Grève des acteurs à Hollywood: le discours enflammé de Fran Drescher

Ce que les cadres de Hollywood craignaient est arrivé: jeudi soir, la grève des acteurs américains a été votée par leur syndicat, le SAG-AFTRA, à l'issue de l'échec des négociations portant notamment sur la revalorisation de leurs rémunérations. La décision a été annoncée par Fran Drescher, présidente de cette organisation qui représente 160.000 acteurs et professionnels, lors d'un discours vibrant à Los Angeles.

"Pour être honnête, je n'arrive pas à croire à quel point nos visions sont éloignées", s'est indignée celle qui a mené les négociations avec l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP), représentante des principales sociétés de production. Avant de poursuivre:

"Ils plaident la pauvreté, ils expliquent qu'ils perdent de l'argent à n'en plus pouvoir, alors qu'ils versent des centaines de millions de dollars à leurs PDG! C'est écœurant. J'espère qu'ils ont honte."

Des négociations "insultantes"

L'ancienne star d'Une nounou d'enfer est revenue sur l'échec des négociations, entamées le 7 juin en vue de l'expiration de l'accord entre le SAG-AFTRA et l'AMPTP: "En privé, ils disent tous que nous (les acteurs) sommes le cœur du rouage, et que tous les autres bricolent autour de notre art. Mais les actes sont plus importants que les mots, et ils ne nous ont rien proposé. C'était insultant."

Les acteurs rejoignent la grève des scénaristes lancée en mai. Les deux corps de métier réclament une revalorisation de leur rémunération, en berne à l'ère du streaming. Ils souhaitent également obtenir des garanties concernant l'usage de l'intelligence artificielle (IA), pour empêcher cette dernière de générer des scripts pour les uns ou de cloner leur voix et image pour les autres.

"Le modèle économique a été entièrement modifié. Par le streaming, par le numérique (...) Si on ne fait pas front maintenant, nous allons tous avoir des soucis", a déclaré Fran Drescher. "Nous allons tous faire face au danger d'être remplacés par des machines. Une grande industrie qui s'intéresse plus à Wall Street qu'à vos enfants!", s'est-elle encore indignée.

"Partagez les richesses"

"Vous ne pouvez pas changer le modèle économique autant qu'il a changé et ne pas vous attendre à changer aussi les contrats", a-t-elle poursuivi. "On fait quoi, là? On bouge des meubles sur le Titanic? C'est n'importe quoi. Alors c'est fini, AMPTP. Nous faisons front. Il faut vous réveiller, ouvrir les yeux. Nous sommes la masse travailleuse et nous exigeons le respect et la reconnaissance de notre contribution. Partagez les richesses, parce qu'elles ne peuvent pas exister sans nous."

Les demandes des acteurs sont nombreuses. Comme le rapportait le Hollywood Reporter fin juin, ils réclament la fixation de revenus minimums, la perception de revenus à chaque utilisation de leurs œuvres en streaming (les "droits résiduels", perçus lors des rediffusions télévisées ou des ventes de DVD, qui ont connu des coupes sévères avec l'avènement des plateformes), ou encore le contrôle des auditions faites par le biais de vidéos auto-enregistrées.
Un autre élément important de ces demandes concerne le développement de l'intelligence artificielle: "Nous pensons qu'il est absolument vital que ces négociations protègent non seulement notre apparence, mais nous assurent également une rémunération lorsque nos travaux sont utilisés pour développer l'IA", déclaraient-ils dans une lettre ouverte lors des négociations.

Un quotidien pas si glamour

Car loin des dizaines de millions de dollars qu'engrangent les grandes stars du cinéma américain, la majorité invisible des acteurs de Hollywood peinent de plus en plus à joindre les deux bouts. L'acteur Dominic Burgess, vu dans les séries Modern Family, Star Trek: Picard ou Dahmer: Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer, s'est confié à l'AFP.

Pour "99 % des acteurs" la vie quotidienne se passe "sur le terrain, à auditionner, à se bousculer et à se battre pour entrer dans les salles d'audition", a-t-il exposé. Et cela nécessite souvent de prendre un petit boulot.

"Nous voulons tous travailler, mais à quel prix, quand le salaire et les revenus résiduels ne sont plus viables pour les acteurs?"

Article original publié sur BFMTV.com