Gilets jaunes : aucune condamnation pour les 23 éborgnements cinq ans après les manifestations

Aucun policier ou gendarme n’a été condamné pour l’éborgnement de manifestants. Un seul plaignant a bénéficié d’un procès.

GILETS JAUNES - Ils sont 23 à avoir été éborgnés par la police lors des manifestations des Gilets jaunes entre 2018 et 2019. Un seul a bénéficié d’un procès et aucun n’a obtenu la condamnation de l’auteur de sa blessure, révèle l’AFP ce jeudi 9 novembre dans une longue enquête.

Cinq ans après les protestations qui avaient duré des semaines, l’AFP a contacté toutes les personnes blessées par des tirs de LBD ou des lancers de grenades qui ont porté plainte. Parmi eux des manifestants, des « étudiants » et parfois de simples « passants », qui cinq ans plus tard voient leur dossier dans l’impasse.

Six classements et deux non-lieux ont déjà été prononcés, comme pour Hedi Bahrini, qui a perdu l’œil gauche le 1er décembre 2018 au Puy-en-Velay. Il a appris en mars 2022 la mort du gendarme auteur du tir de grenade de dispersion. « On peut vivre, mais il y a un deuil à faire », confie aujourd’hui l’homme de 45 ans à l’AFP. Sa procédure civile pour obtenir une indemnisation est en cours auprès du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Deux mises en examen dans l’affaire Jérôme Rodrigues

Onze autres enquêtes, dont dix sous l’égide de juges, sont en cours, sans mise en cause. Dans plusieurs cas, les responsables des blessures issus des forces de l’ordre semblent identifiés mais les expertises balistiques tardent ou sont contestées. « Je n’ai aucune nouvelle du dossier ni de mon avocat, c’est le néant », regrette par exemple Alexandre Frey, frappé par un tir de LBD le 8 décembre 2019 à Paris.

Les démêlés judiciaires sont sources de montagnes russes chez certains, tel David Breidenstein, blessé le 16 mars 2019 à Paris : après la déception du non-lieu, la joie de la relance du dossier en appel. Trois autres instructions à Paris et Rennes sont toutefois plus avancées, avec des mises en examen.

C’est notamment le cas pour Jérôme Rodrigues, figure du mouvement des Gilets jaunes, dont l’éborgnement pourrait être jugé par la cour criminelle départementale de Paris. Deux fonctionnaires sont mis en examen dans cette affaire.

Un procès, une relaxe

Un seul éborgné sur 23 a bénéficié d’un procès : Jean-Philippe, lycéen de 16 ans à l’époque, victime selon lui d’un tir « perdu » de LBD le 6 décembre 2018 à Béziers. Le 20 octobre, le policier mis en cause a été relaxé au bénéfice du doute. « Je suis surpris et choqué », a réagi le jeune homme, 21 ans aujourd’hui. Le ministère public a fait appel.

Face aux blocages du côté pénal, certains tentent de faire condamner l’État devant la justice administrative ou saisissent la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (Civi). Mais là encore, selon l’AFP, ça coince souvent. Plusieurs victimes se retrouvent aussi dans l’association « Mutilés pour l’exemple », comme Hedi Bahrini.

Au total selon le ministère de l’Intérieur, 2 500 manifestants et 1 800 membres des forces de l’ordre ont été blessés pendant les manifestations historiques des Gilets jaunes.

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