Guerre Israël-Hamas : pourquoi l’AFP est critiquée dans son traitement du conflit au Proche-Orient

« L’Agence Mélenchon Presse ? » : L’AFP critiquée pour son traitement du conflit Israël-Hamas (photo prise le 19 octobre à Sderot en Israël).
picture alliance / dpa/picture alliance via Getty I « L’Agence Mélenchon Presse ? » : L’AFP critiquée pour son traitement du conflit Israël-Hamas (photo prise le 19 octobre à Sderot en Israël).

POLITIQUE - Le poids des mots. L’Agence France presse (AFP) est critiquée par plusieurs responsables politiques, de droite ou du camp présidentiel, pour certains de ses choix éditoriaux, de vocabulaire notamment, dans le traitement du conflit au Proche-Orient entre Israël et le Hamas.

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Des reproches qui affleurent après l’intensification, vendredi 27 octobre, des bombardements de l’armée de l’État hébreu sur la bande de Gaza en représailles aux attaques menées par le Hamas le 7 octobre.

Un nouvel événement que l’AFP a relayé en ces termes, sur le réseau social X : « Des combats au sol font rage dans la bande de Gaza, cible de frappes israéliennes sans précédent trois semaines après le début de la guerre entre Israël et le mouvement palestinien Hamas, et coupée du monde en raison de l’arrêt des télécommunications et d’internet ». Une phrase (parmi 7 messages) qui entraîne plusieurs reproches… et pousse le média à s’expliquer.

Quand un député Horizons menace de retirer les « subventions »

Pour le sénateur Les Républicains Stéphane Le Rudulier, l’agence de presse aurait dû qualifier le Hamas d’organisation « terroriste », et non simplement de « mouvement palestinien » « Osez décrire le réel. Votre banalisation du terrorisme est ignoble et dangereuse », fustige l’élu des Bouches-du-Rhône sur la même plateforme.

Parmi les réactions indignées, celle de la députée Renaissance Anne-Laurence Petel, qui demande à l’AFP, sur les réseaux sociaux, si elle n’est pas plutôt « l’Agence Mélenchon Presse ». Une façon de rapprocher les mots du média réputé, la troisième agence de presse mondiale et la première francophone, de ceux de Jean-Luc Mélenchon et des insoumis, épinglés pour avoir refusé de qualifier le Hamas d’organisation terroriste.

Et l’élue des Bouches-du-Rhône de poursuivre pêle-mêle, toujours à l’attention de l’AFP : « Pourquoi prendre des barbares pour des résistants ? Et des massacres de juifs pour une guerre conventionnelle ? Pourquoi “oublier” les bébés décapités et les otages à Gaza ? »

Une critique sans nuance que l’on retrouve également au Rassemblement national, où le député Julien Odoul se demande si « cet organe de presse grassement financé par nos impôts aurait qualifié les Waffen-SS de mouvement allemand en 1945 ? » « Honte à l’officine gauchiste qui épargne délibérément les terroristes islamistes du Hamas », ajoute-t-il dans sa diatribe sur les réseaux sociaux.

Plus offensif encore, le député Horizons Jérémie Patrier-Leitus a même été jusqu’à s’interroger sur le « retrait des subventions publiques » allouées à l’agence, avant de retirer son message sur les réseaux sociaux pour l’adoucir quelque peu.

L’AFP s’explique

Face à ces critiques, le directeur de l’information de l’Agence France Presse Phil Chetwynd explique auprès du Figaro privilégier la « description détaillée des faits » pour justifier le non-emploi du qualificatif de terroriste, un mot qui selon lui « a perdu son sens ».

« Tous les gouvernements autoritaires du monde utilisent le mot pour parler de leurs opposants, par exemple. Nous privilégions les faits dont nous pouvons témoigner nous-mêmes. La description détaillée des attaques atroces en Israël est claire pour le lecteur », détaille-t-il dans un article publié par le quotidien vendredi.

Il s’agit, aussi, d’un souci de neutralité, comme l’explique l’agence dans une « note aux clients » ce samedi, publiée quelques heures après les critiques de responsables politiques. « Conformément à sa mission de rapporter les faits sans porter de jugement, l’AFP ne qualifie pas des mouvements, groupes ou individus de terroristes sans attribuer directement l’utilisation de ce mot ou sans utiliser des guillemets », écrit ainsi Eric Wishart, le rédacteur en chef chargé des principes éthiques et rédactionnels de l’agence.

Il rappelle également que cette politique rédactionnelle est en vigueur depuis longtemps, et qu’elle s’applique à toutes les couvertures de « violences à motivation politique qui visent des civils », même « quand nos propres collègues ont été brutalement tués dans de telles circonstances. » En revanche, précise Eric Wishart, l’AFP mentionne dans ses productions le fait que le Hamas est qualifié de « terroriste » notamment par les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni et Israël.

La BBC également critiquée au Royaume-Uni

Dans ce contexte, il est intéressant de noter que l’Agence France Presse n’est pas le seul média visé par de telles critiques. Outre-manche, la très respectée BBC a elle aussi été accusée de complaisance avec le Hamas par la droite britannique peu de temps après les attaques du 7 octobre. Ceci pour les mêmes raisons.

« Le terrorisme est un mot chargé, que les gens utilisent pour désigner un groupe qu’ils désapprouvent moralement », expliquait alors John Simpson, le rédacteur en chef du service international du radiodiffuseur public, dans des propos rapportés par Le Monde mi-octobre. Le ministre britannique de la Défense venait alors de fustiger le choix sémantique du média, « à la limite du honteux » selon lui.

Pour le journaliste anglais, « ce n’est pas le rôle de la BBC de dire aux gens qui soutenir et qui condamner – qui sont les bons et qui sont les méchants. Nous soulignons régulièrement le fait que le gouvernement britannique et d’autres ont condamné le Hamas comme une organisation terroriste, mais c’est leur affaire ».

Enfin, cette neutralité n’empêche pas le média d’organiser des entretiens avec des invités et de citer des contributeurs qui qualifient eux-mêmes le Hamas de terroriste, précisait-il. Ce qu’Eric Wishart confirme pour l’AFP ce samedi.

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