Guerre à Gaza : à quel point Israël est-il dépendant des livraisons d'armes américaines ?

Le président Joe Biden menace Israël de ne pas lui livrer certaines armes en cas d'offensive majeure dans la bande de Gaza. Les États-Unis sont le premier fournisseur d'armes d'Israël.

Quelles conséquences en cas d'arrêt d'envoi d'armes américaines ? Alors que Joe Biden a menacé ce jeudi 9 mai de freiner l'aide militaire à Israël, en conflit avec le Hamas, la perspective d'une telle interruption serait difficile à soutenir pour l'État hébreu.

Si les soldats israéliens "entrent à Rafah, je ne leur livrerai pas les armes qui ont toujours été utilisées (...) contre des villes", a prévenu le président américain, dans une interview à CNN, évoquant notamment des "obus d'artillerie". Il s'agit de l'avertissement le plus sévère prononcé à Israël par Washington depuis le début de la guerre contre le Hamas dans le territoire palestinien le 7 octobre dernier.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est vite voulu confiant et déterminé: "si nous devons tenir seuls, nous tiendrons seuls", a-t-il répondu à Joe Biden. Le porte-parole de l'armée, le contre-amiral Daniel Hagari, a affirmé de son côté que l'armée israélienne avait suffisamment d'armement pour accomplir sa mission à Rafah".

Déjà, un haut responsable américain a confirmé la suspension, la semaine dernière, d'une livraison à Israël "de 1 800 bombes de 2 000 livres (907 kg) et de 1 700 bombes de 500 livres (226 kg)".

Malgré le discours d'Israël qui se veut rassurant, la fin potentielle des livraisons d'armes américaines serait fortement préjudiciable pour l'État hébreu, alors que Washington est leur principal fournisseur.

"La participation américaine est plus qu'importante, elle est vitale, parce que l'armée israélienne à 100% a un équipement américain", assure auprès de BFMTV Jacques Neriah, ancien officier des renseignements militaires.

"Il y a des (éléments) qui sont construits en Israël, mais il y a des composants américains qui sont dans toutes les armes (utilisées par Israël)", précise-t-il ensuite.

Depuis le début de la guerre entre Hamas et Israël, les États-Unis ont approuvé des dizaines de millions de dollars de ventes d'armes dont deux ventes "d'urgence". Dans le détail, la vente de 13 981 obus de 120 mm a été approuvée pour 106 millions de dollars en décembre dernier. Une autre vente de 57 000 obus de 155 mm et équipements annexes a également été validée aussi en décembre, pour 147,5 millions de dollars.

Aux États-Unis, seules les ventes importantes d'armes doivent être rendues publiques. Le montant exact des armes envoyées à Israël est donc inconnu. Selon le Washington Post, plus de 100 ventes militaires non-publiques ont été approuvées par le gouvernement du président Joe Biden depuis l'attaque du 7 octobre, dont nombre de munitions d'artillerie.

En plus de ces deux ventes d'urgence, Washington fournit une aide régulière et gratuite à Israël depuis de nombreuses années. Elle est évaluée à plus de 3,5 milliards de dollars par an, selon des chiffres officiels. Par ailleurs, ce sont aussi les États-Unis qui financent et fournissent en partie l'équipement du "Dôme de fer", l'efficace et très coûteux bouclier d'Israël contre les roquettes tirées de Gaza ou du Liban.

La suspension des livraisons d'armes "est clairement un signe de tension dans les relations et de la pression croissante exercée sur Joe Biden par le flanc gauche du Parti démocrate pour limiter le nombre de victimes palestiniennes", estime auprès de l'Agence France-Presse (AFP) Raphael Cohen, du groupe de recherche RAND Corporation.

"(Joe Biden) se méfie des motivations de Netanyahu, qui tente d'étendre la guerre à toute la région pour détourner l'attention de la guerre qui se déroule mal pour lui à Gaza", analyse de son côté Colin Clarke, directeur de recherche au Soufan Group, à l'AFP.

Selon le chercheur, le Premier ministre israélien s'efforce aussi de "masquer les différends très réels qui existent avec l'administration Biden" au sujet du territoire palestinien, assiégé par Israël et menacé d'une famine à grande échelle.

La menace américaine sera-t-elle mise à exécution? La Maison Blanche a déjà tempéré les propos de Joe Biden, assurant que "le gouvernement israélien a compris depuis un moment" quelle était la ligne rouge de Washington qui pourrait freiner la livraison d'armes.

"(Joe Biden) va continuer à fournir à Israël les capacités dont il a besoin (...) mais il ne veut pas que certaines catégories d'armes américaines soient utilisées" dans certains types de situations, a également indiqué le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche John Kirby.

Pour l'ancien ambassadeur d'Israël en France Daniel Shek, la sortie du président américain joue d'abord comme un "signal" ou un "message" auprès d'Israël. "Il espère que ça va faire l'affaire et qu'il ne va pas passer à l'acte", estime-t-il auprès de BFMTV..

Article original publié sur BFMTV.com