Guerre en Ukraine : les espions russes ciblent particulièrement les élus français
SÉCURITÉ - La guerre ne se joue pas seulement sur le terrain. Dans le contexte de l’invasion russe en Ukraine, le soft power du Kremlin et les renseignements de Moscou font feu de tout bois, y compris en France. C’est ce que révèle et confirme Nicolas Lerner, le patron de la DGSI, qui a été auditionné le 2 février dernier par une commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères. Cette dernière a été lancée par le député RN Jean-Philippe Tanguy pour tenter de couper court aux accusations faisant du parti d’extrême droite un agent de l’influence russe en France.
Le contenu de cette audition n’a été rendu public que ce mercredi 26 avril, comme le soulignent nos confrères du Monde, et il révèle que les élus français sont des cibles privilégiées des espions russes, et que la France « est particulièrement exposée aux tentatives d’espionnage et d’ingérence ».
Si aujourd’hui « aucune structure n’est aujourd’hui aux mains d’un pays étranger », Nicolas Lerner a évoqué des « tentatives d’approche de la part de certains agents de renseignement visant l’ensemble du spectre politique », et des relations « que la loi française n’autorise pas ». Et d’ajouter sans plus de précisions : « J’ai quelques exemples en tête. »
Selon le patron de la DGSI « des officiers de renseignement russes sous couverture diplomatique (...) n’hésitent pas à nouer des relations, notamment avec les élus de la nation, auxquels ils se présentent comme premier ou deuxième secrétaire d’ambassade ».
Jean-Philippe Tanguy a par ailleurs questionné Nicolas Lerner sur les accusations politiques selon lesquelles Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon seriaent des « porte-voix » de la Russie ou du Venezuela. Le patron de la DGSI a sur ce sujet répondu assez généralement : « Plusieurs responsables politiques de premier plan ont [...] entretenu, dans le passé, des relations clandestines avec des agents de renseignement », mais certains l’ont fait sciemment : «La personne approchée peut être convaincue de parler avec un chef d’entreprise ou un diplomate – c’est la raison pour laquelle nous pratiquons la sensibilisation dès que nous détectons de tels cas –, mais elle peut aussi avoir pleinement conscience de parler à un agent de renseignement ».
Mais attention, Nicolas Lerner met à part ceux qui se sont rendus « dans le Donbass pour superviser des opérations électorales » : « Accepter de servir de caution à un processus prétendument démocratique et transparent revient à franchir un cap en termes d’allégeance ». En 2018, Thierry Mariani, aujourd’hui eurodéputé RN, s’était rendu dans le Donbass comme « observateur international » aux côtés d’anciens députés LR comme Nicolas Dhuicq ou Michel Voisin, rapportait alors Le Monde.
Des élus locaux également visés
Si un cas lié à du financement a été signalé aux autorités, la DGSI explique avoir mené des actions de « sensibilisation » au sein du Parlement. « Nous avons des contacts réguliers avec les parlementaires, à leur demande ou à notre initiative, et menons des actions de sensibilisation, le cas échéant pour leur faire savoir à qui ils ont affaire – ils sont ensuite entièrement libres de poursuivre ou non leurs relations dès lors qu’elles ne tombent pas sous le coup de la loi. »
Et depuis peu, les députés ne sont pas les seuls concernés : « Pour la première fois, la DGSI a rencontré tous les membres des cabinets ministériels, en l’espace de trois mois, afin de les sensibiliser au risque numérique et téléphonique. »
Et les élus locaux ne sont pas épargnés. « Certains pays que nous avons cités s’intéressent beaucoup à l’échelon territorial, ces élus étant décisionnaires du point de vue économique et financier et pouvant engager une part de la souveraineté, ils constituent en effet des cibles. »
François Fillon bientôt auditionné
Outre la sphère politique et médiatique, les services de renseignement français disent être également particulièrement attentifs au monde universitaire et de la recherche : « Plus un État est puissant et doté d’une recherche universitaire dynamique, plus il est exposé à des actions d’espionnage. » « Globalement, les modes opératoires sont bien plus agressifs qu’ils ne l’étaient il y a quelques années », estime Nicolas Lerner.
Si les expulsions diplomatiques ont permis de réduire la menace, la Russie reste –avec la Chine– l’un des pays « dont la politique est la plus aboutie en matière de renseignement. Lequel s’accompagne d’une puissante « politique d’information ou de désinformation ».
La commission auditionnera prochainement l’ancien Premier ministre François Fillon, qui a un temps siégé dans deux conseils d’administration de géants russes. Il sera entendu le 2 mai sur ses liens avec Moscou par la commission d’enquête sur les ingérences étrangères
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