« De grandes espérances », le thriller politico-féministe à ne pas manquer

CINEMA - Ils ne sont pas si fréquents, les films qui montrent à voir la politique. Alors quand il y en a un qui sort, succède à l’excitation du moment, la crainte et le soupir : « ça ne va pas être réaliste ». De grandes espérances, le film de Sylvain Desclous, en salles ce 22 mars, satisfait de ce point de vue l’aficionado de politique par son grand réalisme. Des dialogues aux décors, on se croirait dans la vie politique d’aujourd’hui, ou du temps de celle de François Hollande, plus exactement.

Gabrielle Dervaz, ancienne ministre et députée - incarnée par une Emmanuelle Bercot plus vraie que nature - spécialiste de l’Économie sociale et solidaire, rencontre en Corse chez son ancien beau-frère, Madeleine (Rebecca Marder - Simone, le voyage du siècle, Une jeune fille qui va bien, Mon crime) jeune diplômée de Sciences Po Lyon, issue comme elle d’un milieu populaire, qui prépare l’ENA avec son petit ami, Antoine (Benjamin Lavernhe de la Comédie française), fils du locataire des lieux, un avocat d’affaire fier de sa réussite (Pascal Elso).

Coulisses politiques et Thévenoud en ministre déconnecté

Le jeune couple à qui tout semble sourire est bousculé par une rencontre malencontreuse sur une petite route corse qui va changer le cours de leurs existences et du film. Ce secret - et l’enquête policière haletante - se heurte à leurs ambitions politiques et à leurs désirs de changer le monde, alors qu’ils tentent de maintenir à flot leur relation amoureuse.

L’apparition surprise de l’ancien ministre socialiste Thomas Thévenoud, tombé pour « phobie administrative » en 2014 ajoute à l’humour souvent présent et au spectacle d’une gauche qui se heurte à ses idéaux et se prend de plein fouet la réalité sociale. Sylvain Desclous, qui s’intéressait déjà à la France des oubliés dans son documentaire La campagne de France (2022), ne néglige pas ses personnages secondaires - Marc Barber dans le rôle clé du père de Madeleine - et soigne les détails d’un scénario bien ficelé (coécrit avec Pierre Erwan Guillaume) pour croquer la vie politique moderne, passer un message social et faire vivre l’intrigue.

Emmanuelle Bercot et le réalisateur ont consulté des femmes politiques comme Aurélie Filippetti ou Marlène Schiappa afin de « préparer le rôle et étoffer le scénario », confie Desclous, ce qui se note à l’écran. Les scènes de conseils ou de stratégies politiques raviront tous ceux qui aiment les coulisses de la politique et le suspense - qui aurait pu être poussé par une musique plus affirmée - maintient la tension jusqu’à la fin.

Pour ne rien gâter, le réalisateur adopte un « female gaze », point de vue féminin, ndlr - non revendiqué - qui change des codes classiques de la politique en mettant en avant un duo de femmes, une députée prête à en découdre et sa conseillère, Madeleine à laquelle on s’attache malgré ses turpitudes.

« Ça y est, c’est les femmes les méchantes », a tweeté la journaliste politique au Monde Raphaëlle Bacqué, à peine sortie de la séance de projection presse du 4 janvier 2023, quelques semaines avant la sortie en salle du film. C’est déjà un vaste progrès.

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