Georges Tron à la fois condamné et acquitté: comment expliquer ce verdict?

Georges Tron lors de son procès en appel devant la cour d'assises de Paris. - Benoit Peyrucq
Georges Tron lors de son procès en appel devant la cour d'assises de Paris. - Benoit Peyrucq

Georges Tron a passé sa première nuit à la prison de la Santé, à Paris. L'ancien secrétaire d'État du gouvernement Fillon a été condamné ce mercredi soir à cinq ans de prison, dont trois fermes, pour le viol et les agressions sexuelles commis sur Virginie Ettel, une ancienne collaboratrice à la mairie de Draveil (Essonne), qu'il dirige depuis 1995. L'adjointe à la Culture Brigitte Gruel, qui comparaissait à ses côtés, a écopé d'une peine de deux ans de prison avec sursis.

Dans le même temps, la cour d'assises de Paris, au terme d'un délibéré qui a duré 11 heures, a acquitté en appel Georges Tron pour les faits de viol concernant une autre plaignante, Eva Loubrieu.

En première instance, l'élu avait d'ailleurs été entièrement acquitté en 2018 des accusations pour lesquelles il était jugé, à savoir des attouchements et des pénétrations digitales entre 2007 et 2010. Comment expliquer ce nouveau verdict?

• Pour quels faits Georges Tron a été condamné?

Georges Tron a été reconnu coupable du viol et des agressions sexuelles commis sur Virginie Ettel, une ancienne employée de la mairie de Draveil. La cour d'assises de Paris est même allée plus loin que les réquisitions de l'avocat général en condamnant l'élu à cinq ans de prison, dont trois fermes, quand le ministère public réclamait cinq ans de prison, dont trois avec sursis, et un aménagement de la peine sous forme de bracelet électronique pour la partie ferme de la peine.

En première instance, Georges Tron avait été acquitté pour ces faits. Dans sa motivation, la cour d'assises de Seine-Saint-Denis avait estimé que la plaignante n'avait pas apporté "la preuve d'une situation de contrainte", reconnaissant toutefois un "climat général hypersexualisé" au sein de la mairie de Draveil. En appel, la cour d'assises de Paris a été convaincue par les déclarations précises et circonstanciées de Virginie Ettel. La justice a également écarté la théorie du complot du Front national local, arguée par la défense de Georges Tron.

Les déclarations de Virginie Ettel ont été en totale concordance et sont constantes avec les premières révélations sur ces faits qu'elle avait faites à ses proches et avec les dépositions qu'elle a faites tout au long de la procédure.

Lors de ce second procès, Virginie Ettel a décrit avec précision une scène d'agression sexuelle suivie d'un viol où Georges Tron et Brigitte Gruel étaient présents. Elle a également détaillé une autre agression sexuelle commise au domicile de l'adjointe à la Culture. À chaque fois, ces faits débutaient par des séances de réflexologie plantaire. Elle a par ailleurs évoqué des faits subis pendant des mois sous la pression de ses supérieurs hiérarchiques.

"Georges Tron a nié les évidences les plus criantes", estime ce jeudi l'avocat de Virginie Ettel, Me Vincent Ollivier. "Quelqu'un qui ment sur tout , comment peut on encore croire à la véracité de ses propos?"

La lourdeur de la peine s'explique donc par la gravité des faits reprochés à un maire qui a abusé de son autorité et de son pouvoir, la persistance de l'accusé à nier les faits reprochés, son absence de réflexion quant à ses passages à l'acte, et son implication personnelle et instigatrice pour faire pression sur les témoins et les victimes. Au regard de son statut d'élu, la cour d'assises a également condamné Georges Tron à une peine d'inéligibilité de 6 ans.

• Pourquoi Georges Tron a-t-il été acquitté partiellement?

Elles étaient deux sur le banc des parties civiles. Virginie Ettel a été reconnue comme victime, Eva Loubrieu a été déboutée de sa demande. Pour la seconde, la justice n'a pas reconnu les viols répétés et les agressions sexuelles dans le bureau de l'élu, parfois en présence de Brigitte Gruel, que cette femme de 44 ans reprochait à Georges Tron.

Les accusations lancées par Eva Loubrieu ont été brouillées par les éléments qu'elle a apportés à la cour. Dans un premier temps, l'ancienne employée de la mairie de Draveil a en effet affirmé qu'elle a entretenu des rapports consentis avec Georges Tron de février à août 2007. La plaignante a ensuite expliqué à la cour et aux jurés que cette relation avait basculé dans des rapports non consentis, estimant être devenu un objet sexuel pour Georges Tron et Brigitte Gruel.

Les déclarations d'Eva Loubrieu ont varié dans le temps, notamment sur le nombre de rapports qu'elle dit avoir subis. La cour d'assises de Paris n'a également pas pu établir avec certitude qu'il y avait eu un basculement dans les relations entre la plaignante et Georges Tron. Il a donc été acquitté pour ces faits.

"On sent qu'on était sur une ligne de crête, ça ne s'est pas joué à grand chose concernant le cas de ma cliente", estime Me Loïc Guérin, l'avocat d'Eva Loubrieu, au lendemain du verdict sur BFMTV.

L'avocat indique que sa cliente est à la fois partagée entre le sentiment de "frustration" et de "satisfaction de voir que des faits dénoncés, très comparables (à ceux décrits par Eva Loubrieu, NDLR), sont reconnus". "La décision de la cour d'assises de Paris est une décision qui vaut un peu aussi pour ma cliente", explique Me Guérin.

• Quelles sont les possibilités pour Georges Tron?

Immédiatement le verdict tombé, comme pour tout accusé devant une cour d'assises condamné à une peine de prison ferme, Georges Tron a été incarcéré et a passé la nuit dans une cellule de la prison de la Santé à Paris. Ses avocats n'ont pas réagi à cette condamnation.

L'élu a désormais la possibilité de se pourvoir en cassation mais cette procédure doit être motivée par une question de droit concernant le verdict et non sur le fond du dossier. Un pourvoi doit être motivé et des conclusions écrites doivent être rédigées. La défense de Georges Tron a dix jours pour rendre ses conclusions si elle décide de se pourvoir en cassation.

Le pourvoi en cassation n'est pas suspensif concernant la peine de prison, il l'est en revanche pour la peine d'inéligibilité. Si Georges Tron lançait cette procédure, il pourrait alors faire une demande de mise en liberté, qui serait audiencée et débattue, sans aucune certitude que la justice accède à sa demande.

Si Georges Tron accepte sa peine et ne se pourvoit pas en cassation, il pourra déposer théoriquement une demande de remise en liberté anticipée à la moitié de sa peine, c'est-à-dire dans 18 mois.

Article original publié sur BFMTV.com