Grossesse, accouchement, post-partum... Le trop-plein d'infos a angoissé ou culpabilisé ces mères

(Photo: Le HuffPost)
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MATERNITÉ - “J’ai été très soulagée de savoir que je n’étais pas la seule. Mais pourquoi personne ne nous prévient?” se demande Marie Kermarrec, maman d’une petite fille de 6 mois. “Je veux des enfants, mais j’ai l’impression que tous ces témoignages majoritairement négatifs m’ont fait peur. Et cette peur joue sur mon envie et ma confiance en moi, pour être mère”, confie de son côté Lana.

Ces questionnements autour de la maternité, vous avez été nombreuses à nous les confier. Car si aujourd’hui, grossesse, accouchement ou post-partum sont de moins en moins tabous, cet afflux d’informations peut entraîner, chez certaines, plus d’angoisses et de doutes que de sérénité quant à l’un des événements les plus importants dans la vie d’une femme: avoir des enfants.

Cet article s’inscrit dans le cadre de notre nouveau dossier sur les effets de la libération de la parole des femmes sur la grossesse et la maternité, publié pour la Journée internationale des droits des femmes, ce mardi 8 mars.

Les réseaux sociaux, livres ou groupes de discussions apportent des éléments de réponse, rassurent, informent, soulagent certaines femmes qui se sentent parfois très seules dans leurs questionnements ou peurs, mais parfois, certains aspects restent encore tabou. En particulier celui de l’amour “immédiat” de son enfant. C’est ce qu’explique Inès, jeune maman de quatre enfants. Elle confie avoir mis 4 ans à aimer son aîné et 5 ans à “l’accepter en tant qu’enfant, MON enfant...”

C’est grâce à la lecture des témoignages et articles relatifs au regret d’être mère, l’amour et l’instinct maternel qu’elle a pu admettre sa culpabilité,“le dégoût que j’avais de moi-même”, et choisi de se donner les moyens de comprendre et d’apprendre, pour ses trois autres enfants.

“Je n’étais absolument pas préparée”

De savoir qu’elle n’était pas la seule dans ce cas, elle déculpabilise. “Je suis de celles qui n’aiment pas instantanément leurs bébés lorsqu’ils sortent. Je nous laisse le temps de nous adapter l’un à l’autre, de tisser une relation.”

Plus encore, la maternité et le désir de comprendre ce que l’on ressent peut non seulement aider les mères, mais les pousser à aller plus loin dans l’esprit de communauté et de partage. C’est le cas de Clémence de Stabenrath. “Je m’étais beaucoup renseignée sur la grossesse, l’accouchement, grâce à de très bons podcasts (Bliss Stories, Matrescence...), mais je n’étais absolument pas préparée à la solitude extrême ressentie après la naissance.”

Ce que les sociologues désignent comme “la solitude des nouveaux parents”, Clémence l’a traversée d’autant plus difficilement que la naissance et le post-partum ont eu lieu pendant le premier confinement. “Nous avons vécu les deux mois du confinement en vase clos à trois avec mon mari et ma fille, sans aucune visite de notre famille, de nos amis, sans aucune aide extérieure. Mon mari devait sauver sa boîte, il n’a pas pu prendre de congé paternité à cette période”, explique-t-elle. Comme Inès, Clémence a eu du mal à s’adapter à sa maternité. “La difficulté de s’orienter en tant que nouvelle mère sans aucun repère était très difficile à accepter, moi qui imaginais que ce lien serait immédiat et évident.”

Si elle reconnaît avoir été aidée grâce à la libération de la parole sur le post-partum, elle admet: “Tant que l’on n’a pas vécu les premiers mois, on a beaucoup de mal à réaliser à quel point il faut savoir demander de l’aide, et à quel point il faut se renseigner en amont.” C’est ce qui l’a poussée à partager son expérience, en lançant un an après un podcast intitulé “Prélude, on ne naît pas parent”. Au programme, témoignages de parents, exemples concrets, conseils. “Autant d’expériences différentes que de personnes au micro, et j’espère que cela aide les futurs parents à se sentir moins seuls, plus préparés à ce tremblement de terre” conclut-elle.

Trop-plein d’informations

Mais parfois, trop de maternité tue la maternité, on verse dans l’excès inverse, où le trop-plein d’informations peut remettre en question le désir d’enfant.

C’est d’ailleurs ce qu’a remarqué la psychologue Chloé O-G, pour qui la libération de la parole est contre productive et fait perdre confiance aux femmes. “Si je devais mettre au monde un enfant pour la première fois en 2022, je serais sûrement pétrie de peur, en plus de celles liées à ma propre histoire. J’aurais baigné sans mon consentement dans ce discours moderne où être mère revient à porter sa croix”. Pour cette mère de trois enfants, même si la “maternité” décomplexée et livrée sans fards ni filtres sur les réseaux sociaux permet aux mères concernées de trouver du soutien et d’être accompagnées, cette surmédiatisation ne devrait pas avoir lieu, et surtout, provoquer le sentiment que toutes les mères devraient rencontrer des difficultés dans leur nouvelle fonction.

