Gilles Kepel : « Il est difficile pour l’Iran de nier sa responsabilité »

Après la fatwa édictée contre Salman Rushdie le 14 février 1989, des femmes iraniennes manifestent à Téhéran contre l'auteur des Versets sataniques.  - Credit:NORBERT SCHILLER / AFP
Après la fatwa édictée contre Salman Rushdie le 14 février 1989, des femmes iraniennes manifestent à Téhéran contre l'auteur des Versets sataniques. - Credit:NORBERT SCHILLER / AFP

La tentative d’assassinat sur Salman Rushdie n’est que la dernière itération d’un radicalisme islamiste toujours vivace, que la baisse du nombre d’attentats en France et la pandémie avaient occulté. La différence, cette fois, est qu’il ne s’agit pas de djihadisme sunnite, mais bien de l’exécution d’une fatwa, un avis religieux pouvant faire office de condamnation à mort, prononcée par la République islamique d’Iran, chiite. Gilles Kepel, professeur à l’université Paris Sciences & Lettres, directeur de la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l’École normale supérieure et auteur de Le Prophète et la Pandémie – du Moyen Orient au djihadisme d'atmosphère (Gallimard 2021), nous explique les conséquences géopolitiques de la mise à exécution de cette condamnation à mort avec trente-trois ans d'intervalle. Dans une ironie terrible, il apparaît que tout le monde sort perdant de cet attentat : Salman Rushdie et ses proches, mais aussi l'Iran, qui a un besoin vital de se rapprocher des États-Unis avant les prochaines élections législatives américaines, en novembre.

Le Point : Salman Rushdie s'attendait-il encore à être la cible d'une attaque ?

Gilles Kepel : J'avais eu l'occasion de parler à Salman Rushdie de sa situation lors d'un dîner à Princeton, aux États-Unis, alors que j'étais moi-même sous protection policière. Il m'avait alors semblé que ce dernier surestimait sa sécurité personnelle. Mal protégé au Royaume-Uni, transporté de maison en maison et trop contrôlé da [...] Lire la suite