CORR-François Hollande, premier chef d'Etat français à Cuba

par Elizabeth Pineau LA HAVANE (Reuters) - (Bien lire que la visite de François Hollande à Cuba est la première d'un dirigeant occidental depuis celle du chef du gouvernement espagnol Felipe Gonzalez en 1986) Premier chef d'Etat français à poser le pied à Cuba, François Hollande a marqué dimanche soir sa volonté d'accompagner l'île communiste sur le chemin de l'ouverture symbolisée par le rapprochement historique avec les Etats-Unis. Dès son arrivée à l'aéroport de La Havane, le président français a délivré un message d'ouverture aux 11 millions de Cubains et à leurs dirigeants issus de la Révolution de 1959 emmenée par Fidel Castro. "J'arrive ici à Cuba avec beaucoup d'émotion car c'est la première fois qu'un président de la République française vient à Cuba. C'est aussi un symbole d'être le premier chef d'Etat occidental à participer à l'ouverture de Cuba et accompagner Cuba dans cette mutation", a dit François Hollande, premier dirigeant occidental dans l'île depuis le président du gouvernement espagnol Felipe Gonzalez en 1986. "Il y a des liens historiques, des liens profonds entre le peuple français et le peuple cubain. Il y a un attachement à l'indépendance, à l'aspiration à avoir face aux tribulations du monde, la volonté de peser", a-t-il ajouté. "Et aujourd'hui cela prend une signification particulière après ce qu'a, enfin, décidé le président Obama." Annoncée mi-décembre, la normalisation entre les Etats-Unis et Cuba a été scellé le mois dernier entre Barack Obama et Raul Castro en marge du sommet des Amériques, au Panama. "Voisine" de Cuba grâce aux Antilles, la France veut, "avec l'Europe, être un accompagnateur de ce processus", a souligné François Hollande. Le président français devait entamer la journée de lundi par un entretien à la résidence de France avec le cardinal Jaime Ortega, à qui il devait remettre la Légion d'honneur. Figure majeure de son pays, l'archevêque de La Havane a souvent joué un rôle de médiateur entre le régime castriste et les opposants politiques. Ces derniers attendent d'ailleurs beaucoup de la visite du pape François, prévue en septembre, pour faire évoluer la question des libertés à Cuba, où il est par exemple interdit de manifester. A ceux qui lui reprochent de ne pas rencontrer la société civile durant ce voyage, François Hollande a réaffirmé son intention d'évoquer le sujet avec les autorités cubaines. "Je parlerai des droits de l'homme car chaque fois qu'il y a des prisonniers politiques, chaque fois qu'il y a des manquements à la liberté, la France ne reste pas bouche cousue", a-t-il dit à la presse en Guadeloupe, juste avant son départ pour Cuba. Outre l'inauguration de l'Alliance française de La Havane, une rencontre avec des étudiants cubains à l'université, un forum économique et une séquence officielle aux côtés du président Raul Castro, François Hollande pourrait ajouter à son agenda chargé une courte visite à Fidel Castro. "REGARDÉ COMME UN MYTHE" Retiré de la vie publique depuis une dizaine d'années pour raisons de santé, le "lider maximo" de 88 ans fait de rares apparitions mais continue de recevoir régulièrement des visiteurs sous l'oeil de son fils photographe dont certains clichés sont parfois diffusés, mais sans la présence de journalistes. Bien que critiqué sur le plan des droits de l'Homme, Fidel Castro a longtemps joui d'un statut quasi iconique au sein d'une partie de la gauche française, comme l'a reconnu François Hollande. "Je suis d'une génération où Cuba a pu être regardé comme un mythe, c'est-à-dire une révolution face au géant américain qui essayait de trouver sa voie originale et qui en même temps était très lié à l'Union soviétique et qui a pu connaître des dérives en matière de liberté", a-t-il dit en Guadeloupe. Les visées sont aussi économiques lors de ce voyage présidentiel - auquel participent de nombreux grands patrons - dans la perspective d'une levée de l'embargo américain qui pourrait déstabiliser les entreprises européennes installées sur l'île. Washington et La Havane ont enclenché un processus de normalisation en vue du rétablissement de relations diplomatiques rompues depuis plus de 50 ans entre l'île et son grand voisin du Nord, séparés de 150 km à peine. Saluée comme un "tournant historique" par l'Union européenne, cette avancée était souhaitée par la France, qui vote depuis 1991 aux Nations unies en faveur de la levée de l'embargo américain. La France est aussi l'un des principaux créanciers de Cuba, avec une dette évaluée à environ cinq milliards de dollars. (avec Claudia Gaillard, édité par Henri-Pierre André)