Quand la France s'arrête, la politique avance

A la gare Saint-Charles à Marseille, le 3 avril.

SNCF, Air France, fonctionnaires : les Français ne s'ennuient pas, ils font grève, ce qui par définition se situe en retrait de l'idéologie de la mobilité.

La France ne s’ennuie pas, ­elle s’arrête. Toutes les résistances à la politique gouvernementale que l’on croyait voir s’essouffler, celle du personnel de la SNCF et d’Air France, celle des étudiants, se maintiennent, se renforcent même. La croissance a perdu ses deux moteurs, l’investissement et la consommation des ménages, et ne continue que par inertie. La cohérence brutale des réformes gouvernementales a détruit le seul rouage que l’on savait devoir préserver dans ce pays, celui des corps intermédiaires. La fonction publique, dont les salaires ­restent gelés, a perdu en même temps que la majorité de la population sa ­confiance dans une politique qui marche toute seule et dans le vide.

Nous assistons à l’effondrement de ce qui fut un mot d’ordre sans programme, «l’efficacité», avant de se développer sous la forme d’un programme dépourvu de toute surprise, de toute inventivité, de toute capacité d’adaptation. Il s’avère, encore sans surprise, que l’urgence forcée n’a pas d’autres ressources que la répétition.

Ce qui éclate surtout dans cette crise, qui est aussi une stase (ce terme grec ­signifiant à la fois «le conflit» et «l’arrêt»), c’est l’illusion d’un lien immédiat entre la rapidité des trajets, la mobilité sociale et le dynamisme politique. Ils semblent s’entraîner les uns les autres. On pense qu’il faut des trains plus «efficaces» pour permettre aux demandeurs d’emploi de travailler loin de chez eux, et que c’est là le gage d’une «flexibilité» économique que favoriserait une poli­tique de déréglementation et de privatisation. Or, les trajets les plus rapides ont pour condition le développement d’une infrastructure lourde qui implique des investissements à long terme, au rythme des innovations technolo­giques, menés par des acteurs stables. La mobilité sociale n’a de sens que si elle permet de (...)

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