« Gabriel Attal insulte la mémoire de l’abbé Pierre en attaquant la loi SRU » - TRIBUNE
LOGEMENT - Faire appliquer la loi SRU, c’était l’ultime combat de l’abbé Pierre en 2006, juste avant sa mort. 70 ans après son appel du 1er février 1954, Gabriel Attal a annoncé remettre en cause la loi SRU en incorporant dans le calcul du taux les logements intermédiaires. Cette décision est une insulte à la mémoire l’abbé Pierre.
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La loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) est l’acte législatif majeur du début du siècle. Elle a été adoptée à l’initiative du ministre communiste du logement Jean-Claude Gayssot et nous célébrions en décembre son 23e anniversaire.
En imposant avec ce texte aux communes une proportion minimale de logements sociaux sur leur territoire, la gauche au pouvoir a changé de nombreuses vies. Sa mise en œuvre a permis des investissements de grande ampleur en faveur du logement abordable notamment dans les zones tendues. Ainsi, à Paris le nombre de logements sociaux est passé de 150 000 en 2001 (13 %) à 275 000 en 2023 (25 %).
Malgré les premières contestations, l’obligation de produire du logement social est largement acceptée. Ces combats sont devenus majoritaires.
Comment vouloir le contraire quand la France compte 330 000 sans-abri, que 3000 enfants dorment dehors tous les soirs, que le nombre de ménages en attente d’un logement social n’a jamais été aussi élevé (2,42 millions) et que l’accès à la propriété pour les classes moyennes n’a jamais été aussi faible et inégalitaire socialement ?
Bon nombre de maires voyous vont voir leur situation « régularisée » par cette réforme.
Pourtant, le Premier ministre a annoncé lors de sa déclaration de politique générale une attaque inédite contre l’article 55 de la loi SRU, en amoindrissant ses exigences. Intégrer les logements intermédiaires dans la loi SRU met fin à l’obligation de construire du logement social.
Cette proposition, qui ne réglera en rien le retard pris pour la construction du logement social, va renforcer les ségrégations territoriales en fragilisant le respect de la loi SRU au lieu d’accroître la pression sur les communes hors la loi, carencées en logements sociaux. C’est un cadeau fait aux maires réticents puisqu’ils amélioreront leurs chiffres sans faire d’efforts sur ce même logement social.
Cette décision ne va pas augmenter la quantité de logements intermédiaires. Elle va juste, par effet d’aubaine, diminuer la production de logements sociaux. Bon nombre de maires voyous vont voir leur situation « régularisée » par cette réforme. Elle va leur faciliter la tâche, sapant ainsi l’ordre républicain. Changer la norme contraignante sur le logement social au lieu de la respecter n’est pas la voie à suivre.
Cette annonce, aussi honteuse qu’irresponsable, est un affront pour les préfets et les nombreux maires respectant la loi SRU depuis deux décennies, ainsi qu’une trahison envers les Français modestes.
La loi SRU équilibre la production de logements sociaux, elle met fin aux ghettos de riches, à l’entre-soi de l’argent.
La moitié des communes concernées n’appliquent pas la loi SRU ? Ce n’est pas grave, Gabriel Attal trifouille la loi pour préserver l’entre-soi bourgeois. Rachida Dati, maire de l’arrondissement parisien qui compte le moins de logements sociaux fustigeait d’ailleurs à son tour ce mercredi sur France Inter la loi SRU. Elle irait contre « la mixité sociale » et concentrerait « les difficultés aux mêmes endroits ».
Or, cette loi permet justement l’inverse. Elle équilibre la production de logements sociaux, elle met fin aux ghettos de riches, à l’entre-soi de l’argent qui persuade certains qu’ils peuvent échapper à toute règle de solidarité sociale. Surtout, refuser de construire du logement social revient à refuser de loger ceux qui font tourner nos territoires.
Le Premier ministre fait le choix d’une réforme inopportune alors que rien n’est proposé pour accélérer la production de logements sociaux. Le soutien au logement intermédiaire ne répond pas aux besoins de la majorité des classes moyennes. Aujourd’hui, seuls 3 % des ménages en attente de logement social y sont éligibles compte tenu de leurs ressources.
Encore une fois, les 2,6 millions de demandeurs de logements sociaux sont la variable d’ajustement d’une politique de désengagement de l’État.
Pour contrer la pénurie de logements, il est essentiel de renverser la logique libérale. Le logement n’est pas une simple marchandise. Il doit être une priorité budgétaire de l’État et des collectivités. En unissant nos forces, nous pouvons préserver l’héritage de l’abbé Pierre et construire un avenir où le logement décent est un droit pour tous.
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