Geox : un employeur peut-il interdire le port du voile à une salariée ?

Une polémique agite actuellement les réseaux sociaux autour d'une intérimaire refoulée d'un magasin en raison du voile qu'elle portait, mais que dit la loi ?

Un magasin Geox au cœur d'une polémique sur les réseaux sociaux. (Photo : Jakub Porzycki/NurPhoto)

Le gérant a-t-il enfreint la loi en refusant la travailleuse ? Depuis quelques jours, une vidéo tournée dans un magasin Geox de Strasbourg (Bas-Rhin), publiée par une jeune femme qui affirme avoir subi une discrimination en raison de son vêtement religieux, n'en finit plus de déchaîner les passions sur les réseaux sociaux.

L'auteure de la vidéo accuse en effet le responsable de la boutique où elle devait effectuer une mission d'intérim de l'avoir refoulée en raison du voile islamique qu'elle portait. Sur les images filmées par la jeune femme, on entend notamment le gérant dire : "Vous n'avez pas la tenue adéquate, je ne peux pas vous garder".

Le port de signes religieux au travail n'est pas interdit par la loi

Lorsque l'intérimaire lui demande de préciser s'il fait référence au voile, l'homme répond ensuite : "Oui. On est en France, Madame, c'est dans la loi." Un argument d'autorité a priori imparable, mais que dit véritablement la loi française au sujet du port des signes religieux dans le cadre professionnel ?

Si certains espaces publics, notamment l'école, sont régis par des dispositions particulières qui interdisent le port de signes religieux ostensibles, il n'en va pas de même pour l'espace privé et notamment pour l'espace de travail. À l'inverse, le Code du travail assure même une liberté maximale aux employeurs comme aux employés.

Un cadre plus spécifique en fonction des entreprises

L'article L1121-1 stipule ainsi que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché". Autrement dit, un employeur n'est pas en droit de dicter à son employé de quelle manière il doit s'habiller, à moins que celle-ci n'entre en contradiction avec sa mission professionnelle.

Sur cette base, il serait donc logique de considérer que le gérant du Geox a dérogé à la loi en refusant une intérimaire en raison de son accoutrement. Toutefois, comme le rappelle un "guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées" édité par le Ministère du travail, le cadre des libertés individuelles et collectives des salariés est également fixé par le règlement intérieur de chaque entreprise.

Mystère autour du règlement intérieur de Geox

Plus précisément, une disposition de la loi El-Khomri de 2016 permet aux employeurs de faire apparaître le principe de "neutralité", en particulier religieuse, dans leur règlement intérieur. L'article L1321-2-1 spécifie ainsi que ce dernier "peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché".

Depuis 2016, il est donc légalement possible pour Geox, comme pour toute autre société, de faire interdire dans son règlement intérieur le port de tout signe religieux. Mais est-ce réellement le cas ? Contactée par nos soins, l'antenne française de la chaîne italienne de magasins n'a pas été en mesure de nous répondre. Elle confirme néanmoins que l'incident a été remonté au siège de la société, à Montebelluna (Italie), et que la direction va "faire le nécessaire".