Cette angoisse ou anxiété procurées par l’omniprésence des difficultés de la maternité, Lucile Pauline les a ressenties. Agacée par une de ses amies qui lui envoyait de nombreux articles ou vidéos de maman qui témoignaient des complications de leur post-partum alors qu’elle était enceinte, elle a décidé de ne plus suivre tous ces comptes qu’elle considérait comme anxiogènes. “Sans dire qu’il faut totalement faire abstraction des aspects négatifs, sur les réseaux sociaux j’ai l’impression qu’on veut plus nous faire flipper que nous avertir. C’est omniprésent et je le redis, ça devient pour moi très anxiogène”, explique cette future maman qui est heureuse et impatiente de donner naissance à son premier enfant.

“J’ai dû entamer un suivi psychologique, à la fois pour m’aider à faire les deuils de mes enfants mais surtout pour m’aider à surmonter l’angoisse d’être mère”Charlotte D.

Charlotte, quant à elle, a bien failli tirer un trait sur son désir d’enfant. Malgré un parcours de maternité très compliqué, elle a réussi à surmonter son infertilité et les drames de la fausse couche et du deuil périnatal. Elle est l’heureuse maman d’un petit garçon de 5 ans.

Maternité “made in Instagram”

Pourtant, l’angoisse de devenir mère ne l’a pas quittée. “J’ai dû entamer un suivi psychologique, à la fois pour m’aider à faire les deuils de mes enfants mais surtout pour m’aider à surmonter l’angoisse d’être mère”, raconte-t-elle. Cette angoisse était en partie nourrie par les témoignages de son entourage et publiés sur les réseaux sociaux. “J’avais l’impression que la maternité était finalement une aventure aliénante, où on perdait toute identité et où s’occuper des enfants semblait être la croix et la bannière”, confie-t-elle.

Elle s’est même mise à avoir peur d’être mère, malgré son parcours du combattant pour le devenir. Des questions l’envahissaient: “Vais-je aimer être mère? Vais-je aimer mon enfant? Est-ce que je vais regretter? Est-ce que ma vie sera trop bouleversée à jamais?”. Ce n’est qu’en recevant un soutien psychologique qu’elle a réussi à surmonter ses angoisses.

L’afflux d’informations et de connaissances autour de la maternité ne suffit pas à bien la vivre. C’est l’expérience qu’a vécue Mathilde. Abreuvée de podcasts, articles, posts et même ouvrages sur la parentalité, cette jeune maman n’a pourtant pas échappé à un accouchement très compliqué, ni la dépression du post-partum et encore moins une profonde solitude de début de la vie à trois. Huit mois après la naissance de son enfant, elle éprouve d’ailleurs d’autres difficultés: “J’ai même cette sensation d’être surinformée, de faire moins bien, de se comparer encore plus”. Son mari dédramatise en évoquant avec bienveillance ses idées de maternité “made in Instagram”.

Lâcher-prise

Malgré les angoisses et les doutes générés par ce flot discontinu et la surmédiatisation de la maternité, la plupart des témoignages s’accordent sur un constat: aujourd’hui, cette libération de parole permet aux futures mères de choisir une maternité “consciente” et d’avoir accès aux informations et soutiens dont elles pourraient avoir besoin.

C’est ce que confie Inès. “Je remercie tous ces articles, je suis beaucoup plus en paix avec moi-même car j’ai compris que je n’étais pas seule à vivre ce genre d’expérience”. Elle conseille d’ailleurs aux futures mamans “perdues” de s’accrocher. “Courage maman, tu fais de ton mieux, tu es merveilleuse.” Pour Clémence, patience et longueur de temps font plus que force ni que rage: “tout passe, même les moments les plus difficiles”, conclut-elle.

Toutes ces femmes ont peut-être, dans ce flot d’informations, oublié une chose primordiale: la confiance en elles, en leur instinct, le lâcher-prise, comme les derniers conseils que donne autant la psychologue. C’est ce qu’a fait Charlotte, qui admet que la thérapie lui a permis d’appréhender ses grossesses et maternité avec sérénité.

Ces dernières années, la maternité a investi le féminisme, et inversement. Les maux de la grossesse, le corps enceint, les trois premiers mois sous silence, la fausse couche, le post-partum... Tous ces sujets sont désormais au cœur d’une remise en question. Il n’est plus question d’enjoliver la réalité de la grossesse puis de la maternité, mais de libérer la parole quant aux difficultés qui leur sont inhérentes.

Aujourd’hui, les futures mères, tout comme les femmes qui ne souhaitent pas le devenir, ont accès à un gigantesque panel de documents sur le sujet. Livres, podcasts, témoignages sur les réseaux sociaux se font de plus en plus nombreux, et font partie des discussions.

Quels sont les effets de cette libération de la parole sur les femmes? A-t-elle un impact sur leur rapport à la grossesse et à la maternité? On décortique ces questions dans notre nouveau dossier que nous publions à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes ce mardi 8 mars. Voici les autres articles:

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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