Le génie d'Albert Uderzo, le co-créateur d'"Astérix", enfin célébré dans un musée

Le co-créateur d'Astérix, mort en mars 2020, n'a jamais été à l'honneur d'une exposition à la hauteur de son génie graphique. C'est chose faite avec Comme une potion magique, au musée Maillol, du 27 mai au 30 septembre.

En octobre 2019, à l'occasion des soixante ans d'Astérix, le dessinateur François Boucq déplorait l'absence de célébration du génie graphique d'Albert Uderzo par un grand musée national: "Qui va lui faire une exposition à la hauteur de celles qui ont été organisées au Grand Palais sur Hergé et Hugo Pratt?", avait-il martelé sur BFMTV. "Uderzo a tout eu, mais une reconnaissance artistique serait bien pour lui. Il a eu l’amour du public, les albums, les films, mais qu’on reconnaisse un grand artiste! C’est toujours après la mort qu’on redécouvre le talent."

Mort en mars 2020 à l'âge de 92 ans, le génial dessinateur d'Astérix, mais aussi de Tanguy et Laverdure et d'Oumpah-Pah, est enfin célébré au musée Maillol. L'exposition Albert Uderzo, comme une potion magique, organisée du 27 mai au 30 septembre, permet pour la première fois de revenir sur la carrière de cet artiste qui rêvait de devenir un Walt Disney français. Malgré les deux récentes rétrospectives consacrées à Goscinny, et l'exposition Astérix de la BNF, celle-ci offre la possibilité de découvrir 300 œuvres originales d'Uderzo, toutes issues de ses archives personnelles.

"Mon père est parti il y a un an. On a reçu pas mal de courriers avec maman nous demandant de lui rendre hommage. On s'y est attelé au plus vite. Cette exposition, c'était le meilleur hommage qu'on pouvait lui rendre - pour que la bande dessinée rentre au musée, c'est le neuvième art", explique à BFMTV Sylvie Uderzo, sa fille. Elle dit avoir voulu "montrer l'homme qui se cachait derrière l'artiste, que l'on connaît au travers d'Astérix, mais pas forcément à travers tout son travail antérieur."

Des documents exceptionnels

Une large partie de l'exposition est ainsi consacrée à son apprentissage du dessin en autodidacte, mais aussi à l'importance de sa double culture italienne et française. Sans oublier la découverte de la Bretagne, adolescent pendant la guerre, qui lui a inspiré le village d'Astérix. L'exposition s'ouvre avec un dessin remarquable d'après Blanche-Neige de Walt Disney. Uderzo, à peine âgé de onze ans, s'y montre déjà en pleine possession de ses moyens, capable de reproduire le style tout en rondeur de son idole.

"Il dessinait sur des planches de bois - mon grand-père était luthier", commente Sylvie Uderzo. "Il avait cette passion pour Walt Disney. Il avait découvert comme beaucoup à cette époque Blanche-Neige et les Sept Nains. C'est aussi avec ce dessin que ma grand-mère a remarqué qu'il était daltonien."

Autre document essentiel à découvrir au musée Maillol: deux croquis très réalistes de 1944 de Mister Univers - le jeune Albert n'a alors que 17 ans -, qui témoigne de la capacité d'Uderzo à dessiner le corps de ses personnages de la manière la plus détaillée possible. La réussite d'Astérix repose en partie sur ce style qu'il met alors au point, à mi-chemin entre le trait rond de Disney et le trait réaliste du croquis d'après nature. "Grâce à ses expériences professionnelles, il a pu faire évoluer son trait", commente Sylvie Uderzo.

Ce style arrive à son apogée au début des années 1970, alors que la série est devenue un phénomène de société. Une époque où il enchaîne certains des meilleurs albums de la série - Astérix chez les Helvètes (1970), Le Domaine des dieux (1971) et Astérix en Corse (1973).

Le grotesque des caricatures cohabite avec une représentation du monde et des décors extrêmement réalistes dans des planches où chaque personnage et chaque situation sont parfaitement mis en scène. Beaucoup des planches de cette période sont à admirer au musée Maillol. On peut y découvrir le travail extrêmement raffiné d'Uderzo, notamment dans les scènes d'orgie des Helvètes, une parodie du Satyricon de Fellini qui conserve cinquante ans plus tard sa puissance évocatrice légèrement licencieuse.

"C'est vrai", acquiesce Sylvie Uderzo, avant de préciser que certaines planches de Oumpah-Pah ou les crayonnés du Ciel lui tombe sur la tête, le dernier Astérix dessiné de la main d'Uderzo, témoignent également de ce "coup de crayon exceptionnel". Maillol édite d'ailleurs un superbe catalogue proposant d'impressionnantes reproductions de l'intégralité des planches d'Uderzo exposées au musée. Un régal pour les yeux.

Article original publié sur BFMTV.com

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