Gabriel Attal veut envoyer les jeunes « à la dérive » en internat, voici ce que l’on sait de ce dispositif
ÉCOLE - Proposer aux parents dont l’enfant « commence à avoir de mauvaises fréquentations » qu’il soit envoyé en internat, loin de son quartier, pour « retrouver un cadre » plutôt que « de sombrer dans la spirale de la délinquance et parfois du crime ». C’est l’une des propositions de Gabriel Attal contre la violence des mineurs énoncées la semaine dernière lors d’un discours à Viry-Châtillon (Essonne) et qui doivent déboucher sur l’adoption de mesures d’ici deux mois.
Certains contours de cette proposition ont été précisés ce lundi 22 avril lors d’un déplacement du Premier ministre à Nice pour visiter l’un des établissements qui participent à une expérimentation de cet envoi en internat. Le lycée du Parc impérial doit accueillir « une soixantaine de jeunes pendant les vacances, pour les remettre dans le droit chemin », avait indiqué Gabriel Attal jeudi soir sur BFMTV.
« Il y a dans notre pays des dizaines de milliers de places en internat qui sont désespérément vides, a souligné le Premier ministre. J’y vois une opportunité. Une opportunité pour couper rapidement et efficacement un jeune de ses mauvaises fréquentations. » Selon le ministère de l’Éducation, en 2022-23, un peu plus de 175 000 places d’internat était occupées sur les près de 230 000 places recensées dans 1 618 établissements. Soit un taux d’occupation de 65,9 % au collège, 79,1 % au lycée, et 77,5 % en lycée professionnel.
« Pas uniquement un objet répressif »
Et de développer : « Mon idée est simple : avant qu’un jeune ne tombe vraiment dans la délinquance, lorsque l’on s’aperçoit qu’il commence à avoir de mauvaises fréquentations, à traîner dans la rue, nous proposerons aux parents que leur enfant soit envoyé en internat, loin de son quartier et de ceux qui le poussaient à plonger. »
Tous les détails de cette mesure restent à définir. L’envoi d’un adolescent en internat s’inscrira « dans le cadre d’une concertation avec les familles et tous les acteurs », a précisé Matignon, « rien d’imposé ou de répressif ».
Néanmoins, les parents qui s’opposeraient au placement de leur enfant pourraient voir leur « défaillance » et leur « responsabilité » accrues, a précisé le Premier ministre ce lundi. « Si des parents le refusent et que leur enfant se livre ensuite à de la délinquance, ce sera une forme de circonstance aggravante dans leur responsabilité », a prévenu Gabriel Attal à Nice.
« Aujourd’hui, il faut attendre un manquement grave pour pouvoir retenir le non-respect de l’obligation parentale, a souligné le Premier ministre. Je souhaite qu’on puisse faire évoluer la loi pour que plusieurs manquements légers et répétés puissent également permettre de retenir le manquement à l’obligation parentale. » Le refus d’envoyer leur enfant à l’internat pourrait donc faire partie de ces « manquements légers ».
Pourtant, l’internat est bien présenté non comme un outil de répression mais comme une « chance » par le cabinet du Premier ministre. « L’internat ne doit pas être uniquement vu comme un objet répressif (...) C’est une chance pour le jeune de sortir d’un milieu familial, un contexte social et d’avoir de meilleures chances de réussir. Comme ce qui est fait par exemple dans les internats d’excellence. C’est une manière de le faire rebondir et de l’aider à réussir », pointe-t-on.
Pendant les vacances ou toute l’année
L’envoi de jeunes en internat pourra se faire selon « au moins deux formules » : pendant les vacances ou durant toute l’année scolaire. « Une formule où, pendant les vacances, des internats sont ouverts pour que des jeunes soient soustraits à leur environnement et encadrés, d’un point de vue pédagogique et valeurs de la République, a précisé Matignon. C’est cette option-là qui sera testée dès lundi. » Les jeunes seront encadrés par des « acteurs » de « la ville, de la jeunesse ou des gendarmes réservistes ».
La deuxième formule, à l’année, consistera à « permettre à des jeunes d’aller dans des internats, des établissements loin de chez eux pour intégrer une scolarité normale ». Elle sera réservée à « des jeunes dont on voit que l’environnement commence à devenir problématique. Sans notion de violence, mais justement pour éviter ce glissement, ce décrochage vers la violence ou vers une remise en cause plus profonde de l’autorité. »
Dès février, le Snes-FSU, premier syndicat des collèges et lycées, avait dénoncé « l’internat version Gabriel Attal : un outil au service de la lutte contre la délinquance ». « Depuis ces 20 dernières années, l’internat scolaire est réapparu dans les discours politiques, pas toujours pour le meilleur, faisant l’objet d’enjeux idéologiques », regrettait le syndicat.
Selon Olivier Raluy, secrétaire catégorie CPE du syndicat d’enseignants SNES-FSU, Gabriel Attal défend aujourd’hui « l’idée non pas comme un internat éducatif mais plutôt comme un lieu de redressement ». « Pour nous, l’internat s’inscrit dans un projet éducatif (...). C’est avant tout un lieu de socialisation, de réussite scolaire, c’est un vecteur de promotion sociale », dit-il à l’AFP.
À voir également sur Le HuffPost :