Gestion de la douleur, performance... le tabou commence à se lever sur les menstruations dans le sport

Qinwen Zheng - AFP
Qinwen Zheng - AFP

Elles concernent plus de 15,5 millions de Françaises, occupent 38 ans de leur vie en moyenne pour un budget allant de 8.000 à 23.000 euros de protections hygiéniques: les règles, un sujet toujours tabou dans le monde du sport.

"C'est juste des trucs de filles. Le premier jour, c'est toujours dur. Mais je dois jouer avec cette grosse douleur du premier jour. Je ne peux pas aller contre ma nature. J'aimerais être un homme sur le court dans ce genre de moments. Je n'aurais pas à souffrir de ça", confiait Zheng Qinwen, tenniswoman chinoise en conférence de presse, pour justifier sa défaite face à la numéro 1 mondiale Iga Swiatek en huitième de finale de Roland-Garros.

Un fait rare concernant un sujet encore tabou dans le monde du sport. Pourtant, selon une enquête publiée par Puma et Modibodi (marque de culottes menstruelles), une femme sur deux arrêterait le sport à cause de ses règles. Les raisons? Douleurs, peur des fuites, regard des autres voire endométriose dans certains cas.

Vanessa Clatot fait partie de ces femmes qui ont dû tout arrêter: "J’ai pratiqué très longtemps la gymnastique et la danse en compétition. Je n’ai pas tout arrêté d’un coup, j’ai arrêté graduellement il y a sept ans".

À 34 ans, Vanessa fait partie 10% de femmes atteintes d’endométriose, une maladie gynécologique liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus et qui provoque des crises de douleur, l’obligeant à arrêter toute activité physique. "Le sport nécessite une contraction abdominale, même quand on marche, on contracte les abdominaux. Ça comprime ces muqueuses particulières et déclenche des crises", explique Vanessa Clatot.

"Ce n’est pas possible de gérer ça"

Chez les athlètes de haut niveau, le cycle menstruel est parfois considéré comme un problème. "Franchement, à chaque fois, je prie pour ne pas avoir mes règles lors de mon prochain championnat parce que ce n’est pas possible de gérer ça", exprime Victoria Josse, triple sauteuse française.

Si certaines athlètes ne sont pas dérangées par leur cycle pendant les compétitions, d’autres comme Victoria Josse tentent de trouver toutes les solutions possibles afin que cela ne vienne pas nuire à leur performance.

"Un certain nombre de sportives sont sous contraceptif, comme la pilule, et elles viennent nous solliciter pour une absence de règles parce qu’elles sont gênées. D’autant plus qu’on peut être, dans certains sports, avec un habit blanc, un justaucorps, en gymnastique ou en natation synchronisée par exemple, développe Carole Maître, gynécologue à l’institut national du sport (INSEP). Dans ce cas, on n’arrête pas sa pilule pendant la semaine de pause de la plaquette, arrêt censé déclencher les règles, et on reporte donc les règles pour la plaquette de pilule suivante."

Le cycle menstruel pour optimiser la performance

Pourtant, plusieurs études montrent que le cycle menstruel peut avoir une incidence positive sur la performance sportive. Le football et l’athlétisme notamment ont été les sports précurseurs sur le sujet. La triathlète allemande Laura Philipp a expliqué sur son compte Instagram avoir étudié ses progrès en fonction de l’évolution de son cycle. Par son expérimentation, elle a remarqué que certains jours étaient plus favorables à la maximisation de la performance. Même constat à Chelsea, où le club a décidé d’adapter son programme d’entraînements au cycle menstruel de ses joueuses.

Résultat? Moins de blessures et de meilleures performances. "Dans la période de règles, on va travailler sur les aspects techniques. On va certainement être plus efficaces qu’en demandant une endurance longue. Après, dans la période folliculaire commence l’endurance, en particulier quand les oestrogènes commencent à être au plus haut. Dans cette phase, on a vu que le saut en hauteur avait des résultats supérieurs par rapport à une autre période du cycle", ajoute Carole Maitre.

Désormais, l’objectif pour les athlètes de haut niveau est de sensibiliser les hommes, souvent friands lors de l’évocation du sujet. "Dès qu’on parle de sang, les garçons sont en mode: 'Ah dégueu'. Ça me fait rire, je leur dis que le sang ce n’est rien, ironise Victoria Josse. Il faut lever le tabou par rapport à ce sujet." Comme elle, 75% des femmes interrogées pour l’enquête pensent que les règles devraient être évoquées plus librement dans le monde du sport.

Article original publié sur BFMTV.com

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