La guerre d’Israël avec le Hamas ne va pas arranger la crise entre Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahu

Les prises de paroles et choix politiques de Poutine depuis l’invasion de l’Ukraine et le début d’un nouveau conflit d’envergure entre le Hamas et Israël semblent l’éloigner de son homologue israélien Benjamin Netanyahu.
HEIDI LEVINE / AFP Les prises de paroles et choix politiques de Poutine depuis l’invasion de l’Ukraine et le début d’un nouveau conflit d’envergure entre le Hamas et Israël semblent l’éloigner de son homologue israélien Benjamin Netanyahu.

INTERNATIONAL - Réputés proches depuis une dizaine d’années, le président russe Vladimir Poutine et le Premier Ministre israélien Benjamin Netanhayu ont longtemps affiché une entente plus que cordiale, même après l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022.

Mais depuis l’attaque sanglante du Hamas samedi 7 octobre, ils semblent désormais prendre leurs distances, comme en atteste l’absence d’échanges entre les deux hommes depuis. Un froid diplomatique qui s’illustre par le silence du Kremlin, qui n’a pas partagé de message pour les victimes israéliennes des attaques terroristes du 7 octobre. Ce que la diplomatie russe a plutôt l’habitude de faire lors d’événements internationaux de cette envergure.

Quelques jours avant de remporter les élections législatives de novembre 2022, Benyamin Netanyahu avait dit espérer que Vladimir Poutine finisse par remettre en question sa vision pour rétablir un grand empire russe, comme le rapportait The Times of Israël. Mais à l’inverse, le retour au pouvoir de Netahayu avait été salué par Poutine qui espérait ainsi accroître la coopération entre les deux pays. Déjà une preuve, à l’époque, que les deux hommes ne sont plus vraiment sur la même longueur d’onde, malgré de nombreux intérêts communs.

Prise de distance

Dans le Guardian, Pinchas Goldschmidt, ancien grand rabbin de Moscou aujourd’hui en fuite pour ne pas avoir soutenu la guerre en Ukraine, estime que « les relations chaleureuses (entre la Russie et Israël) que nous observions depuis des années sous Poutine se sont refroidies. Nous sommes désormais dans un monde différent ».

Il précise qu’« Israël a toujours veillé à maintenir de bonnes relations avec Moscou étant donné l’importante communauté juive de Russie et son influence sur la Syrie (dont l’espace aérien est contrôlé par Moscou, ndlr) ». Mais ces bonnes relations ont été immédiatement fragilisées lorsque Vladimir Poutine avait justifié son invasion de l’Ukraine en évoquant « la dénazification » du pays.

Cet argument, repris par la diplomatie russe, a progressivement provoqué des tensions diplomatiques avec Israël, notamment lorsque le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait déclaré qu’« Hitler avait aussi du sang juif » à la télévision italienne. Des propos jugés « scandaleux et impardonnables » par Tel-Aviv.

Le Premier Ministre israélien de l’époque avait ensuite dénoncé l’utilisation de la Shoah comme « outil politique » par la Russie. En réaction, Moscou avait accusé Israël de « soutenir le régime néonazi de Kiev ». De quoi jeter un froid entre les deux pays avant le retour de Benjamin Netanhayu au pouvoir.

Ambiguïté russe

Israël avait pourtant été l’un des rares pays à refuser de se joindre au concert des condamnations internationales et aux séries de sanctions imposé par les pays occidentaux à la Russie, préférant s’imposer comme un médiateur pour la guerre en Ukraine.

Vladimir Poutine, pour sa première déclaration officielle sur la résurgence du conflit israélo-palestinien, a tout de suite pointé la nécessité de créer un État palestinien « indépendant et souverain », tout en soulignant « l’échec de la politique des États-Unis au Moyen-Orient ». Mais pas un mot de compassion pour Israël et ses victimes du terrorisme.

« Il est nécessaire de travailler sur la diplomatie plutôt que sur l’aspect militaire et de chercher des solutions pour arrêter les combats », avait ensuite indiqué le président russe. « Deuxièmement, il faut retourner au processus de négociations, qui doit être acceptable pour toutes les parties, y compris pour les Palestiniens ».

De la pure esbroufe à en croire Arkadi Doubnov, expert de la politique étrangère russe, qui voit surtout une volonté de Moscou de « se présenter comme un intermédiaire crédible dans la négociation », alors qu’« en réalité, toute perspective de jouer un quelconque rôle a disparu le 24 février 2022 », analyse-t-il pour le journal Le Monde.

Poutine sur un fil

Soutien de la Palestine depuis les années 70 pour mieux étendre son influence dans le monde arabe, la Russie a encore dégradé ses relations avec Tel Aviv en raison de son alliance grandissante avec l’Iran, soutien militaire majeur de Moscou en Ukraine. Une collaboration qui passe mal aux yeux de Netanyahu, l’Iran étant considéré comme un ennemi juré de l’État hébreu.

Désormais, le chef du Kremlin semble surtout s’intéresser aux raisons pour lesquelles le problème palestinien n’a pas été résolu depuis plusieurs décennies afin de mieux surligner les ingérences occidentales. Surtout celles des États-Unis, l’un des principaux alliés d’Israël.

Et alors que la plupart des pays occidentaux considèrent le Hamas comme une organisation terroriste, la Russie semble progressivement s’imposer comme un interlocuteur de choix pour le mouvement islamiste palestinien, que la diplomatie russe a déjà rencontré à cinq reprises depuis 2020, comme l’indique le Washington Post.

« C’est aussi révélateur d’une vision où tout, désormais, est vu par le prisme du rapport aux États-Unis » en Russie, abonde en ce sens Arkadi Doubnov. Un jeu d’équilibriste qui place la Russie sur un fil, au moment où les liens entre Tel-Aviv et Washington semblent se renforcer.

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