«Grensgeval» Le rebut des deux mondes

Entre abstraction de la mise en scène et chorégraphie subtile, la pièce évoque l’arrivée des migrants en Europe et le défaut d’empathie des Occidentaux à leur égard. D’après un texte de la Prix Nobel Elfriede Jelinek.

Il y a donc des hommes, des femmes, des enfants, qu’on ne perçoit pas individuellement, qui s’affaissent les uns sur les autres, en duo, au sol. On ne sait d’ailleurs pas si ce sont des hommes, des femmes, des enfants. Ce sont des corps qu’on ne compte pas, ils font masse, pris au kilo. Et des kilos, il y en a forcément toujours trop. Par-dessus, une lourde poutre en bois qui les maintient à terre. Dans Grensgeval (Borderline) - d’après les Suppliants de l’Autrichienne et Prix Nobel Elfriede Jelinek, que mettent en scène Guy Cassiers et la chorégraphe Maud Le Pladec -, rien n’est représenté. Ni le bateau, ni le naufrage, ni le voyage, ni la cale, et cependant, tout est visible, compréhensible, il n’y a pas d’équivoque, on sait ce qu’on voit en dépit de l’abstraction. La scénographie n’outrage pas le regard, ou alors seulement par sa beauté. Il ne s’agit pas de nous faire pleurer ou d’ordonner la compassion. Les teintes grises, blanches, noires, le rangement du plateau, l’esthétisme de la lumière : tout est organisé pour mettre à distance le spectateur. On prendra conscience peu à peu que ces digues élevées grâce des prouesses techniques sonores et visuelles redoublent la position de l’Européen urbain qui lui aussi fait entrer dans son champ de vision la famille syrienne ou afghane qu’il perçoit sur le trottoir pour immédiatement la zapper dans un coin de son iPhone.

Greffière des temps présents

Sur le plateau, donc, quatre individus blancs autour d’une petite table ronde commentent le désastre. On peut supposer qu’ils sont membres d’une association humanitaire. Que disent-ils ? Pour le savoir, il faut lever la tête, lire les surtitres. La force du texte d’Elfriede Jelinek nous happe. On entend en même temps qu’on lit : «L’eau est plus épaisse que le (...)

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