Guerre en Ukraine : à Odessa, la « dérussification » déjà en marche

Katia entame une visite touristique des lieux emblématiques juifs de la ville avec une dizaine d’Odessites. « Heureusement, je ne vais pas avoir à évoquer l’Empire russe… », confie-t-elle. - Credit:
Katia entame une visite touristique des lieux emblématiques juifs de la ville avec une dizaine d’Odessites. « Heureusement, je ne vais pas avoir à évoquer l’Empire russe… », confie-t-elle. - Credit:

Elles sont neuf femmes, la plupart retraitées, serrées les unes contre les autres devant des tables d'écoliers. Elles sont originaires d'Azerbaïdjan, de Moldavie, de Bulgarie et même de Tomsk, en Russie. Leur point commun : elles ont grandi et vécu ici, à Odessa, le grand port ukrainien sur la mer Noire. Elles ont aussi parlé russe tout au long de leur vie. Deux fois par semaine, elles se réunissent dans une petite salle, près de l'université, face à Anna, une jeune professeure aux cheveux roux venue de Kherson, à 200 kilomètres de là. But de la séance : apprendre la langue ukrainienne, dans le cadre d'un projet baptisé Yedini. « Le plus difficile, c'est la prononciation des i », lance Svetlana. « Oui, il y a une gymnastique de la langue et de la mâchoire qui n'est pas habituelle », ajoute sa voisine, Tatiana. « Allez, on reprend », interrompt Anna.

Des petits papiers circulent. « L'oiseau perché sur le toit s'envole pour aller chasser », lit péniblement Svetlana. Une photo apparaît sur l'écran. Deux singes ont pris place sur un scooter. « Décrivez ce que vous voyez », propose Anna. Lioudmila, la babouchka née en Sibérie, s'y essaie. « Non ! Pas en russe, en ukrainien ! » corrige sa voisine d'un coup de coude. Des rires fusent. « Il y a deux mois, je ne connaissais pas un mot », s'excuse-t-elle. Pourtant, toutes s'accrochent. Et l'assurent : « Nous nous sommes réveillées avec la guerre, le 24 février 2022, et nous faisons de notre mieux pour nous séparer de [...] Lire la suite