Gaza : Ce que l’on sait de l’opération sur Rafah qu’Israël veut lancer

Alors que Netanyahu appelle son armée à préparer une offensive sur Rafah, deux otages ont été libérés dans la nuit lors d’une opération israélienne.

Des gens inspectent les dégâts dans les décombres d’une mosquée suite à un bombardement israélien, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 février 2024, au milieu des combats en cours entre Israël et le Hamas.
MOHAMMED ABED / AFP Des gens inspectent les dégâts dans les décombres d’une mosquée suite à un bombardement israélien, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 février 2024, au milieu des combats en cours entre Israël et le Hamas.

PROCHE-ORIENT - Le dernier refuge des Gazaouis est désormais l’objet de tous les regards et de toutes les inquiétudes. La semaine dernière, après plus de 120 jours de guerre entre Israël et le Hamas, le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu a ordonné à son armée de préparer une offensive sur Rafah.

Guerre Israël-Hamas : ce que l’on sait des deux otages israéliens libérés à Rafah, à la frontière avec l’Égypte

Or, depuis que Tsahal mène des opérations militaires dans le nord de la bande de Gaza, c’est dans cette ville du sud, limitrophe de l’Égypte et seul point de passage humanitaire, que se masse actuellement la majeure partie de la population du territoire palestinien, selon l’ONU.

Dans la nuit du dimanche au lundi 12 février, des frappes israéliennes ont touché Rafah et ont permis de récupérer deux otages. Le ministère de la Santé du Hamas a fait état « d’environ 100 morts » dans ces bombardements. Il n’était pas clair en revanche si ces derniers marquent le début de l’offensive à laquelle a appelé Netanyahu pour prendre le « dernier bastion » des « terroristes du Hamas ». Voici ce que l’on sait pour le moment de l’opération en préparation.

• Pourquoi une offensive contre Rafah ?

Depuis les attaques meurtrières menées par le Hamas, le 7 octobre qui ont fait près de 1 200 morts, Israël a promis de détruire le mouvement terroriste en menant des opérations militaires dans la bande de Gaza - en commençant par le nord du territoire. Alors que début novembre, le territoire était coupé en deux, Tsahal, qui a ordonné l’évacuation de la partie haute, a avancé petit à petit vers le sud. Depuis plusieurs mois, l’armée israélienne s’est notamment concentrée sur Khan Younès, juste au nord de Rafah.

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a assuré jeudi dernier que ses troupes avaient terminé de démanteler la brigade du Hamas à Khan Younès et qu’elle allait désormais concentrer ses opérations sur Rafah. « Il est impossible d’atteindre l’objectif de la guerre sans éliminer le Hamas et en laissant quatre bataillons du Hamas à Rafah », a notamment argué Benjamin Netanyahu.

Carte de la bande de Gaza avec le nombre de déplacés internes dans des centres collectifs, par gouvernorat, selon les données du Shelter Cluster au 22 janvier
AFP Carte de la bande de Gaza avec le nombre de déplacés internes dans des centres collectifs, par gouvernorat, selon les données du Shelter Cluster au 22 janvier

• Quand aura lieu l’offensive ?

Pour l’instant, Yoav Gallant se refuse évoquer toute date pour cette offensive. Néanmoins selon le journal Haaretz, Netanyahu souhaiterait qu’elle ait lieu avant la mi-mars, lorsque doit débuter le ramadan.

Une temporalité floue à dessein ? Interrogé par nos confrères de France24, Yossi Mekelberg, membre associé du groupe de réflexion Chatham House, basé à Londres, n’écarte pas l’hypothèse que l’annonce de cette opération puisse relever d’une forme de stratégie et acculer le Hamas à négocier. « Si ce n’est pas une tactique, nous pouvons probablement nous attendre au plus lourd bilan quotidien établi depuis le début de la guerre », craint-il.

• Que va-t-il advenir des réfugiés de Rafah ?

Selon l’ONU la plupart des 1,4 million d’habitants que compte la bande de Gaza sont désormais réfugiés à Rafah. Une offensive militaire dans ce centre urbain devenu un gigantesque campement, et où l’armée israélienne n’a pas encore pénétré, fait craindre le pire à la communauté internationale. D’autant que Rafah avait jusqu’à maintenant été estampillée comme une « zone sûre » par Israël, sans que cela n’empêche la ville d’être par ailleurs touchée par des bombardements, la famine, l’absence de soins, d’électricité, ou de denrées alimentaires.

Si, vendredi 9 février, Benjamin Netanyahu a demandé un « plan combiné » d’« évacuation » des civils de Rafah et des « zones de combat », et de « destruction » du Hamas, les questions demeurent sur les endroits où pourraient bien se réfugier les Gazaouis de Rafah, où la densité de population a explosé comme l’a montré l’ONG Amnesty International sur X (ex-Twitter). 

« Les images satellites des zones rurales de Rafah montrent une masse de tentes et d’autres structures temporaires érigées depuis la mi-octobre. Dans les zones urbaines de Rafah, une masse de personnes et de nouvelles structures temporaires sont visibles dans les rues ».

Selon Haaretz, la zone qui est pour l’instant privilégiée par Tsahal comme territoire d’évacuation, est celle d’Al-Mawasi, une région côtière du sud de la bande de Gaza, et ne faisant pas plus de 16 km carrés, soit à peine « la taille de l’aéroport Ben Gourion ». Le quotidien israélien a par ailleurs calculé que si un million de personnes se réfugiaient effectivement dans cette zone, la densité serait alors de plus de 60 000 personnes par kilomètre carré. Seule solution : « que les gens soient à genoux ou debout ».

De son côté, Nétanyahou a suggéré dans le week-end au micro d’ABC News, que les habitants de Rafah puissent aussi retourner vers le nord, dans des « zones qui ont été nettoyées ». Alors que de nombreuses personnes sont blessées, les inquiétudes se portent également sur le délai que donnera l’armée israélienne à la population de Rafah. Mi-octobre, Tsahal avait donné 24 heures aux Gazaouis pour évacuer le nord de la bande.

• L’Égypte aussi se prépare à l’offensive

De par sa proximité avec Rafah, l’Égypte craint de son côté que de nombreux Gazaouis ne traversent la frontière pour venir se réfugier dans le Sinaï. Le Caire pourrait même mettre les accords de Camp David, essentiels à la stabilité régionale depuis 50 ans, dans la balance si Rafah devenait un lieu de combats. Ce week-end, l’Égypte avait massé des dizaines de chars à la frontière.

De son côté, Washington a prévenu que « dans les conditions actuelles », les États-Unis ne pourraient pas « soutenir une opération militaire à Rafah en raison de la densité de la population ».

Quant au Hamas, il a averti qu’une offensive israélienne contre Rafah anéantirait les espoirs de libération des otages détenus dans la bande de Gaza. Israël estime à environ 130 le nombre d’otages toujours détenus à Gaza, dont 29 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées en Israël le 7 octobre.

VIDÉO - Rafah : la pression étrangère pour qu’Israël ne lance pas son offensive terrestre