« La grossesse m’a fait oublier mes complexes, mais seulement pendant neuf mois » - Témoignage

«  Au fur et à mesure que mon ventre s’arrondissait, j’ai senti la pression sur mon poids s’envoler »
« Au fur et à mesure que mon ventre s’arrondissait, j’ai senti la pression sur mon poids s’envoler »

TÉMOIGNAGE - Quand je dis que je ne me suis jamais sentie aussi belle et bien dans mon corps que lorsque j’étais enceinte, en général, ça surprend. Ah bon, vraiment ? Malgré les symptômes et les kilos supplémentaires ? Oui oui. Même à la fin du neuvième mois de grossesse, j’étais bien. Alors oui, il y avait les hormones et la joie de savoir qu’un être vivant, dont j’avais espéré l’arrivée un jour, grandissait en moi. Mais pas que.

Comme la plupart des femmes, j’ai grandi avec l’idée très répandue que la minceur était synonyme de beauté. Et comme un grand nombre d’entre elles, je me suis toujours trouvée « grosse », encouragée en ce sens par ma mère et mon père, que mes deux grands-mères avaient élevés dans l’idée qu’une femme doit faire un 36. Cette hérédité des complexes est tristement banale.

Avant ma grossesse, mon poids était source de stress

Alors oui, avec le temps, les lectures, les rencontres, j’ai appris à déconstruire ce discours, à me trouver belle - parfois -, à comprendre que ce qui rend quelqu’un de séduisant ne se trouve pas là du tout. J’ai intégré tous les discours du « body positivisme ». Je suis la première à considérer et à aimer tous types de beautés, quel que soit le poids de la personne. Je n’ai jamais eu de « critères physiques » pour tomber amoureuse.

Mais quand il s’agit de soi-même, c’est plus compliqué. Je me suis longtemps sentie bloquée, coincée entre le désir refoulé - et inavouable - d’être plus mince et l’injonction tout aussi pesante et agaçante de devoir « s’accepter » et « s’aimer » telle qu’on est. Ce sentiment est tellement aléatoire, il dépend de tellement de paramètres. Et les moments où je me sens « belle » ne sont finalement jamais liés à une perte de poids.

Avant ma grossesse, un gynécologue de la vieille école - pour ne pas dire boomer et sexiste - m’alertait à chaque visite de contrôle, au moment du passage sur la balance, que ce serait bien que je perde « quelques kilos », parce que lorsque je tomberais enceinte, ce « surpoids » s’aggraverait et deviendrait alors « irréversible ». Je sortais parfois en pleurs de ces consultations, en estimant que oui, il fallait que je fasse « gaffe ».

Pendant ma grossesse, la pression sur mon poids disparaît

Lorsque je suis tombée enceinte, cette crainte était ancrée en moi. J’ai eu la présence d’esprit de changer de gynéco. Dès le début de ma grossesse, j’ai fait attention à bien me nourrir, j’ai arrêté de boire, j’ai continué le sport et fait autant de vélo et de marche que possible. Mais surtout dans le but créer un environnement « sain » pour mon futur bébé. Je m’en suis rendu compte ensuite : c’était la première fois de ma vie que je prenais « soin de moi » - autre injonction qui m’agace -, parce qu’indirectement, ce n’était pas de moi que je prenais soin.

Lors des visites de contrôle chez la sage-femme qui m’accompagnait, j’appréhendais le chiffre qui allait s’afficher sur la balance. Mais au fur et à mesure que mon ventre s’arrondissait, que mon corps changeait, j’ai senti toute la pression sur mon poids - qui venait principalement de moi - s’envoler. J’avais, pour le coup, le « droit » d’avoir du ventre, premier complexe à gérer pour moi, et de prendre des kilos.

Quand l’été est arrivé, j’ai sorti de mon placard, pour la première fois depuis dix ans, des robes moulantes et des tenues très courtes que je ne mettais plus. Soudainement, elles me plaisaient à nouveau : je n’avais plus aucun mal à me regarder dans la glace. Je me sentais plus jeune, plus libre de mes cuisses, de mes fesses, qui me semblaient tout à fait « dans la norme ».

Mon ambivalence face aux remarques sur mon corps

Et comme souvent lorsque l’on se sent bien dans son corps - et surtout dans sa tête - les commentaires sur mon physique ont émergé. « Ah mais tu n’as pas grossi ! », « Tu n’as pas trop pris de ventre », « Tu es ravissante ! ». Je savais que ces commentaires, non sollicités, étaient malvenus, bien que souvent prononcés avec innocence. Mais je les prenais bien, ils allaient dans le sens de mon envie de minceur - mais pas forcément de mes valeurs.

La fierté de ma mère à mon égard, qui raconte toujours qu’elle avait pris 20 kg lorsqu’elle était enceinte de ma sœur, me semblait à la fois ridicule et satisfaisante. J’étais gênée par ces remarques que l’on pourrait qualifier de grossophobes et plutôt contente de me rapprocher d’un certain standard esthétique. Au final, je n’ai ni grossi ni maigri pendant ma grossesse, mis à part les kilos liés au bébé lui-même et ce qui l’entoure, que j’ai perdus en accouchant.

Le sentiment de bien-être qui ne m’a pas quittée du premier au neuvième mois de grossesse n’est évidemment pas lié qu’à mon corps et à mon poids. J’étais heureuse d’être enceinte, bien entourée, j’ai eu la chance de ne pas avoir de problèmes de santé ni de complications. Malgré la pandémie de Covid - j’ai accouché entre deux confinements -, c’était une période de ma vie où tout était aligné.

Et si on se foutait la paix ?

En revanche, passé l’accouchement et les premiers mois de post-partum, où j’avais autre chose à penser, l’angoisse de grossir et les complexes sont revenus instantanément. La parenthèse s’est refermée aussi facilement qu’elle s’était ouverte. Mon poids post-grossesse était pourtant le même qu’avant. J’avais réussi cette « prouesse », mot que j’emploie avec ironie. L’été suivant, j’ai réessayé mes robes moulantes et je les ai rangées aussitôt au fond de mon placard. En revanche, j’ai arrêté de me peser.

Ce que m’a rappelé cette grossesse, c’est l’absurdité de cette obsession du poids. Elle a réveillé des injonctions enfouies mais bien présentes en moi, auxquelles s’ajoutent celles de « s’assumer » telle que je suis. On ferait bien de se foutre un peu la paix.

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