Guerre Israël-Hamas : « L’argent de nos impôts finance le Hamas », avance le RN. Mais qu’en est-il vraiment ?
POLITIQUE - L’affirmation a été répétée, avec le même aplomb ce mercredi 25 octobre par le président du Rassemblement national, Jordan Bardella. « Les gens doivent savoir que leur impôt est utilisé pour alimenter les couveuses idéologiques du Hamas », a déclaré l’eurodéputé, qui assure que les aides de l’Union européenne accordées à la Palestine finissent dans les poches de l’organisation islamiste.
Une assertion que le parti d’extrême droite martèle depuis l’attaque terroriste du 7 octobre, avec Reconquête ! et Les Républicains, et qui va de pair avec la demande d’arrêt de tout financement humanitaire envers la Palestine. Dès le 10 octobre, le quai d’Orsay avait démenti tout détournement de cette aide financière, précisant qu’elle est « concentrée sur le soutien aux populations palestiniennes, dans les domaines de l’eau, de la santé, de la sécurité alimentaire et de l’éducation ».
Détail non négligeable, celle-ci est versée sous le contrôle d’Israël, pays qui place sa sécurité au sommet de ses préoccupations. « Les procédures mises en place pour éviter tout détournement de notre aide par le Hamas et le jihad islamique armé sont strictes, et scrupuleusement respectées », a répété Élisabeth Borne lundi à l’Assemblée, précisant que ces aides « sont contrôlées par l’administration israélienne elle-même ».
L’université islamique de Gaza
Pourtant, Jordan Bardella continue d’assurer l’inverse, citant « l’université de Gaza », vue comme la « couveuse idéologique du fondamentalisme islamiste et donc du Hamas ». Comme l’a souligné LCI, le sujet a fait l’objet d’une passe d’armes entre Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux européennes 2024, et l’eurodéputée macroniste Nathalie Loiseau. Est donc pointée ici l’université islamique de Gaza (UIG), dénoncée côté israélien comme le « campus du Hamas ».
Fondée en 1978, celle-ci a compté parmi ses membres des partisans islamistes, comme le cheikh Yassine, fondateur du Hamas, dont les écrits sont disponibles dans les fonds bibliographiques de l’université. Par ailleurs, Le Figaro souligne que plusieurs spécialistes de la région, dont Faysal Lahar, décrivent l’établissement comme « l’un des fiefs du Hamas ».
Mais alors, quel lien avec l’Europe et le contribuable ? « Cette structure a bénéficié de fonds européen à hauteur de 1,7 million d’euros depuis 2014, et peut être même plus parce que nous découvrons qu’une somme de 80 000 euros qui aurait été versée en 2009 », a affirmé l’eurodéputé RN Jean-Paul Garraud en saisissant le Parquet européen. Qu’en est-il ? Auprès de LCI, la Commission européenne a répondu que des fonds ont été versés dans le cadre du projet Erasmus+ entre 2014 et 2019, 11 projets impliquant l’UIG ayant été retenus. Exemple avec le cas médiatisé d’un étudiant italien en médecine parti quelques mois au sein de l’université dans le cadre de ce programme en 2019.
« Le Hamas a d’autres moyens »
Pour autant, ces fonds, représentant une part infime au regard de ce que l’UE mobilise (1,117 milliard d’euros pour la période 2021-2024), suffisent-ils à affirmer que l’UE finance le Hamas ? Citée par LCI, Inès Abdel Razek, directrice exécutive de l’ONG Palestine Institute for Public Diplomacy, tempère, soulignant que les liens idéologiques ou politiques entre l’université et le Hamas ne constituent pas un sponsor de l’UE à l’égard de la branche armée de l’organisation terroriste.
Dans un autre sujet réalisé par la chaîne sur le dossier, un journaliste palestinien, Radjaa Abou Dagga, pourtant hostile au Hamas, en doute également : « l’argent destiné aux universités est surveillé. Les bourses sont nominatives. Ce serait risqué et le Hamas a d’autres moyens clandestins ». Ces moyens, bien supérieurs à l’aide ici dénoncée, sont parfaitement identifiés, comme les taxes sur les importations ou les financements étrangers, l’obole annuelle accordée par l’Iran au Hamas étant estimée à 100 millions de dollars.
Dans son interview de ce mercredi, Jordan Bardella a aussi évoqué les canalisations d’eau, que le Hamas détourne pour fabriquer des lance-roquettes, citant un article de franceinfo sur le sujet. Or, l’article souligne justement que les équipements en question « proviennent en fait d’une ancienne colonie israélienne dans le sud de Gaza, évacuée il y a presque 20 ans ». Aucun rapport, donc, avec les aides venant d’Europe.
Cela étant dit, le risque zéro d’un détournement partiel de ces aides n’existe pas, d’autant qu’il est difficile de savoir exactement ce qui se passe dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas. Pour ne pas jeter les Gazaouis dans les bras de l’organisation terroriste (et pour garder son aide à l’autorité palestinienne siégeant en Cisjordanie) les pays européens maintiennent donc ces financements ; ils seront d’ailleurs au cœur du Conseil européen des 26 et 27 octobre.
Ironie de l’histoire, Sébastien Chenu, vice-président du RN, avait d’abord indiqué à la presse qu’il n’était pas question de « couper les vivres à la Palestine ». Raison pour laquelle, selon Libération, il faisait savoir que le groupe RN à l’Assemblée ne voterait pas la résolution du groupe LR visant précisément à suspendre les aides françaises en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Une contradiction gênante pour qui prétend accéder au pouvoir en 2027.
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