le 7 mai Anna Colin Lebedev, spécialiste des sociétés post-soviétique, dans le thread Twitter ci-dessous. Soit les forces russes vont « se servir du 9 mai comme jour de mobilisation maximale face à une menace grandissante, et si un drone tombe sur la place Rouge, ça ne pourra que mobiliser davantage la population ». Ou alors, les autorités russes continueront le discours du « tout se passe comme prévu, tout est sous contrôle », juge la maîtresse de conférence à l’Université Paris Nanterre.

À l’époque soviétique, les commémorations du jour de la Victoire étaient bien plus discrètes, l’accent étant mis sur l’hommage aux anciens combattants et à leurs immenses sacrifices, indique l’agence Reuters. Depuis 2008, et l’accession à la présidence de Vladimir Poutine, cet anniversaire est devenu l’occasion de tenter de redorer l’image d’une Russie postcommuniste ayant retrouvé sa grandeur d’antan.

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