Guerre Israël-Hamas : la stabilité au Liban, enjeu clé pour éviter l’escalade du conflit
LIBAN - Si le front principal de la guerre entre Israël et le Hamas se situe sur la bande de Gaza, où plus de 8 300 Palestiniens sont morts en plus de trois semaines, les tensions et bombardements à la frontière entre le Liban et Israël sont presque quotidiens depuis le 7 octobre.
Ils ont fait au moins 62 morts côté libanais, selon un bilan de l’AFP, dont 47 combattants du Hezbollah, allié du Hamas, mais aussi quatre civils, dont un journaliste de Reuters. Côté israélien, l’armée fait état de quatre morts, dont un civil.
Alors que la communauté internationale redoute un embrasement régional, c’est dans ce contexte que se déplace cette semaine au Liban le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu.
Ce voyage, de ce mercredi 1er au vendredi 3 novembre, vise à « réaffirmer notre attachement à la stabilité du Liban », selon son cabinet, précisant que le ministre s’entretiendra avec les autorités libanaises, dont le Premier ministre Najib Mikati.
Jeudi matin, Sébastien Lecornu visitera notamment la Finul, la force de l’ONU stationnée dans le sud du Liban depuis 1978. Forte de plus de 10 000 hommes, la Finul compte près de 700 militaires français. Vendredi, à Beyrouth, il rendra également hommage aux victimes de l’attentat du Drakkar, qui tua 58 soldats français en 1983.
Je me rendrai au Liban dans quelques jours.
Pour réaffirmer notre attachement à la stabilité du Liban et visiter la FINUL où servent près de 700 militaires français.
Je rendrai également hommage aux 58 soldats morts pour la France dans l’attentat du Drakkar il y a 40 ans.— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) October 29, 2023
Pour le moment, la situation reste très loin d’avoir basculé dans le chaos sur ce deuxième front au nord d’Israël, mais les frappes, bien moins importantes mais quasi quotidiennes, laissent planer une tension permanente dans la région qui n’augure rien de bon.
Le Premier ministre libanais Najib Mikati tente de rassurer
L’armée israélienne a encore affirmé ce mardi 31 octobre avoir mené des frappes aériennes au Liban, visant le Hezbollah. Dimanche, des tirs avaient été effectués par le Hamas, puis le Hezbollah, suivis par une tentative d’infiltration du Jihad islamique.
Conséquence de ces opérations de guerre qui se suivent jour après jour, près de 29 000 Libanais ont déjà été déplacées, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
Lundi 30 octobre, le Premier ministre libanais Najib Mikati a lui pris la parole dans une interview accordée à l’AFP. « Je fais mon devoir afin d’éviter que le Liban entre dans la guerre », a tenté de rassurer celui qui dirige de facto le pays privé de président depuis un an, tout en soulignant qu’il ne pouvait pas « écarter une escalade régionale » faute d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
Najib Mikati a indiqué ne pas être en mesure de dire si le Hezbollah, avec lequel il maintient des contacts, voulait une nouvelle guerre avec Israël. Des analystes jugent qu’une intensification de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza pourrait pousser le Hezbollah à intervenir plus ouvertement. Son leader Hassan Nasrallah devrait d’ailleurs s’exprimer pour la première fois depuis le 7 octobre ce vendredi 3 novembre.
« Jusqu’à aujourd’hui, je vois que le Hezbollah agit avec sagesse et raison » mais, dans le même temps, « je ne peux pas rassurer les Libanais », a encore affirmé Najib Mikati.
Mais le parti chiite, qui dispose d’un important arsenal, s’est pour l’instant gardé de bombarder en profondeur le territoire israélien, comme il l’avait fait lors la guerre qui l’avait opposé à Israël en 2006. Celle-ci avait entraîné la mort d’environ 1 100 civils libanais entre le 12 juillet et le 14 août, une cinquantaine côté israélien.
Il est urgent que « le Liban élise au plus vite un président »
Le problème, c’est que personne ne sait pour le moment ce qui pourrait engendrer un conflit ouvert beaucoup plus important dans la zone. « C’est la question que tout le monde se pose, et les acteurs ne le savent pas eux-mêmes. Ils ne se parlent pas et n’arrivent pas à identifier leurs lignes rouges respectives. N’importe quel événement, l’enlèvement d’un soldat israélien par le Hezbollah ou une frappe israélienne dans un village du sud-Liban, pourrait avoir le rôle de déclencheur », soulignait récemment Héloïse Fayet, chercheuse au centre des études de sécurité de l’Ifri, auprès du HuffPost.
Le Premier ministre libanais avertit aussi qu’une escalade « ne toucherait pas seulement le Liban ». « Je crains qu’une escalade n’englobe toute la région, et que le chaos sécuritaire s’étende à tout le Moyen-Orient », redoute-t-il. Depuis le début de la guerre, les alliés de l’Iran visent également Israël depuis le territoire syrien, ainsi que les bases américaines en Syrie et en Irak, alimentant les craintes d’une extension du conflit.
Par ailleurs, les profondes crises politique et économique qui touchent actuellement le Liban laissent un « vide institutionnel (...) béant » qui « devient dangereux » avec « la crise actuelle », estime dans Ouest-France Jean-Yves Le Drian, l’envoyé spécial du président français Emmanuel Macron pour le Liban.
Il est urgent que « le Liban élise au plus vite un président », abonde Najib Mikati, qui dirige un gouvernement démissionnaire aux pouvoirs réduits. « Ce vide politique n’est pas bon pour le Liban », qui possède avec ça le plus haut ratio de réfugiés par habitant au monde, selon l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Près de 800 000 réfugiés syriens au Liban sont ainsi enregistrés auprès du HCR, selon des données publiées en août.
Depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre 2022, les députés sont incapables de s’entendre pour lui désigner un successeur, le Parlement étant divisé entre le camp du Hezbollah et ses adversaires.
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