Géorgie : des jumelles séparées et vendues à la naissance réunies grâce à une vidéo Tiktok

Des jumelles géorgiennes de 19 ans qui avaient étaient séparées et vendues à la naissance se sont retrouvées par hasard grâce à une vidéo Tiktok. Des années après, Amy et Ano ont pu retrouver leur mère biologique et elles ont découvert que celle-ci avait été victime d'un trafic et vol d'enfants d'ampleur nationale à leur naissance.

En 2014, Amy Khvitia a 12 ans lorsqu'elle découvre, sans le savoir, le visage de sa soeur jumelle à la télévision dans l'émission de télé-crochet "La Géorgie a un incroyable talent". "Tout le monde appelait ma mère (adoptive) pour demander: 'pourquoi Amy danse sous un autre nom?'", raconte à la BBC la jeune Géorgienne, aujourd'hui âgée de 19 ans.

À l'époque, la pré-adolescente et son entourage pensent à un sosie, une coïncidence. L'épisode reste néanmoins dans un coin de la tête de la jeune fille. Mais quelques années plus tard, en novembre 2021, le visage d'Amy surgit par hasard dans le feed Tiktok d'Ano Sartania. Sur cette vidéo, une jeune femme aux cheveux bleus se fait piercer l'arcade sourcilière.

"Je te cherche depuis si longtemps"

"J'ai pensé que c'était cool que quelqu'un me ressemble", raconte Ano. Intriguée, elle cherche à savoir si certains la connaissent et envoie la fameuse vidéo à plusieurs contacts, qui lui permettent de retrouver sa soeur sur Facebook. À l'époque, les deux jeunes femmes vivent à 320 km de distance l'une de l'autre: Amy habite près de la mer Noire, tandis qu'Ano réside dans la capitale Tbilissi.

Mais Amy fait directement le lien avec l'émission de danse qu'elle avait vue des années auparavant. "Je te cherche depuis si longtemps", envoie-t-elle alors à Ano, qui lui répond "moi aussi". Même coiffure, même passion pour la danse, même style de musique... et même maladie génétique - la dysplasie, une maladie osseuse: les similarités entre les deux jeunes femmes de 19 ans sont frappantes.

"Chaque fois que j'apprenais quelque chose de nouveau sur Ano, les choses devenaient de plus en plus étranges", raconte Amy.

Toutefois, les deux jeunes femmes cherchent depuis la vérité sur leurs origines. Elles savent désormais qu'elles sont toutes les deux nées à la maternité de Kirtskhi, dans l'ouest du pays. Mais à quelques semaines d'intervalle, leurs dates de naissance ne correspondent pas. Leurs familles respectives leur apprennent alors qu'elles ont été adoptées séparément en 2002, à quelques semaines d'écart, et que leurs dates de naissance sont en fait erronées.

Des bébés échangés contre de grosses sommes d'argent

La mère d'Amy, dans l'incapacité d'avoir un enfant, lui révèle qu'à l'époque, un ami lui aurait révélé l'existence d'un bébé non désiré dans un hôpital local, qu'elle pourrait potentiellement élever comme le sien contre une somme d'argent conséquente - dont elles ne souhaitent pas révéler le montant aujourd'hui - versée aux médecins. Le scénario est le même pour la mère d'Ano. À l'époque, les deux familles ignorent l'existence d'une quelconque soeur jumelle.

Dans la foulée de toutes ces recherches, Amy souhaite retrouver la trace de leur mère biologique, notamment pour savoir si leurs parents biologiques les ont vendues à des fins lucratives. Ano, de son côté, émet plus de réserves. "Pourquoi veux-tu rencontrer la personne qui aurait pu nous trahir ?", s'interroge-t-elle d'abord.

Les jumelles partagent toutefois leur histoire sur un groupe Facebook géorgien - 'Vedzeb', je cherche en Géorgien - sur lequel 200.000 personnes cherchent des membres de leur famille. Elles y découvrent alors que d'autres enfants sont soupçonnés d'avoir été adoptés illégalement dans le pays. Sur le réseau social, une Allemande leur répond même que sa propre mère a donné naissance à des jumelles annoncées comme mort-nées en 2002, ce dont elle doute aujourd'hui.

"Jusqu'à 100.000 bébés volés"

Les trois jeunes femmes s'adonnent alors à des tests ADN... qui s'avèrent positifs. Cette jeune femme rencontrée en ligne se révèle bien être leur soeur, et sa mère Aza la mère biologique des jumelles volées à la naissance.

La journaliste Tamuna Museridze, à l'origine de ce groupe Facebook, a permis de révéler l'existence d'un véritable marché noir de l'adoption en Géorgie, s'étendant des années 1950 au début des années 2000. Selon elle, ce trafic était mené par des criminels organisés infiltrés au sein de la population, de chauffeurs de taxi à certains hauts fonctionnaires.

"L'ampleur (du trafic) est inimaginable, jusqu'à 100.000 bébés ont été volés. C'était systémique", raconte aujourd'hui la journaliste.

Tamuna Museridze explique à la BBC que de nombreux parents victimes de ce trafic lui auraient confié que lorsqu'ils demandaient à voir les corps de leurs bébés morts, les soignants leur répondaient qu'ils avaient déjà été enterrés dans l'enceinte de l'hôpital. Depuis, la journaliste a appris que les cimetières des hôpitaux géorgiens n’avaient en réalité jamais existé, et que les soignants montraient parfois aux parents des bébés morts qui avaient été congelés dans la morgue pour leur faire croire à la mort de leurs enfants.

Article original publié sur BFMTV.com

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